
PEUPLES INDO-EUROPÉENS.
PEUPLES SLAW.S.
L a population de l'eiiipivc russe, dont rétoiuliic est de 400,000 milles
ciiiTcs, s'élevait, dans l'année 1859, à 74 millions d'Iiahitants ; dnns ce
iiomlirc, les trois quarts cnviro]!, plus de 55 millions, appartiomiciit à
la race slave, la plus iionibreuse des trois races principales de l'Europe,
e t qui compte plus de 80 millions d'âmes. C'est ainsi que des divers
éléments dont se compose la population de l'cmpiro russe, le slave est
celui qui prédomine, et qui se montre là senlement dans sa souverain
e t c , et non soumis, comme il l'est ailleurs, à d'autres nationalités.
L ' é l é m e n t slave, malgré les nombreuses difierences nationales qui dist
i n g u e n t ses divers peuples, constitue dans son ensemble tout un mondo
il. part , et présent^. Vis-à-vis des éléments latin et gennanique, un cont
r a s t e beaucoup plus tranché qu'on ne le remarque pour ces deux dern
i e r s clénrcnts entre eux.
L e Slave est pénétre d'un profond sentiment religieux, d'une soumissiou
absolue aux décrets du Tout-Puissaut, mais sans ccpendaut éprouver
le besoin d'élever son âme vers son Créateur. La vie du Slave ne .saur
a i t être un moment séparée de l'Eglise, avec laquelle elle est constamment
dans la plus étroite union, et qui remplit la partie la plus essent
i e l l e de son existence, contrairement aux habitudes des peuples de
r a c e s latine et germanique, chez lesquels rinOucnce de l'Iiglise sur la
s o c i é t é , l'Etat et l'individu même, semble décliner visiblement.
L e raoïule slave tont entier est enlacé connue d'un lien commun par un
sy.stcme patriarcal dont les eilets s'étendent à toutes les relations, et ([ui
conserve uii certain aspect de force primitive et de juvénile fraîcheur.
Les Slaves, avec leur langue identique dont les idiomes sont beaucoup
moins variés que ceux des nations latines et germaniques, se considèrent
comme un tout indivisible opposé au reste de l'Europe, comme les
p a r i a n t s , les Slavianes ou Slaves (de slovo, parole), en opposition aux
non parlants, les Niemtsy (de niémy, muet, dénomination sous laquelle
ou désigne essentiellement les Allemands, comme voisins immédiats).
Il régne entre les différents peuples de la race slave une sympathie
i)caucoup phis vive que parmi les divers peuples latins et germaniques,
e t , par contre, une autipatliie générale contre tout élément étranger,
p a r t i c u l i ô i ' e m e n t contre les Allemands, antipathie qui remonte i\ une
époque trés-reculée.
Dans le monde slave, le retentissement d'uue primitive égalité sociale
s e fait vivement sentir. Dans l'antiquité, en effet, il n'existait pas, chez
les Slaves, de noblesse considérée comme caste privilégiée, de même
q u ' i l s n'ont pas passé par les {»hases du moyeu iige dans l'acception
occidentale de ce mot. Mais la domination des Liflnianieiis et celle des
T a t a r s enti-ava, durant des siècles, la liberté du déveioppomeiit jiolitique
e t social des Slaves oricnfaiix, et jusqu'il ce jour il n'existe iiiillcmout
e i i c o c de véritable bourgeoisie slave, pour l'onner la transition eiilrc la
classe siipcrieuro et le peuple pi'opromcnt dit. Ce dualisme social et la
s é p a r a t i o n bien tranchée, qui subsiste entre l'aristocratie actuelle et la
plèbe ont eu précisément pour ré,sultat de conservei- plus intacte au
p e u p l e sa nationalité primitive.
Les Slaves, quoique mélés d'éléments hétéi'ogèiies, ont imprimé à leur
h i s t o i r e un cachet d'originalité que ne présente pas l'histoire des pcii|jlcs
do races gei'mauiquc et latine, qui date cepcmiant de la même épuqnc.
E n dépit de leur existence pour ainsi dire pa.ssivc, les Slaves se sont
coiiseiTcs plus primitifs et plus luiturcls que les peuples de ces doux
i-aces. 11 leur était néanmoins bien diiïïcile, pour ne pas dire impossible,
d e se soustraire enticrement à l'influence des idées et des pi'étcntioiis
modernes relativement aux rapports de la vie publique et intime ; toutefois
cette influence, quoique provenant du dehors, n'a pas encore porté
les mûmes fruits que dans l'Europe occidentale. Ce n'est que depuis |)eu
de temps que le Slave de l'est ti'availle X édifier un système pins national.
Il est vrai que beaucoup de matériaux indispensables lui manquent
e n c o r e ; mais comme on devrait les prendre clicz l'étranger, leur a])jij-op
r i a t i o n à l'ensemble du système en troublerait rharmoiiie. Le principe
slave renferme un grand nombre de contrastes qui, chez les individus
isolés aussi bien que dans les relations d'existence jiolitique et sociale de
t o u t e la grande famille slave, se touchent d'une façon trcs-heurtée. Colui
de tous les écrivains qui connut le mieux les Slaves, ScliafFarik, s'cxiirime
il ce sujet avec beaucoup d'élévation : < L a même puissance universelle,
< d i t - i l , qui a enchaîné l'iiommc la téte tournée vers le firmament et les
« p i eds attacliés au pouvoir terrestre, doua aussi cliaque nation de deux
« f a c e s , l'une sombre et l'autre lumineuse, afin qu'excitée par la connais-
« sance de ce contraste, chaque individualité sente s'éveiller ses facultés
•< e t travaille Î\ développer sa force. »
A côté de la division sociale du monde slave en catégories hautes et
basses, en aristocratie et en plèbe, il existe encore une sci.ssioii politiiiue,
r e l i g i e u s e et géographique : c'est la séparation du slavisme en oriental
e t occidental, qui correspond au contraste qu'offi'ent enti'e elles l'Europe
o r i e n t a l e et occidentale, l'Asie orientale et occidentale, ou l'Asie et
l ' E u r o p e . Cette scission dans le monde slave s'est développée insensiblement
par suite de la propagation ancienne et très-étendue des tril>us
slaves SUI' l'est de l'Europe, et du voisinage tout à fait disparate de
l ' E u r o p e occidentale d'un côté et de l'Asie d'un autre cote.