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•118 P E U P L E S INDO-EUROPÉENS.
l'ensemble d'lmc affaire sans cn négliger les details. Par son caractère
e t sa manière de penser, le Polonais semble être de nature négative
])Iiitôt que positive. Dans l'énonciation de ses opinions et de ses sentim
e n t s , il mot iijie certaine ostentation à laquelle il doit nécessairement
renoncer ou qui le place dans lui jour défavorable lorsqu'il se trouve
eu contact direct avec des intérêts k propos desquels il est imbu de
p r é j u g é s exagérés, c'est-à-dire lorsqu'il sort de sa sphère habituelle pour
o u t r e r dans un milieu tout différent, on les intérêts et les personnes
lui apparaissent tels qu'ils sont réellement et non tels qu'il se les i-op
r é s e n t a i t , ou égard îi sa propi'c situation et à la réserve qu'elle doit
lui imposer. Quoiqu'il aime ii s'entourer d'un certain luxe oriental, le
P o l o n a i s n'a absolument en lui rien d'oriental, ni dans son caractère,
ni dans ses moeurs. II a tontes les habitudes, tous les instincts d'un
E u r o p é e n de l'Occident; il est chevaleresque dans ses manières, quelquefois
même un peu théâtral. La vanité joue un grand rôle dans son
e x i s t e n c e , et les satisfactions passagères qu'elle lui pi-ocnre entraînent
s o u v e n t la ]ierte de sa fortune. Il faut reconnaître cependant que, de
nos jours, la noblesse a fait de louables efFoi'ts pour introduire dans ses
a f f a i r e s un ordre régulier et une sage économie, de même que le clergé
a beaucoup fait pour porter les classes inférieures à la sobriété. Aujourd'hui
le gentilhomme polonais vit retiré la campagne, dans ses terres,
où il s'occupe beaucoup d'agronomie, science qni se trouve très-avancée
en Pologne. Le royanme de Pologne indique aussi par son seul aspect
e x t é r i e u r que la civilisation de ses habitants e^t assez développée et que
son organisation administrative est établie sur des principes solides. Les
Polonais nobles, spécialement les dames, qui peuvent parfaitement rival
i s e r de grâce et de coquetterie avec les dames françaises, se distinguent
pai' ieur amabilité, par l'aisance et le charme de leurs manières, par
une certaine vivacité d'esprit qui ne laisse aucune prise à l'apathie, à
l ' i n d o l e n c e ou à l'ennui. La passion pi'édomine chez eux; mais ils ne
sont pas exempts d'une certaine susceptibilité et leur défiance est facilement
mise en éveil; ce qui peut s'expliquer par le souvenir récent
des événements politiques; mais, d'un autre côté, lorsque les personnes
é t r a n g è r e s ne leur inspirent pas un sentiment d'instinctive répulsion et
n ' o n t pas avec eux des façons trop brusques, leur coniîancc renaît et
d é t e r m i n e en eux une franchise qui rend leur société extrêmement précieuse.
L a petite noblesse est souvent dominée par un amour-propre exagéi'é
e t animée d'une certaine rancune au souvenir de sa position antérieure
e t de ses anciens droits. Uue grande partie de ceux qui appartenaient h
c e t t e caste privilégiée, particulièrement dans les provinces de la Russie
o c c i d e n t a l e , où ils ne pouvaient, ainsi que cela arriva bien des fois,
c o n s t a t e r leur noblesse par des documents authentiques, furent organisés
en fermiers (odnodvortsy), c'est-à-dire en paysans libres avec ou sans prop
r i é t é s territoriales. Ils vivent souvent réunis par villages sur le domaine
d ' u n propriétaire dont ils cultivent les terres à titre de fermiers. Le
nom si populaire, pour ce genre de villages, de chlakhovchtcliisna désigne
ainsi clairement la position sociale des habitants. Le petit gentilhomme
e s t paysan par ses vêtements et ses occupations, mais il est véritablement
gentilhomme par ses idées et ses sentiments. Il suffit, pour s'en
c o n v a i n c r e , d'entrer dans sa modeste maison (khata) et de lui en voir
faii-e les honneurs. Les femmes et les filles cherchent à se donner une
s o r t e de relief ; elles affichent certaines prétentions dont elles aiment
beaucoup qu'on tienne compte, et elles désirent qu'on leur accorde une
c o n s i d é r a t i o n qui est souvent en singulière contradiction avec leur situation
matéi'ielle et le peu de développement de leur intelligence. La
g u i t a r e ne fait jamais défaut dans la chambre d'habitatiou ; les sons que
I on tire de cet instrument doivent être en harmonie avec la disposition
d ' e s p r i t de la seutimentale demoiselle ou avec l'àrae passionnée du jeune
c h l a k h t s i t z du voisinage, qui s'efforce de plaire à la jeune fille et met
dans l'expression de ses sentiments l'enthousiasme et l'affectation si nat
u r e l s au Polonais. On entend alors revenir fréquemment dans la convers
a t i o n les mots pan (monsieur), pani (madame) et panna (mademoiselle),
e n t r e m ê l é s do baisements de mains et d'épaules ; puis les paniènkas (demoiselles)
dansent joyeusement, avec accompagnement de violon et même
de piano (qu'ils nomment pantaléon), la danse française, la valse allemande
et la mazourka, danse vraiment nationale et qui l'cflète admirablement
bien le véritable caractère polonais. La société, dans la petite
noblesse, représente une sphère tout à fait à part ; la pénurie des ressources
tranche fortement avec une certaine tenue seigneuriale, un cert
a in je ne sais quoi qui dénote d'mie façon particulière les traces d'int
é r ê t s élevés et de moeurs éclatantes, d'un esprit guerrier inné et d'un
g o u t prononcé pour les habitudes chevaleresques. Dans les villes, le petit
g e n t i l h o m m e est d'ordinaire 'art isan et supplée cn quelque sorte ii la
bourgeoisie qui y manque.
L e paysan polonais n'a jamais été serf dans l'acception qii'on donnait
à ce mot jusqu'il l'année 18G1. T1 ne peut conséqiiemment être placé sur
l a même ligne que les paysans russines et rnthènes, ses voisins imméd
i a t s , qu'uue oppression politique et religieuse de plusieurs siècles avait
f a i t descendre beaucoup plus bas dans l'échelle sociale.
On compte en somme, dans le royaume de Pologne, environ 270,000
p a y s a n s indigènes payant l'obrok (redevance pour quelques arpents de
t e r r a i n ) ; 170,000 ont été jusqu'il nos jours soumis cn môme temps i\
i ' o b r o k et à la corvée, et 750,000 seulement à la corvée. Le total des
p a y s a n s appartenant à des personnes privées se monte à 1,220,000, pour
lesquels s'élaborent cn ce moment les éléments d'une position indépendante.
Physiquement et moralement, le paysan polonais est plus mobile
que le paysan russe, mais aussi plus passionné, plus léger; il diffère
beaucoup du paysan russe dans la conduite de ses affaires, qui sont
r é g i e s par des rapports féodaux et soumises aux anciennes institutions
du droit allemand. Le paysan polonais est plus avaucé, relativement à
s a position sociale, que le Russe dans sa plus large acception, en ce qui
t o u c h e l'agronomie, le ménage, les usages importés de l'Occident, une
c e r t a i n e délicatesse dans la manière d'être et d'agir ; mais il lui est en
q u e l q u e sorte inférieur sous le rapport humanitaire, c'est-à-dire par
l ' e x p r e s s i o n des sentiments intimes de l'âme, par l'esprit de fraternité,
p a r ia franchise et la loyauté patriarcale. Le Russe est pourtant quelquefois
plus fin et plus rusé; mais on ne saurait, quand cela lui arrive,
lui garder longtemps rancune, et ses nombreuses qualités, que nous
avons fait connaître, disposent à lui pardonner plus facilement ce défaut
p a s s a g e r .
Un certain esprit mâle et guerrier est l'apanage particulier de ce
p e u p l e ; toujours et partout le Polonais se montre excellent soldat, surtout
dans la cavalerie. Contrairemeufc au Russe, il aime avec ardeur
l ' e x e r c i c e du cheval; dès l'eufauce il chasse à travers cliamps sur des
chevaux sans selle, et conduit aussi de la même manière le troupeau
a u pâturage ; lors même qu'il s'agit de se rendre au marché hebdomad
a i r e , les hommes vont plus souvent à cheval qu'en chan'ette.
S'il s'agit de commerce, le Polonais surfait moins que le Russe, il est
plus exact dans l'accomplissement de ses travaux et de ses obligations,
possède plus que lui le sentiment du devoir et l'amour du travail, et
l'on peut toujours, comme cela a lieu dans l'occident de l'Europe, prend
r e de l'ascendant sur lui cn s'adressant à ses penchants nationaux, à
ses habitudes de sociabilité ; mais il arrive aussi souvent que l'on a
q u e l q u e peine à se défendre d'nn manque de confiance, d'une certaine
impression peu sympathique en sa présence; et s'il vient à surgir quelque
discorde entre vous et lui, elle pi'endra sur-le-champ un caractère
d ' i r r i t a t i o n qui la rendra beaucoup moins facile à apaiser que s'il
s ' a g i s s a i t d'une querelle avec un Russe, dont le natui'cl i)his facile et
p l u s conciliant a, dans de pai-eilles cii-constances, la bonté d'un enfant.
Si le paysan polonais n'aime pas beaucoup l'ordre et lapropi-eté, en rev
a n c h e il aime passionnément l'eau-de-vie, qui ne doit lui faire défaut
en aucune occasion. Ra])pelous toutefois, ainsi que nous l'avons dit i)lus
h a u t , qu'on a remarqué, dans ces dei'niers temj)s, d'heureuses modifications
sous ce rapport dans les habitudes du paysan, li se montre dévoué
e t soumis devant son propriétaire ; mais les nombreuses distinctions de
classes entre les cultivateurs le placent dans une dépendance très-div
e r s e et mettent souvent obstacle à l'énonciation libre et franche de sa
pensée.
Les traditions et les légendes de l'ère qui précéda le christianisme
ont dis])aru chez les Polonais bien plus vite que chez les Russes et les
L i t h u a n i e n s , et le petit nombre de celles qui se sont conservées présent
e n t un caractèi-e plus historique et plus ])0sitif. Le passé historique des
Polonais fournit, il faut l'avouei-, une assez riche matière h leur fierté.
L e Polonais aime aussi avec passion la musique et la danse. L'un dos
i n s t r u m e n t s les plus généralement répandus eu Pologne Ci5t le violon. Les
mélodies sont moins monotones que chez les Russes et portent le cachet
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