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1 0 PEUPLES DU OAUÜASE.
superstition, ti'Ès-répandue Jans ec pays, et la confiance qu'on y
accorde aux rôves et aux prophéties, donnent aux diseurs do bonne avent
u r e et il ceux qui font métier d'cxpliqncr les songes nne grande influence
sur les Souanes.
Quoique ce peuple soit encore enveloppé dans les langes de l'enfancc,
et malgré son état d'infériorité leligieuse et morale, il est cependant susceptible
de bonté, de bienfaisance, et ne manque pas d'une certaine gaieté
do caractère. Comme ils habitent de rudes et froides montagnes et qu'ils
ne peuvent supporter un climat chaud, on les nomme parfois les Lapons
du Caucase. Les goitres et d'autres symptômes de crétinisme sont mallicurcusement
fréquents dans ces régions. Les habitants du Souaneth libre
se distinguent par un gi and attachement à leur patrie ainsi que par uac
grande tendresse pour leurs enfants; ce qu'on ne voit pas communément
au Caucase, oii il est généralement d'usage de confier ii autrui l'éducation
des enfants. On retrouve il peine chez les Souanes quelques traces
de l'ancienne noblesse : tous jouissent plus ou moins des mêmes droits.
PCIIAY8, TIIOUCITES, KIIEV80UR8.
Ces trois tribus géorgiennes haliitcnt, dans la partie la pins rapprocliéc
cîn norO-cst du gonverncnient île Tiflis, les contrées les moins accessibles
(le la montagne, presqne il la liantcur des régions neigeuses. Ce
sont les descendants de ces Géorgiens (Groiiziens) qui se sont établis
depuis les tcm|)s les plus reculés sur les versanLs septentrionaux de la
pi'incipale crête de la montagne, afin de protéger la belle contrée du
Calihetli contre les irruptions des sauvages montagnards. Ces montagnards
sont les Lesghis, qui, vivant dans le voisinage le plus rap])roché,
et caches dans la profondeur des foièts, sortaient soudainement des
gorges dos montagnes dans la plaine, pour s'élancer sur leur proie
comme des loups affamés. Dans la partie nord-ouest, ces espèces de colonies
tiraient leui' nom des diverses localités d'après lesquelles ont été
adoptées les dénominations de Pchavs (Pchavia, pays riche en petites
rivières), do Thouches et do Klievsours. Ces peuplades se sont accrues plus
tai-d d'une grande quantité d'émigrés qui vinrent de la Grouzie, oii ils
s'étaient retii'és pour chercher un abri contre les Persans et les Turcs.
Les tribus des Pcliavs, des Thouches et des Klievsours se détachèrent
])0u î\ peu de la nationalité georgieune, acceptèrent quelques éléments de
l'existence et des moeui'S des peuples montagnards, et passèrent avec les
Grouziens sous le sceptre de la Pvussie.
E.xtérieurement ils ressemblent aux Grouziens. l^eur langue n'a point
de caractères écrits, et leurs précieuses traditions ne se transmctlcnt
que verbalement. Pour s'exprimer, on emploie une espèce de dialecte
do l'ancienne langue géorgienne; l'on se sert aussi du géorgien modei'ue,
du kiste et du lesghi, parce qu'une certaine quantité de Kistcs se sont
établis dans cette contrée. Chez les Pcliavs, la prononciation est plus
embarrassée et conséqucmment moins délicate.
Ils sont censés professer le culte grec, mais en réalité ils ne connaissent
ni les dogmes de cette religion ni ses principales cérémonies. Chez
eux, la superstition remplace la foi et la vcngeance supplée aux lois.
Ils tiennent encore, par puie ignorance, il quelques-unes de leurs anciennes
divinités païennes; mais les germes du cliristiauisme, qui ne sont i)as
entièrement étouffés, seraient faciles îi ranimer en eux. C'est aux localités
aussi hieu qu'au voisinage et à l'expéditiuu militaire de Cbali-Abbas,
au conimencemcut du dix-septième siècle, qu'il faut attribuer leur état
sauvage. La réunion de ces circonstances entrava tont mouvement civilisateur
dans le pays. Los églises, qui avaient été fondées principalement
sous le gonverncnient de la reine Tbamar, furent détruites,
le clergé massacré, cl des villages entiers, sur le versant méridional,
furent contraints à se faire mahométans et chassés dans l'intérieur dos
montagnes.
I,cs Pchavs sont sauvages et grossiers, mais néanmoins soumis et pacitiques,
intrépides et courageux selon l'occasion. Les Klievsours, mélangés
avec des montagnards, sont plus hostiles et plus pillards. Quoique
jiauvres pour la plupart, ils paraissent cependant satisfaits de leur existence.
11 n'exist e chez eux ni organisation ni administration particulières;
ce n'est même que tout récemment qu'on y a fondé une école qui port
e r a bientôt des fruits salutaires.
E n hiver, la rigueur du fi'oid des montagnes iuhospitalières conti'aiut
les Thouches, pour se procurer des alimeiits et un refuge, ii se rendre
avec leurs nombreux troupeaux dans les steppes riches en pâturages
situées sur l'Yora, une distance d'environ 300 vcrstes.
Les Pchavs confinent au nord aux Klievsours, il l'ouest et au sud
aux Gronziens, l'est aux Thouches; leur territoii-e, très-froid, est arrosé
de beaucoup de petites rivières dont la plus importante est TYora
(Kambyscs). L'Aragve forme la limite septentrionale de leur pays, lis
comptent G,000 âmes formant douze communes, et sont l'épartis par
classes, suivant une organisation aristocratique et théocratique toute particulière.
Ils ont beaucoup de vexations ii suppor t e r de la par t des Khevsours.
Les Thouches, voisins immédiats des précédents vers l'est, habitent
les sources de l'Alazan; au nord ils touchent aux Kistes (Tchétchentscs),
il l'est aux Didos (Lesghis) et au sud aux Grouziens (Cahhes). Ils
comptent 6,000 individus dans leur quatre communes, dont deux sont
kiste.s. Ils se nourrissent communément de leurs bestiaux, préparent
des fromages do brebis qui jouissent d'une certaine célébrité, et sont
eu relation avec dos Cakhes et des Tatars, avec qui ils échangent récij)
roquement du vin, des céréales et de la soie. Ils se distinguent avauiageusonient
de toutes les tribus voisines ])ai- la beauté de leur taille, leur
loyauté et leurs sentiments clievalcresques. Lour position géographique
les sépare picsque complètement des Pchavs et des Ivhevsours, en sorte
qu'ils n'ont aucun rajipoi't avec eux. Leur organisation est théocratique.
Les Khevsours, qui habitent au nord des Pchavs et comptent 3,000
âmes l'épartic-s en cinq communes dont deux sont kislcs, ont une organisation
démocratique duc peut-être à l'influence kiste. Leur principale
occupation est l'élève du bétail. Les innombrables ruisseaux qui
coulent des montagnes ont provoqué rétablissement d'un grand nombre
de moulins à eau. Les Khevsours, ennemis de leui'S voisins les Pcliavs,
sont souvent entie eux-mêmes en état d'hostilité.
LESGHIS.
Le peuple des Didos (peut-être d'origine kiste ou tchétchentse), qui
se forme des tribus lesghies, habite presque toute la partie orientale
de la chaîne du Caucase, surtout le Daglustaii (mot qui signifie pays
de montagnes). Cette région présente à peu près la forme d'un triangle
rectangle dont l'hypoténuse n'est autre que la créte même des monts
Caucase, tandis que les calliètes (les côtés) sont formées par les contrics
PEUPLES DU CAUCASE. 17
riveraines de la mer Caspienne et de la chaîne de montagnes qui décline
verticalement sur la rive gauche du Koïssou-Andi, à partir de la
crête principale. Le canton des Grisons, en Suisse, est peut-être la seule
contrée qui possède des montagnes d'une conformation semblable à celles
du Daghestan. Plus elles se rapprochent de la mer, plus elles deviennent
unies; plus elles s'avancent dans l'intérieur, plus elles sont escarpées
et inaccessibles. Le centre et les boi-ds de la montagne qui touclient
immédiatement à la crête principale et il celle d'Andi renferment
(les contrées abruptes et nues, entrecoupées par des gorges profondes
qui ne sont parfois que d'étroites crevasses. La civilisation et les moeurs,
eu analogie avec les conditions naturelles du sol, ont fait plus de progrès
diius la plaine que dans les localités primitives et montagneuses, habitées
par des tribns encore sauvages.
Les nombreuses tribus plus ou moins importantes qui composent le
peuple lesghi passent pour parler quatre langues princiiiales et de
môme souche, en divers dialectes dont le plus usité est celui d'Avarie.
langue générale est d'ailleurs le tatar, ou même le jiersaii sur les
côles; comme langue littéraire, on se sert de l'arabe, qui n'est connu
(¡uc des inoullahs.
A l'ouest et au sud-ouest, les Lesgliis confinent à des tribus géorgiennes
(Thouches et Grouziens); au sud-est, îi l'est et au nord-est,
il des ti'ibus tatares (au nord-est à dos Koumyks, qui ont quelque ressemblance
avec les Kabardiens); au nord et au nord-ouest, à des Koumyks
et il des tribus tcliétchentses. Par cette l'aison, le territoire principal
dos Lesghis se trouve situé dans l'intérieur du Daghestan, et s'étend
à l'ouest jusqu'il la ci'ête principale de la montagne, au sud-ouest, pardessus
celle-ci, jusqu'au fleuve Alazan ; au sud-est, jusqu'au delà du
Samour; au nord-est, jusqu'à un étroit pays de côtes; et au nord-ouest,
jusqu'à la montagne d'Andi. D'après la plus récente division politique
du Caucase en trois parties, le Caucase septentrional, le Caucase méridional
et la province du Daghestan, cette doi'uière n'embrasse pas les
tribns lesghics de l'extrême uord-ouest et de l'extrénie sud-ouest, sur
la rive gauche du Koïssou-Andi, nu sud-ouest de la crête caucasienne,
et sur la rive droite du Samour supérieur; mais, par contre, elle reiiforme
envii'on 150,000 Tatars, y compris les Koumyks et les Nogaïs,
quelques milliers de Persans et de juifs, indépendamment d'un certain
nombre de Russes établis dans cette contrée.
Il n'y a pas longtemps encore, le Dagliestau formait, sous le rajiport
politique et stratégique, ainsi que sous le rapport géographique, national
et religieux, une partie tout il fait distincte du Caucase. Conservant cette
séparation, ie gouvernement russe a donné au Daghestan une admiuistration
à part. Dans les vingt dernières années, les Lesghis formaient,
sous ie rapport national et religieux, un ensemble, nu groupe à part
avec les Tchétcheutses, complètement opposé aux autres peuples du Cau-
Qasc. Cette opposition se manifestait non-seulement ii l'égard des tribus
géorgiennes qui professent le christianisme, mais vis-il-vis même des
Tatare et des tribus tcherkesses (dans le nord-ouest du Caucase), dont
los partisans de Schamyl se distinguaient surtout par leur fanatisme religieux
et leur organisation démocratique.
Nous ferons précéder la description des particularités caractéristiques
qui concernent les Lesghis d'un rapide aperçu histoi iquo du Daghestan,
surtout pendant les vingt dernières années, dui'aiit lesquelles l'élrment
»•eligieux fut l'unique lieu politique qui réunit enti e elles les tribus lesghics,
Eu effet, les événements antérieurs du Daghestan sont presque
coraplétemcnt inconnus ou sunt restés sans iiiHucnce sur ses peuplades
et surtout sur son histoire, qui n'a acquis que tout réceniment quelque
intérêt et quoique importance politique. L'époque il partir de laquelle
'c Daghestan prit un essor riipide et puissant fut l'année 1S43. C'est
tlcpuis ce moment que la contrée est devenue un théâtre classique de
gucri'es et de combats. Du coté de la Russie, on abandonna, depuis
cette époque, l'ancieu système suivi dans les guerres ; on marcha au
'"it duu pas lent, mais sûr, au prix de beaucoup de sacriiices et de
peines.
Le Daghestan n'avait jamais formé un ensemble politique et national;
wais il avait été divisé en beaucoup de petites tribus gouvernées par
i^es princes tatars (khans) ou constituées en républiques microscopiques
connues sous le nom de sociétés franches ou communes. Outre le chamkbalstvo
(chamkhalat) de Tarki ou Tarkou et le kliauat do Mckhtoula,
l'un et l'autre habités par des Koumyks et en ])aitie seulement par
des Lesghis, on comptait encore sur la mer Caspienne les klianats
de Derbent (en partie tatar), Kurakh (Kurine), Kazikoumoukh, Kouba
e t le maïssoumstvo Kartchag (le Taburassan méridional); et, dans l'intérieur
de la montagne, le khanat d'Avarie. Eu dehors de ces sept petites
principautés, il y avait encore quarante-trois tribus ou communes nommées
libres, dont Koïssoubou, Goumbet, Andia et Tekhnoutsal, dans le
Daghestau septentrional, étaient los plus importantes; dans le Daghestan
central, Akoucha, Tsoudakhar et Tabarassan (autrefois nommé Tabarassan
libre); dans le Daghestan méridional, Andalal. De toutes les principautés,
celle de Tarki était la plus puissante; le chamkhat (Ab0u-M(]ussélim-
Khan), lieutenant général et aide de camp général de l'empereur, porte
encore aujourd'liui le titre de souverain du Daghestan, quoiqu'il ait dcquiis
longtemps perdu son importance après avoii- cédé la préséance au khan
d'Avarie.
Telles étaient les circonstances dans lesquelles les Russes trouvèreiiL le
Daghestan lorsqu'ils firent, en 159G, leur pi-emièrc invasion armée dans
ce pays, sons le règne du tsar Fédor Ivanovitch, dernier souverain de
la dynastie de Rurik, dans le but de prêter secours aux Grouziens contre
les Turcs. Mais dès l'année 1604 ils dureiit abandonner le pays, et ce
n'est qu'un siècle plus tard que Pierre le Gi'and dirigea son attention
sur la mer Caspienne, fit un traité de commerce avec le chamkhal de
T a r k i , et bientôt après s'avança en personne, en 1722, h la tête d'une
armée, le long de la rive occidentale do la mer Ca.spiennc. Tarki, Dei'bent
et Bakou se soumirent à la suzeraineté du tsar et durent recevoir un gouverneur
et une garnison russes. La l'erse reconnut, en 1723, la prise
de possession du pays par la Russie, du côté ilu sud jusqu'à Astrabad.
Après plusieurs révoltes et à la suite d'épidémies survenues dans les
garnisons, l'impératrice Anne céda à La Per se, en 1735, le territoire conquis
sur les bords de la mer Caspienne. Eu 1786, le chamklial de Tarki
se soumit volontairement h la domination russe, et peu de temps api-ès
le khan de Mekhtoula suivit son exemple. Durant la guerre avec la Perse,
en 179G, lorsque l'armée russe s'avançait le long de la côte ouest de la
mer Caspienne, les klianats de ces contrées se soumirent; mais les Russes
eurent à réprimer de fréquents soulèvements, ju.=;qu'à ce qu'enfin ils parvinrent
à consolider leur pouvoir dans ces contrées. Déjà, en ISOô, les
khajiats de Kouba et de Bakou avaient été réunis à la Russie; en 1813,
ceux de Derbent, de Kurakh (Kurine), de Eakou (fatar), de Talych (perse),
de Kouba, de Chéki, de Chirvan et deKarabagli (ces quatre derniers tatars)
f u r e n t formellement cédés par la Perse. En 1819, quelques tribus libres
du Daghestan oi'iental se soumirent aussi, à savoir colles d'Akoucha, de
Surghia (Surghine), de Routta et de Koubatcha. L'Avarie, qui avait été
pendant si longtemps le lléau do la Grouzie, s'était déjà soumise en
1803, mais le khan s'étant révolté en 1818, le général Yermolov (mort
en 1861), alors général en chef depuis 1810, fit rentrer par la force
des armes l'Avarie sous la domination russe, en y ajoutant les pays
koumyks, qui se révoltèrent souvent à la vérité, mais qui ne sureni,
jamais conserver longtemps leur indépendance. Les soulèvements les plus
considérables eurciit lieu de 1823 à 1825; mais la conquête du point
militaire lo plus important du Daghestan, le khanat de Kazi-Koumoukli,
par le prince Jladatov en 1820, amena la répression de toutes ces tentatives
et consolida en même temps l'iniluence des Russes dans ce pays.
C'est ainsi qu'au commencement de l'année 1820, presque tout le
Daghestan oriental était entre les mains de la Russie. La facilité de
cette conquête ne peut être attribuée qu'au défaut d'ensemble et d'union
entre los tribus lesghics, ainsi qu'à leur infime degré de civilisation.
Tels sont sans doute les motifs qui les empêchèient de tirer tout le ])arti
possible des obstacles naturels du terrain, qu'ils utilisèrent plus tard
avec un bou sens si pratique. La destitution des khans par la Russie
avait momentanément facilité la soumission du peuple ; mais elle provoqua
en même temps rinflucncc bien plus grande et plus dangereuse du
clcrgc mahométan, qui sut réunir en un seul ensemble, par la puissance
du lion religieux, les diverses tribu-j lesghics et bientôt aussi celles des
Tciiétclientses.
A partir de l'année 1824, un calme bienfaisant s'était répandu dans
le Daghestan sud-est et la préseuce d'un petit nombre de troupe.s avait
suffi pour le maintenir. Mais bientôt survinrent des événements qui luiiisÍ
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