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154 P E U P L E S INDO-EUUOPEENS.
s'y trouva que 2,000 Karaïuics, qui furent dotés par l'impératrice Catherine
(le privileges jiliis étendus que ceux des autres Juifs ; et jusqu'il ce
jour ils jouissent d'une protection légale et d'un crédit tout particulier,
Les Karaïmes se considèrent comn\c les uniques repi'csciitants de l'ancienne
religion nationale des Hébreux. Ils soutiennent que leni'S dogmes
sont ceux de la véritable doctrine mosaïque pure de toutes additions
postérieures. D'après les principes de cette doctrine, tous les corps célestes
et terrestres, avec tout ce qu'ils reuferment, sont des êtres créés,
— mais le Créateur lui-même n'a pas été créé ; — il est unique et n'a
pas d'égal. ~ Ti a envoyé sur la terre son serviteur Moïse, — et il a
l)rouiulgué, par sou entremise, la loi la plus complète. - - Il faut comprendre
le langage et le sens de cette loi; —l e s autres propliètes furent
aussi inspirés par l'espi'it diviu. — Au jour du jugement dernier, le
Seigneur ressuscitera les morts, — e t cliacuii sera jugé selon ses oeuvres.
— Le Seigneur cliittic son peuple par la captivité, et c'est de lui seul
qu'il faut chaque jour attendi'C la délivrance par le ÎMessie, fils de David.
Les Kai'aïines rejettent tonte tradition verbale et s'en tiennent rigoureusement
au texte littéral de l'Aucien Testament. Séparés probablement
de leurs coreligionnaires dans le siècle qui précéda la naissance de Jésus-
Clirist, ils ont conservé leur doctrine sans que rien y ait depuis apporté
le moiiulre changement.
]ls vinrent d'abord en Europe, conjointement avec les Arabes, et pén
é t r è r e n t eu Portugal et en Espagne, où ils ne surent cependant pas
se maintenir définitivement. Leur centre principal fut, pendant plusieurs
siècles, au Caire. En Europe, outre la Russie, où ils se trouvent, comme
uous l'avons vu, en nombre assez restreint, ils habitent la Moldavie,
la Valacbie, la Galicie et Constantinople; en Asie, les rives de l'Euplirate
et quelques localités de la Perse. Au fur et il mesure de l'extension
de la don\ination ottomane, les Karaïmes vinrent des environs
de Jéi'usalem et se répandirent peu il peu dans tous les pays soumis ii
la Turquie. Suivant l'impulsion nafui'olle de leur cai'actère national, qui
s a i t , par le moyen du commerce, pourvoir partout h ses besoins sans
grandes difficultés, ils suivirent saus doute les vainqueurs en qualité de
mai'cliands et de pourvoyeurs, et s'établirent dans les contrées où ils pouvaient
espéi'cr faire de bonnes affaires ; — c'est pour cette raison que
nous les trouvons il Tclioufoute-Kalé, près de Bakhtcbissaraï, jadis capitale
du khan des Tatars; puis à Théodosie, ii Eupatorie, etc., oii se faisait,
jusque dans ces derniers temps, un commerce considérable. La prospérité
toujours croissante d'Odessa et de Sévastopol les avait conduits jusque
lii. Du temps de Vituld et de Sigismond, qui firent venir de la Crimée
plusieurs centaines de familles karaïmes, ils se répandirent en Lithuanie,
en i'ologne et dans la Galicie.
L a littérature des Karaïmes a un caractère tout fait polémique et
est dirigée principalement contre le rabbinisnie; elle renferme des écrits
dogmatiques, philosophiques et historiques. Le nombre de ses écrivains
est assez important. De nos jours, le Karaïme Firkovitch s'est acquis
une grande considération par la collection qu'il a rassemblée d'une série
de documents et de recherches approfondies sur le passé de sa secte.
Il semblerait résulter de ces documents que les Karaïmes de la Crimée
et du reste de la Russie n'auraient pas eu, dans le principe, le caractère
de sectaires et ne seraient pas descendants des Karaïmes de la Palest
i n e , mais d'une autre branche particulière d'Hébreux qui se seraient
séparés de leurs fj'ères avant la période de la captivité de Babylone et
seraient venus plus tard dans la Russie actuelle, en traversant le Caucase.
L'idiome tatar que parlent les Karaïmes russes n'a pas le moindre
mélange de mots ou de locutions hébraïques et ne contient même aucun
vestige de cette langue. Le visage des Karaïmes ne porte point l'empreinte
fortement caractérisée du véi'itable type juif. Cette circonstance
semble tenir à deux causes : premièrement, il une grande fusion qui
eut lieu naguère entre les Karaïmes et certains peuples d'origine turque
( t a t a r e ) ; secondement, il ce que les Karaïmes eux-mêmes ne sont peutê
t r e pas du tout des Hébreux, mais plutôt de? descendants des Khazars,
qui embrassèrent notoirement le judaïsme et régnèrent en Crimée du
huitième au onzième siècle.
Dans toutes les contrées où des Karaïmes sont établis et où se trouvent
en même temps des rabbinistes, ils vivent complètement séparés
de ces derniers. Les rabbinistes en font autant k leur égard. Les Karaïmes
accomplissent rigoureusement leurs devoirs religieux. Quant ii
leur manière de vivre et aux moyens de pourvoir à leux existence, ils
n'ont pas l'habitude des rabbinistes de pratiquer le culte du veau d'or,
c ' c s t - i i - d i r e de n'acquérir de l'érudition que pour obtenir le titre de
rabbin et s'en servir uniquement pour amasser des richesses ; ils exécutent
au contraire, quand il le faut, les travaux les plus grossiers. Kii
Lithuanie, oii ils sont très-estimés, ils s'occupent surtout d'horticulture,
de commerce et de fournitures; en Volhynie, du jardinage, de la boucherie
et du transport des marchandises; dans la Nouvelle-Russie, ils
p r a t i q u e n t , outre les métiers que nous venons de citer, celui de changeurs
et tiennent les caravausaraïs ; ils se livrent encore d'autres professions
utiles daus les villes, et font essentiellement le commerce, tant
pour les gouvernements de l'intérieur que pour l'extérieur, et notamment
pour la Turquie. En Crimée, beaucoup de Karaïmes possèdent de
grands j;irdins fruitiei's, des vignes, des terres et des capitaux considéi
ables. A Eupatorie, ils font encore aujourd'liui un commerce très-étendu
e t sont en ¡'apports continuels avec Constautiuople, oiï ils in^pircut
beaucoup de confiance et jouissent d'au grand crédit. En Criuiéc, ils
écrivent le tatar, leur langue matei-iielle, avec de.? caractères hébi'cux;
quant à la langue hébraïque, les savants seuls la connaissent et la parlent.
I.es Karaïmes de la Galicie parlent aussi le tatar. A Constantinoplc,
ils se servent de la langue grecque; en Egypte et sur l'Euphrate, de
la langue arabe; dans la Russie occidentale, du polonais. En Crimée,
ils sont de haute taille et vigoureux; ils ont les cheveux uoirs et sout
t r è s - p r o p r e s . Les femmes sont belles, leur teint est clair, leur peau
blanche, et leurs yeux sout fendus comme ceux des femmes de l'Orient.
L e costume est oriental et ressemble iX celui des Turcs. Ils n'ont jamais
subi l'oppression qui a pesé sur les talmudistes polonais. Les traits distinctifs
de leur cai-actère sont la modestie, la pureté des moeurs et
l'amour du travail; on ne rencontre chez eux ni ivrognes, ni fainécUits,
ui mendiants : aussi les crimes capitaux sont-ils exti'ômement rares. Daus
la Nouvelle-Russie, tous les Karaïmes sont plus ou moins îi leur aise;
mais en Volhynie ils sont pauvres, et là, comme en Litluuiuie, ils portent
le costume du pays. Le Karaïme fait ses affaires avec hounùteté,
convenajice et modération, en sachant toujours garder sa dignité personnelle
: aussi chacun ajoute-t-il foi à sa parole. Il ne s'engage point
dans des entreprises hasardeuses et s'elforce de concilier les difficultés
qui surgissent quelquefois dans les transactions, sans avoir jamais recours
aux tribunaux.
PEUPLES DU CAUCASE
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