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84 P E U P L E S INDO-EUROPÉENS.
RUSSES DE LA HUSSIE-BLANCIIE PROPREMENT DITS.
Les Russes eie la Russie-Rianche proprement dits, ou véritables
Riélorousscs, résideiit sur l'étroite langue de tei-re située entre la Duna
et le Dniepr et sur le territoire avoisinant ces deux fleuves qui réunissent
la Russie-Blanche il deux mers, la Baltique et la mer Noire.
Ce point central est d'une grande importance sous le rapport géograpliiqiic
et commercial.
Los limites occidentales des Biélorousses sont en partie les trois arrondissements
nofd-ouest du gouvernement de Vitebsk (Lioutsine, Réjitsa et
Dunabourg), et la Livonie polonaise, habitée par des Lettons (voj'ez
Lettons au chapitre des Litliiianiens), où la nature elle-même semble
avoir tracé une ligne de démarcation entre les deux nationalités : un
district de dix verstes de largeu)' s'étend de Ncuhausen à Petchory ; ce
n'est qu'une suite de stériles monticules d'ai'gile et de sable recouverts
de broussailles. Plus loin, la frontière occidentale monte le long de ia
Duiia jusqu'à Disna, et de cet endroit à Borissov sur la Bérésina; puis
elle descend le cours de cette rivière jusqu'au Duiepr, et se prolonge
en aval de ce fleuve jusqu'iX la limite sud du gouvernement de Moliilev.
Au sud et au nord les Biéloi'ousses Jiabitent les deux gouvernements de
Vitebsk et de Mohilev et eu partie ceux de Smolensk, Orel et Tchernigov.
La population complète des gouvernements de Vitebsk et Moliilev peut
être répartie en trois catégories bien disthictes : celle des propriétaires
(Polonais), celle des paysans (Riéloreusses) et celle des juifs. Nous ne
nous occuperons ici que des paysans, sur le sort desquels ont influé et
pèsent encore si fatalement les juifs, qui prennent réellement leur part
dans tout ce que possède le paysan.
Dans la Russie-Blanche on ne voit ni les constitutions vigoureuses, ni
les familles nombreuses, ni les moeure patriarcales et les paisibles réunions
des paysans de la Grande-Russie, qui habitent de beaux villîiges et des
maisons claires et spacieuses. On n'y voit pas non plus les Polonais vifs,
adroits, distingués de visage et de formes, quoique un peu maniérés et
vaniteux, avec leurs femmes sveltes, belles, vives et coquettes. Le
paysan, revenant au logis de son long travail journalier, ne trouve, pour
le j'Gcevoir, qu'une misérable maisonnette sans cheminée, une cruche
d'eau pour apaiser sa soif et un morceau du pain le plus grossie]' pour
se restaurer. Aux jours de fôte et de marché, qui sont les vraies solennités
du pays, on se rend ensemble à la ville ou au bourg le plus
prochain. Après le sei-vice divin et lorsque les paysans ont vendu leurs
]n-odnits, souvent même les provisions les ])lus indispensables t\ leur existence,
ils s'entassent dans les nombreux cabarets des juifs, qni ne savent
que trop habilement lour soutirer leur argent, à force d'astuce et
de trompeuses promesses : aussi le campagnard de la Russie-Blanche
v i t - i l dans une misère habituelle, résultat de l'usage immodéré de la
boisson, et dans de continuels soucis qu'il cherche à noyer dans l'eaude
vie.
Sous le rapport de la civilisation et du bien-être, le paysan de la
Russie-Blanche est bien inféi-iour aux paysans des autres contrées russes;
on doit toutefois signaler ici un progrès important fait récemment pour
l'amélioration de son sort : nous vouions parler de l'interdiction faite
aux juifs d'habiter les villagos biélorousses et de prendre en location les
cabarets qui s'y trouvent. Malgi-é sa rudesse et sa pauvreté, le paysan
de la Russie-Blanche est excessivement bon et tout à fait inoffensif, le
brigandage et le meurtre lui sont inconnus, et si l'on considère la situation
misérable à laquelle les juifs l'ont réduit, on ne peut s'étonner assez
de voir sa bonté native survivi-e aux efforts faits pour l'étouffer.
L a Russie-Blanche est loin d'ôtre aussi stérile qu'on le su])pose généralement
; mais la culture du sol y est négligée au plus haut point. Ce
pays pourrait ét]-c très-opulent, car il possède une foule de riviè]-es navigables,
des forêts et un terrain parfois productif et qui ne demande
que de l'engrais pour devenir plus fertile. On pourrait compai'er la
Russie-Blanche h une jeune fille pauvre mais belle, qui attend un riche
héritage qu'elle doit recueillir un jour. Mais les avantages physiques
ne sont rien sans la foi'ce morale qni les vivifie. Ce qui est absolument
nécessaire pour obtenir im résultat, c'est la diffusion des lumières et le
progrès de la civilisation : c'est par là seulement qu'on peut exciter
l'activité industrielle, améliorer la culture du sol et relever l'homme
ses propres yeux, en l'an'achant îi sa honteuse somnolence.
Comme langue littéraire, l'idiome de la Russie-Blanclie peut être considéré
aujourd'hui comme frère de celui qui est parlé dans la Grande-
Russie. Il y eut un temps, et cotte époque commence au quatorzième
siècle, où cette langue contenait un grand inélange de polonais. Prédominante
alors et adoptée à la cour des grands-ducs de Litliuanic à Viina,
aussi bien que pour la rédaction des lois et ordonnances, elle différait
beaucoup de celle que l'on parle aujourd'hui dans les classes inféi-ieures
du peuple, de sorte que quelques personnes la nomment encore langue
russe-lithuanienne. Le dialecte des Biéloi'ousses proprement dits se distingue
en génei'al de celui des Russines par de plus grandes affinités
avec celui de la Grande-Russie. Les Russes de la Russie-Blanche, devenus
depuis longtemps catholiques et Polonais, emploient le dialecte que
parlent tous les Polonais eu Lithuanie.
Les Biélorousses du gouvernement de Mohilev, qui compose la pai'tie
la plus productive de la Russie-Blanche, sont moins que leurs frères de
l'ace soumis ii l'inflaence polonaise sous le rapport de la langue, du
costume et des autres particularités de leur vie privée, bien que, d'un
autre côté, l'oppression polonaise ait affaibli leur intelligence et les ait
dépouillés de toute énergie.
Le paysan de Mohilev est souvent exposé, sur un terrain fertile, aux
plus dures privations, par suite de son esprit borné, du manque d'initiative
et de toute idée d'industrie. Il est, pour ainsi dire, rivé il sa
triste motte de terre et craint même de s'éloigner de son village : aussi
la plus grossière ignorance de toutes choses est-elle l'inévitable conséquence
d'un pareil genre do vie. Si la récolte a été abondante, il reste
pendant des semaines entières couché sur le poêle de sa misérable cabane,
dort, boit et jouit alors, dans la plus profonde apathie et sans
la moindre prévoyance, des biens que Dieu lui envoie. Quoique peu estimés
de leurs frères de race du gouvernement de Vitebsk, qui les ont
gratifiés de surnoms ironiques, les Biélorousses de ces contrées ont cependant
beaucoup plus qu'eux le sentiment de l'hospitalité et la bonté
du coeur, et jugent sévèrement ceux qui montrent peu d'attachement
pour l'agriculture, la famille et le foyer paternel. Ils restent opiniiitrément
fidèles aux moeurs et aux usages qui leur ont été transmis depuis
de.s siècles. Les sectaires russes qui vivent disséminés parmi eux offrent
les traces d'une tout autre nationalité. Les habitudes et la langue des
habitants du gouvernement de Mohilev les distinguent, même dans les
contrées sc])tentrionalcs, de ceux de Vitebsk, et rappellent en quelque
sorte les poimlations de la Petite-Russie. La principale particularité qui
distingue leur prononciation consiste dans la substitution du son russe
tch à celui de ts et ce qu'on appelle tsokanié ; cette substitution a également
lieu dans les parties du sud-ouest et du centre du gouvernement
de Vitebsk.
Le camjiagnard de ces contrées est petit et chétif; ses yeux sont
g r i s ; ses cheveux, d'une teinte jaiinfitre, sont emmêlés et accusent souvent
une triste maladie, la plique. Los maisons, construites avec des
poutres assez minces, sont recouvertes de chaume ou de bardeaux ; elles
n'ont ni cheminées ni planchers. Dans la cliambre, toute noire de fumée,
on ne voit pas de véritables lits, mais seulement une table et des
bancs qui servent de couchettes. Tout ¡irès de la porte se trouve un
moulin à bras pour le blé. Les aliments ordinaires du jiaysan sont le
pain et la soupe aux pommes de terre, ou quelquefois ce même légume
cuit avec du lait. Il arrive souvent que les jiomines de terre ou le pain
le iiliis grossier deviennent l'unique nourriture ; dans ics tem]is de stérilité
et de disette, le Biéloronss se contente même d'une sorte de
bouillie de farine ou il'lici'bes cuites dans l'eau avec un pou de farine.
Le pain, noir et mélangé de son, est très-désagréable au goiit et occasionne
des coliijiies. Le kvass, dont on fait usage dans la (ìrande-Jlussie,
est ici tout il fait inconnu. Le jiaysan ne mange de la viande que fort
rarement et seulement en hiver, lorsqu'il tue son porc, ce qui est un