
PEÉFACE.
Parmi les oeuvres scientifiques qui signalent le progrès des lumières à l'époque actuelle, il en est peu qui soient aussi utiles cl qui
méritent d'être accueillies avec plus de faveur quuue description nouvelle, étendue et com]>lôle, des peuples de l'empire de l^ussie. On
s'occupe aujourd'hui, daos les traités d'anthropologie, non-seulement de grouper avec soin les nombreuses variétés de la race humaine,
mais on attache aussi, dans les études historiques et politiques, la plus grande importance à la diversité des iacuitcs intellectuelles de
chaque nationalité.
Le livre qui donnera des renseignements précis sur ces objets intéressants facilitera les rechei-ches scientifiques et sera une oeuvre
indispensable à consulter pour l'administration du pays. Le gouvernemetU d'un empire dont la population est formée d'éléments très-divers
a besoin de connaître exactemeut ces éléments. Les améliorations et les développements ne peuvent réussir qu'autant qu'ils sont en
harmonie avec les facultés et les idées des peuj>les, et qu'ils s'accordent avec les rapports sociaux préexistants. Il est donc évident que
la connaissance de ces intérêts est essentielle non-seulement aux autorités locales, auxquelles en général ces renseignements ne font pas
défaut, mais surtout aux pouvoirs plus élevés.
On doit reconnaître que, jusqu'à ce jour, les diverses nalionaütés de l'empii-e de Russie n'ont pas été suflisamment étudiées, bien
qu'une foule de notions isolées aient été recueillies par suite des divers voyages provoqués par le gouvernement ou entrepris sous
ses auspices.
Nous voyons d'abord un graveur nommé Uorii publier, en 1774, par cahiers de cinq feuilles, une collection de dessins représentant
les costumes dos jjeuples de la Russie. Ces dessins obtinrent du succès, mais on regrettait l'absence d'un texte. Le libraire Ii.-\V. MCLLÎ-K,
de St-Pétersbourg, s'occu[)a avec zèle de comblei' cette lacune, et il trouva mi collaborateur empressé dans un écrivain coimu, J.-T.
GKOUGI, qui avait \ u lui-même des peuples très-divers dans le cours de ses voyages à travers les provinces de l'empire de Russie.
C'est ainsi que, de I77() à 1780, parut en allemand et en français un ouvrage composé de quatre livraisons, sous le titre de
Description de (oulcs les nations de l'empire de Iliissie. Eu égard au temps où il l'ut écrit, cet ouvrage a un mérite réel, car on y
trouve les documenta les plus authentiques extraits de voyages entrepris dans tout l'empire par ordre de- l'impératrice Catherine 11,
et complétés, autant qu'il était possible de le faire, par d'autres notions puisées aux meilleures sources. Cependant on n'avait, dans le
principe, aucune certitude que ces sources fussent toujours sufllsantes et dignes de foi, car l'auteur n'avait pas d'abord jugé à propos
de se nommei-. Le titre dos trois premières livraisons ne porte, en ellet, que le nom de l'éditeur IM U L L E H , et ce n'est que dans la
préface qui précède la dernière livraison que GEOUGI se fit connaître comme auteur principal du recueil. Presque en môme temps parut
une traduction de ce livre en russe. L'ouvrage original cul beaucoup de succès dans les pays étrangers; il fut utilisé par la science, et
Ton en fil plusieurs extraits; car c'est précisément à celte époque que BI.LME.XBAGH commença à se livrer à ses savantes recherches
sur les dilTérences physiques de la race humaine, recherches qui amenèrent, par une conséquence pour ainsi dire inévitable, l'observation
des facultés intellectuelles et des situations sociales qui en résultent parmi les diverses tribus de la grande famille humaine. C'est
principalement sous ce dernier point de vue que les études ethnographiques ont subi de grandes modifications, de même que les éludes
linguistiques, qui, largement développées, out fourni, à partir de la seconde moitié du siècle dernier, de précieux matériaux pour l'histoire