
K
P E U P L E S INDO-EUROPÉENS.
s'opérer la fusion ilc ces deux éléments et, par suite, le mélange des
idées lies coutumes, des religions et îles idiomes, on ne sera pus surpris
de voir que ce pays oft're plus que tout autre de bizarres singulai'ités
historiques qu'on rencontre, pour ainsi dire, il chaque page de ses annales.
Là où s'était accora])lie, dans les temps historiques, la réunion
des deux races asiatique et Iicllénique ; là où les mythes des deux peuples
s'étaient associés dans «ne inéme ci'oyance, on voit, beaucoup plus tard,
il l'époque des croisades, la race arménienne venir se môler ù. l'élément
ciiroiiéeii représenté par les Grecs byzantins et les guerriers fi'anks. De
môme que les Pclasgcs, ari'ivés les ¡¡i-cmiers sur cette còte qui descend
par une |)cnte successive des sommets du Taurus, se ti-ouvèrent bientôt
en pi'ésencc des dieux et des héros venus de l'Asie centrale par les défilés
des montagnes, et s'associèrent à des colons partis de l'Occident,
de même aussi les Arméniens, débouchant par bandes compactes dans
les plaines de la Cilicio, vinrent camper au pied des châteaux et aux
portes des villes occupés par les Grecs, où bientôt ils fiirent rejoints par
les armées frankcs qui accouraient en Syi'ie pou]- arracher des mains
(les infidèles le tombeau du Christ. 11 est d'un foi't grand intérêt de voiicomment
la féodalité importée par les Franks en Oi'ient vint se placer
vis-il-vis du système que les Arméniens avaient implanté dans ce pays au
temps de leur conquête; comment enfin ces deux ordres d'idées, en apparence
si différents, finirent par s'amalgamer, par former le système
mixte qui prévalut dans les montagnes et les plaines de la Cilicio pendant
toute la durée de la dynastie des Roupénien et des Lusignan.
Déjji vers l'année 300, sous le règne du roi Ti]-idatc, saint Grégoire
avait introduit le christianisme en Arménie. Quelque salutaires qu'en
aient été les effets sur ¡es individus et sur les moeurs, la vérité oblige
h reconnnitre que l'influcnce du christianisme sur les destinées de la
nation eu généi'al fut loin d'éti'e satisfaisante ; cai' il la dépouilla complètement
de sou génie guerrier et la conduisit insensiblement à sa
l'uiue politique.
Un nouvel alphabet fut inventé en 40G pour la tiaductiou de la Bible,
ordomice par le patriarclie Isaak ; pour parler plus exactement, l'ancien
alphabet fut perfectionné et augmenté de sept caractères. Les Sassanides
persécutèrent les Arméniens chrétiens, qui ne prirent aucune part au
quatrième concile général de l'an 451, et cette persécution fut cause
(pt'ils se séparèrent de l'Eglise commune il laquelle ils s'étaient réunis
dans les trois premiers conciles. Un bruit généralement répandu portait
que ce concile, en complet désaccoi'd avec cclui d'Ephèse (431), avait
adopte la doctrine nestoriennc et l'avait approuvée. Ces fausses rumeurs
act|un'cnt encore plus de vraisemblance par suite des explications arbitraires
que donnèrent h Constantinople Anastase et Zeno et par les
oiForts maladroits qu'ils tirent pour mettre ini terme aux divisions de
l'Lglise. A une époque oii ils jouirent en Perse d'une plus grande indcpondance,
les Arméniens convoquè)-cnt, on 491, un concile national,
repoussèrent l'autorité du concile de Khalcédon (Chalcédoine), se détaclièi'eiit
solonnellement do l'Eglise gi-ecque et formèrent, depuis loi-s,
une Eglise à pai't. Les principaux dogmes de cette Eglise sont que le
Chi'ist n'est (|uc d'une seule essence; que le Saint-Esprit n'émane c|uc du
l^iire; que les tourments des pécheui's dans l'autre monde ne seront pas
éternels, etc, Le baptême et la contirmation sont réunis cliez les Ai'-
menien.s, et l'accomplissement do cette cérémonie donne lieu ¡\ des jiratiqnes
ioi't singulières. Pour le saciemont do l'oucliaristic, ils se servent
de vin pur et de pain levé que l'on trempe dans le vin et que
l'on fait passci' aux assistants. La séparation des deux Eglises grecque
et ai'méiHcnne continua à subsister, principalement il cause de la haine
iiijtioimle que se portaient les deux partis et de leui- division politique.
l^Kglise annénionue se fi^a exclusivement dans les contrées do l'Armé-
»'c, et, contrairement aux Géorgiens leurs voisins, qui, depuis qu'ils
s'étaient soumis fi la loi de l'Evangile, avaient banni de leur mémoire
'outcs los coutumes primitives do leur ancien culte, les Ai'méniens conserveront
divers éléments de leur antique religion, dont plusieurs traces
so"t encore sensibles aujourd'hui.
Les patriarches, qui prirent le nom de catholicos, exacte définition
leur sacerdoce, ne voyaient de ciiristianisme véi'italile que dans lour
seule communion, et tenaient d'autant plus ii leur indépendance spiri-
'iielle que lu politique leni' avait été ravie. Ils apportèrent d'aileuis
beaucoup de soin aux progrès de l'instruction et des lumières.
L a chronologie des Arméniens commence h l'année 551 après J.-C. ;
en outre, ils font remonter leur calcul à l'époque oii le Sauveui- i-evint
de l'Egyte, ce qui fait une différence do quati-e ans entre leur chi-ouologie
et celles des autres chrétiens.
Au déclin de la domination persane, les persécutions contre les clirétiens
se ralentirent en Arn\énie ; mais la souveraineté des Arabes leur
occasionna, depuis l'année 649, de nouvelles calamités et une seconde
persécution. La domination des Bagi'atides vint rendre, cxtérieui'ement
du moins, le calme à l'Eglise arménienne ; mais elle commença îi souffi'ir
d'autant plus de ses divisions intestines. Il y eut môme, ii une certaine
époque, quatre patriarches il la fois. Lorsque après mille ans d'intei'valle
(de 454 il 1441) le haut clergé de l'Arménie reinu'ta le siège
pi'inci])al de l'Eglise dans la mère patrie, celle-ci olfrait le triste tableau
de la destruction et de la ruine, et la paix de l'Eglise elle-même
était profondément ti'ouhlée. Sous la domination turque, rinfluence étrangèi
e agit concurrennnent avec celle du catholicisme romain, qui s'était
déjà fait sentir précédemineut. Les croisades d'un coté, do l'aut.re la
tj'auslation de la résidence patriarcale dans une contrée plus occidentale
et plus rapprochée de l'influence de l'Eglise romaine, accrurent
considérablement l'ascendant du catholicisme et amenôi'ent enfin, en
1307, la réunion solennelle de l'Eglise ai'inénienne h l'Eglise romaine,
ce qui n'eut pas lieu toutefois sans une vive opposition de la part d'une
grande partie du peuple; mais cette réunion trouva un puissant appui
dans le concours des missionnaires et des patriarches apostats. Ces divisions
religieuses devinrent même plus tard la cause de quelques actes
de violence qui eurent Ueu à Constantinople, à la fin du dix-septième
siècle et au commencement du dix-huitième. De nouvelles dissensions
s ' é t a n t élevées dans les années 1828 et 1829, tous les Aiméniens catholiques
furent expulsés de Constantinople. La péi'iode la plus néfaste pour
l ' E g l i s e arménienne en général, et spécialement pour son siège principal
au couvent d'Etchmiadzine, dans l'Arménie russe actuelle, fut
celle qui dura presque sans interruption depuis la fin du seizième siècle
j u s q u ' a u commencement du dix-huitième. En 1593, les choses allèrent
même si loin qu'on vit deux catholicos siéger en même temps, et que
leurs dissensions prirent un caractère vraiment déplorable. Une nouvelle
ère se leva pour l'Arménie et son Eglise au commencement du dix-huitième
siècle, lorsque l'invasion victorieuse de l'armée russe i-etentit jusqu'en
Transcaucasie. T.'Eglise arménienne se mit alors sous la protection
de l'empiro russe, et en 1828 la Petite-Arménie ainsi que l'Arménie
c e n t r a l e , avec Etchmiadzine et d'innombrables reliques de la plus haute
antiquité, tombèrent au pouvoir de la Russie.
Avant cette époque, beaucoup d'évêqucs, d'archevêques, de métropolitains
et même de patriarches, dont le plus grand nombre poi'taient les
t i t r e s d'eparchies qui n'existaient plus depuis longtemps, se trouvaient
subordonnés au i)atriarche catholicos d'ICtchmiadzine ; mais à partii' de
1830, dix-huit éparchies, réparties en vingt-six vicariats, ont été placées
sous Tantorité du patriarclie arménien-grégorien de Constantinople.
En Russie, l'Egiise arménienne-grégorienne se subdivise actuellement
en six éparchies : Nachitclievan et Ikssarabie, Astrakhan, Tiflis, Erivan,
Karabagli et Cliemakha; cinq sont gouvernées par des archevêques;
la sixième relève directement du patriarche catholicos iui-inéme.
L'Eglise arménienne-grégorienne en Russie compte, avec environ 400,000
adeptes, 1,000 églises, un petit nombre de moines et de nonnes et au
delà de 2,000 iirêtres. Le nombre dos catholiques arméniens venus de la
P e r s e , qui ne se nomment plus Arméniens mais seulement catholiques,
e t que l'on appelle Fi-ancs, ne se monte guère qu'à cnvii'on 3,000. La
secte des nestoriens ne s'élève pas à plus de 1,000 individus, parmi lesquels
règne encore la bigamie et où la langue syrienne est en usage
pour le culte divin et l'écriture des livres sacrés.
Les Arméniens, dont le nombre total s'élève à environ 2 millions
d'àmcs, ne vivent nulle part en masse compacte; partout des nationalités
étrangères (kourdes, turques ou tatares) se sont glissées parmi eux
ou eux-mêmes se sont établis au milieu d'autres peuples tels que les
Géoi'giens, les Tatars, les Russes, etc. Les 400,000 Ai'méniens qui
habitent l'empire russe résident pour la plupart dans la Tran.scaucasie.
On en coni|ite environ 120,000 dans le gouvei'uement de Bakou, 100,000
à Erivan, 75,000 h Tiflis, 40,000 il Koutaïs, 15,000 à Stavropol ; dans
les provinces du Daghestan, Térek et Kouban, 15,000. Outre ces 365,000
!i I
Il I
' il-,