
20 P E U P L E S DU CAUCASE.
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clic7, les TcliótcJiciitsiis soulevés, choisit pour résideiicc Dargo en Itcliliéric,
sur le versant septoutrioiial de la montagne d'Aiuli, et attira bientôt
il lui quelques tribus voisines des Lesglus, et plus tard la plupart
des antres tribus du Daglicstan. C'est alors que, prenant lui-même une
puissanfe initiative et profitant liabilement de toutes les circonstances il
sut étaldir sur des fondements solides les principes d'nne sage administ
r a t i o n , et qu'il parvint eniiu, en 1S42, régner sur 130,000 familles
(000,000 individus) du Daghestan et 35,000 familles (Ii30,000 âmes) chez
les Tebétchentscs, dans le nord de la montagne d'Andi.
Schamyl divisa tuute la population en districts d'environ mille enclos,
placés cbacun sous l'auloi'ité d'un gouverneur ou iiaïb, maître presque
absolu sous le commandement immédiat de Scbarayl. Au iiaïb étaient
subordonnés les kadis et les anciens. (Les kadis, en Turquie, sont des
employés de police; au Daghestan, oîi la constitution est purement tbéoc
r a t i q u e , ils sont juges et prêtres eu même temps.) Les anciens, formant
une Juridictiun civile suballcrnc, étaient élus par le peuple, proposés
])ar le naïb et confirmés |)ar Schamyl. Un conseil supérieur fut
en outre oi-ganisé depuis 1841. Sous Suhaniyl, toute la population iie formait
qu'une seule classe militaire : depuis l'âge de seize ans jusqu'il
soixante, tous étaient obligés au service militaii'c. Schamyl portait principalement
son activité sur roj'ganisation de la cavalerie, afin de pouvoir
lancer rapidement, en temps de guerre, ses escadrons d'un point sur un
a u t r e . Outre le contingent général des troupes, Schamyl avait ci'éé une
garde du corps à cheval, composée de six cents múridos, pour laquelle il
choisissait d'ordinaire des liommes non mariés, qui recevaient nue solde,
et servaient on même temps do troupe d'élite dans les batailles, d'aides
do camp, de surveillants de l'opinion politique et religieuse du peuple,
e t qui, en raison de leurs importantes functions, étaient très-considérés
et fort redoutés. Schamyl, veillant aussi à l'augmentation des recettes,
introduisit un nouveau système d'impôts et institua, pour économiser
les finances de l'I'^tat, une hiérarchie de i-angs et d'ordres honoritiques
comme récompense des actions d'éclat. 11 y avait les mourtizigales ou
chefs de dix hommes; les chefs de cent, de deux cents, de cinq cents
hommes; le naïb occupait le poste d'un commandant supérieur ou chef
de mille il deux mille hommes et plus. Les cluïtiments étaient aussi
systématiquement déterminés. Schamyl faisait croii-e au peuple qu'il était
on rapports continuels avec le sultan des Turcs et avec le pacha d'Egypte,
et se donnait une singulièi'o importance par de longues retraites, des
p r i è r e s et des jeûnes fréquents. La politique qu'il suivait pour maintenir
son autorité sur les diverses tribus était tout il fai t conforme au précepte
de IMacbiavel : divide ut imperes. Les Lesghis et les Tchétchentses
étaient tenus par lui dans une dépendance réciproque. Schamyl était un
v é r i t a b l e génie, et sur un autre terrain il serait devenu sans doute un
personnage historique des plus importants.
A dater de 1843, les Russes employèrent des forces militaires plus
considérables et une tout autre tactique ; cai- la guerre, que les montagnards
recommencèrent après quelque temps d'inaction et de l'epos,
avait pris un caractère bien diiTérent, autant par une habile disposition
des ressources du terrain, un bon armement et surtout une organisation
bien entendue, que par l'infinence politique et stratégique de Schamyl
seul, qui avait apporté dans son nouveau système de guerre un ordre
e t un ensemble inaccoutumés. En 1845, la prise de Dargo, résidence
que Schamyl occupait alors, fut un beau fait d'armes de la part des
Russes, mais resta sans résultat politique, car Scliamyl transporta immédiatement
le siège de sa puissance h Védèn, forteresse située dans le
voisinage. Depuis l'année 1S48, son autorité avait beaucoup diminué
dans le Daghestan; la Tchétclinia devint surtout le principal théâtre
de la guerre et tomba au pouvoir des Russes pendant les années 1845
t\ 1359, par l'effet d'un nouveau système qui consistait à ti'acer de larges
routes à travers d'épaisses forêts d'une incroyable puissance de végétation,
et il installe)' en avant de l'armée plusieurs forts détachés, en sorte
qu'il ne resta aux Tchétchentses d'autre alternative que de se soumettre
a u vainqueur ou de fuir dans les montagnes d'Audi. Pendant la guerre
de Crimée, Schamyl était resté calme et semblait avoir cessé les host
i l i t é s ; mais lorsqu'on 185G le prince Bariatinslci eut été nommé lieutenant
de rcmj)ereur au Caucase, on sait qu'il fit un giand déploiement
de forces et d'énergie pour portei' au sein mémo du Daghestan et de
la Tchétchnia le théâtre principal de ses opérations militaires. C'est alors
que Schamyl se vit réduit à un territoire de jour en jour plus restreint,
j u s q u ' à ce qu'enfin, renfermé dans Gounib (en Andalal), cerné de tous
côtés et déjà abandonné des tribus lesgbies, il se rendit au ¡¡rince après
une défense héroïque, le 25 août (fi septembre) 1859. L'empei'eur l'honoj'a
pa^- les témoignages de la plus haute faveur et lui assigna la ville
de Kalouga pour sa résidence perpétuelle et celle de sa famille. l.,e prince
Bariatinski fut élevé à la dignité de feld-maréchal, et depuis ce brillant
r é s u l t a t , obtemi par sa parfaite connaissance des localités, son intclligouce
et sa bravoure, il dirigea toute son activité militaire vers la partie
nord-ouest du Caucase, qui, étant dans ces l'cgions le dernier foyer d'iiostilité
et ne formant pas un ensemble politique, doit nécessairement tomber
bientôt sous la domination de la Russie.
Les Lesghis, qui sont à peu près au nombre de 650,000 individus,
se divisent en diverses tribus plus ou moins importantes qui domicul
leurs noms aux districts qu'elles habitent.
Dans l'intérieur du Daghestan se trouvent les tribus des conti'ocs suivantes,
poui' la plus grande partie soumises seulement depuis raunée 1859;
le khauat d'Avarie, entre l'Andi-Koïssou et celui d'Avarie; il est limitrophe,
à l'est et en partie au nord, du Koïssoubou ; au sud et i\ l'ouest
il contine il de petites tribus de l'intérieur du Daghestan. L'Avarie fut ot
est encore aujourd'hui, sous le rapport statistique et eihnographiquc, l'une
des contrées les plus importantes du Daghestan. Ses liabitants, les Avars
ou Avarions, éveillent un intérét tout particulier par la déviation de leur
langue, la singularité de leurs moeurs et leui' éclatante bravoure. Le
nombre de leurs aoûls (villfigcs) s'élève à 50; celui des enclos, à environ
4,300.
Knti'e les monts d'Andi et l'Andi-Koïssou se trouvent Goiimbètc ou
liakiloulal , Audi, Bouni, Tekhnoutsal, Tcharbéli, Talboutri, Tchamalal
et Ounkratl.
E n t r e l'Andi-Koïssou et le versant de la montagne de Bogosk sont Koïssoubou,
Karata ou Kalalal, Andalal, Kouïada et Goérkekh, Karakh, Gliid
a t l , Ratlou-Akhvakh, Tsounta-Akhvakh, Bogoulal, Tindal, Dido avec
llankhévi, la confédération d'Ankratl, c'est-à-dire Djourmoutc, Antsrosso,
Tebel, Kanada ou Tlanada, Bognada, Oukhnada, Antsoukh, Kapoutcha;
puis Tach, Kel, Kosdoda, Toms, Tlesseroukh.
Toutes ces tribus comptent environ 250,000 ames.
Parmi les tribus lesghies depuis longtemps soumises b. la Russie et
qui résident dans des provinces russes, on compte encore Salataou, au
nord de Koïssoubou, sur la rive gauche du Soulak; les khanats de
Kazikoumoukh et de Kurine; les tribus Siirgsa et Koubatchi, appartenant
toutes à l'ancien gouvernement de Derbent ; les inagals d'Aklityp
a r i , Altypari, Dokousspari, Youkliaribach, (formant le district de Saniour
de l'ancien gouvernement de Derbent) ; les magals d'Akoucha, Ourakhia,
Mékéga, Oumoucha, Tsoudakhar (formant le distinct de Dargo de l'ancien
gouvernement de Dei'bent). Les magals d'Ûiiloukh, le Tabarassau
du sud, le Tabarassau du nord et Kaïtag (formant le disti'ict de Derbent
de l'ancien gouvernement du môme nom, mais déjà fortement mêlés de
T a t a r s ) . Il y a enfin un petit nombre de Lesghis dans le district de
Bakou du gouvernement du mêmj nom, dans les parties méridionales duquel
Ton parle beaucoup le persan. Toutes ces tribus réunies comptent
environ 350,000 âmes. 50,000 Lesghis habitent en outre le district
de Djaro-Bclokani et l'ancien sultanat d'ïélissoui, faisant partie l'un et
l ' a u t r e du gouvernement de Tiflis et situés sur le vei'sant méridional de
la chaîne du Caucase. Djaro-Bélokani comprend cinq tribus, savoir : Djaro,
Bélokani, Taly, Moukhakh et Djinikh, Dans ces coiiti-ées, la langue tatare
est l'idiome dominant, en raison du voisinage tatar. Ces tribus sont soumises
depuis 1830. J.a population du khanat de Mekhtoulic se compose
de Koumyks et de Lesghis.
Si le cai-actère du Lesghi a quelques beaux cotés, il en a aussi d'ivssez
mauvais. I.e Lesghi est braw, agile et persévérant; il peut pai'counr en
peu de temps et sans se reposer des espaces immenses; mais d est au
l)lns haut degré pillard et vindicatif; le désir de lu vengeance est même
ciiti'ctenu en lui par la religion et les moeurs du pays. I^a vcngcance
du sang ne s'étenil pas seulement aux individus, mais ii des familles,
des aoûls entiers, et dure des années. Le meurtrier reste rarement dans
sou aoûl; pour sa propi'C sécurité, il se rend dans une autre tribu. Les
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