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P E Ü P L E S 0ÜB,AL0-ALTA1QUES. 71
soiiglans et y sont consacrées par le prôtrc. A cette occasion, on boit
pendant quelques jours, sans auciine retemic, de l'eau-cie-vie avec tous
les parents, on danse et on cliautc; mais ces réjouissances n'ont jamais
lieu devant des étrangers.
Les Toungouscs n'ont pas de chants nationaux. Leurs chansons sont
improvisées de la manière la plus simple et n'ont pour objet que ce
qui frappe directement leurs yeux. 11 parait aussi qu'il n'existe chez
eux ni légendes ni contes traditionnels. Leur danse ne consiste qu'en
une sorte de tourbilloiinement où lionimes et femmes, se tcnaut embrassés,
forment nn cercle et toiii-neiit rapidement en frappant des
pieds et en criant : Yoldier eh, yokher eh, yokher ehi tchokh, tchokh,
tcliokh! yokher eh! Ils aiment beaucoup la danse, mais ils manquent
complètement d'instruments de musique.
La polygamie n'existe presque plus chez les Toungou.ses, die est môme
tout fait abolie chez ceux de Touroukhansk. La femme accomplit tous
les ti'avaux du ménage; elle tanuc les peaux, charge les l'ennos pour le
voyage, dresse le tchoum, coud les habits, prépare les aliiuents et
soigne les enfants. L'homme ne saui'ait s'occupei' de tous ces détails
domestiques, car il est constamment ?i la chasse ou à la pêche, on
bien, s'il est au logis, il doit raccommoder ses armes et ses filets.
Le Toungou.sc traite sa femme avec égard et humanité, différent, sous
ce rapport, de la plupart des Asiatiques. On trouve néanmoins, ici
comme partout ailleurs, des unions malheureuses. La femme infidèle
fuit quelquefois le domicile conjugal; mais il est rare qu'elle échappe
aux poursuites du mari, qui, pour éviter des discussions et dos querelles
, l'abandonne ordinairement au ravisseur, moyennant quelques
mesures d'eau-dc-vie et deux ou trois zibelines. Chez les Toungouses
moins corrompus de Touroukhansk ou ne rencontre guère la mansuétude
portée il une telle exagéi'ation : chez eux, le mari oñcnsé
enverrait ])lutót une balle ou une fiòche dans la téte du pertui'bateur
de son bonheur domestique qu'il ne conseutirait i\ accejitei' de lui
l'hospitalité.
Les Toungouses redoutent beaucoup les maladies, qui, pendant leurs
courses isolées, sont presque toujours mortelles. Un petit nombre seulement
atteint l'âge de soixante h soixante-dix ans. Comme ils ne se
lavent jamais, des maladies cutanées malignes sévissent fréquemment
parmi eux. Ils craignent surtout les épidémies contagieuses et se figurent
que la petite vérole, par exemple, est une terrible vieille femme armée
de longues dents et circulant dans le ])ays pour mordre les gens. Celui
qui a le malheur d'être atteint de cette maladie est abandonné
dans le tclioum à sa triste destinée, et, après qu'on l'a pourvu d'aliments
pour quelques jours, on s'éloigne même de la contrée pour aller
eu chercher une auti'e plus salubre. Lorsqu'un Touugouse chrétien meurt
de maladie ordinaii'e, on dépouille immédiatement la tonte des peaux
qui la recouvrent, ou allume du feu et l'on fait fondre de la graisse
de renne; on tue ensuite un de ces animaux, et sa peau sert de linceul
au mort que l'on se dispose enterrer. Si c'est un homme, ses objets
préférés l'accompagnent dans la tombe, c'est-iVdire ses ustensiles de
chasse, de pèche, etc., et une chaudière à fond percé; si c'est une
femme, on ])lacc. près d'elle un couteau et la houlette avec laquelle elle
conduisait les rennes; on fait cuire alors l'animal qu'on a tué; une des
ses cuisses est coupée et déposée sui' la tombe, ]mis le reste est mangé
pai- les assistants. Après cette cérémonie, les Toungouses lèvent leur
camp et vdut habiter plus loin. Ils interceptent avec de la neige ou
dos arbres la route qu'ils viennent de parcourir, aiin d'ôter au défunt
la possibilité de les suivre. Chez les Touugou.ses païens, les cérémonies
funèbres sont différentes : les morts sont pareillement cousus dans des
peaux de renne, mais non enterrés; on les suspend ii. des arbres. Les
Toungouses de Touroukhansk préparent aussi leurs morts une c.spècc
de lien de repos sur des arbres dont ils coupent toutes les branches
alili qu'ils ne |inisscnt pas en descendre.
A l'exception de quelques tribus errantes sur le Toungouska inférieur,
les Toinigouses sont les plus hospitaliers de tous les peuples nomades. Ne
sachant jias même s'il aura do quoi se nourrir le lendemain, le Touugouse
partage avec le premier venu son dernier mnrceau de renne ou de chevreau.
S'il a ])i'is un ours ou un sanglier et ([u'il y ait quelque autre famille
dans le voisinage de sou habitation, il pi'épare poni' olio, avec le produit
de sa chasse, nn vérilablc festin. Dans leurs relation.^ avec les Russes,
qui ne leur inspirent aucune frayeur, les Toungouses se montrent toujours
coiivenables et pleins d'alTabilité. Leur atl;achemcnt au gouvernemeut
russe est très-grand, ce qui s'explique par le bien qu'on leur fait.
C'est ainsi, par exemple, qu'il y a certains entrepôts de blé, de poudi'c
et de plomb où ils peuvent prendre ces objets crédit, et si une épidémie
vient à se déclarer parmi eux, on leur envoie des médecins et
des secours. La naïveté de la proposition suivante est un témoignage
touchant de leur añ'ection pour l'empereur. Lorsqu'au counneucement de
l'année 1813 les Toungouses curent connaissance de l'invasion des l'"rançais
k Moscou, ils s'offrirent h venir sur leurs rennes et sur patins pour
chasser l'ennemi.
Les Toungouses nomment les Russes Loutchi (ceux de l'Amour, Lotcha)
et les visitent dans les souglans pour leur vendre des fourrures. Ils sont
d'abord timides et peu communicatifs, mais les rasades d'eau-dc-vie les
rendent plus confiants; ils commencent alors ii parler russe d'une manière
fort originale, et, api'ès une consommation un peu exagérée de leur boisson
favorite, ils se déloiit il vil ¡¡rix des fourrures les plus précieuses. Ils
permettent môme ii leurs enfants de participer aux festins qu'on leur
offre et qui durent souvent plusieurs jours pendant lesquels le côté tout
matériel de leur nature sauvage se manifeste d'une manière choquante.
Actifs et infatigables lorsqu'ils ne sont par ivres, les Toungouses sont
en même temps vaillanf;s et déterminés à l'heure du dangei". Ils ont
l'esprit naturellement pénétrant, quoiqu'ils ne s'ap))liquent nullement à
le cultiver : aussi leurs notions sur les choses les plus ordinaires
sont-elles très-bornées. Ils comptent les années pai' les hivers ou d'api'ès
leurs visites aux souglans; ils n'ont ptvs la moindre idée de la division
du temps en mois, en semaines et en jours classés sous diverses dénominations.
En chassant à pied pendant l'été et sur patins en hiver, le Toungouse
parcourt souvent un trajet qu'un cheval ou un chien poui'rait ù peine
franchir. Dans ces déserts, la conformation du sol et en général tous
les accidents de terrain lui sont parfaitement connus; chez lui, l'organe
de la vue est incroyablement développé : il ne manque jamais sou coup,
môme à ime grande distance, ni avec la carabine, ni avec l'arc; avec
ses llèchcs il atteint les poissons h des profondeurs .souvent considél'ables.
Ce qui réjouit le plus le Touugouse, c'est la rencontre d'un ours,
qu'à dessein îl se contente de blesser afin de l'exaspérer davantage et
de le recevoir ensuite au bout d'un couteau très-aigu et tranchant
attaché h un bâton de deux archines de longueur. Pour cette opération,
il met un genou en terre et, appuyé sur l'autre, il tient fortement serrée
dans sa main l'arme cachée derrière son dos; il attend ainsi, avec le
plus grand sang-froid, l'ours qui arrive furieux et se dresse de toute
sa hauteur devant lui. Au moment où l'ours veut saisir son adversaire
avec ses pattes do devant, celui-ci enfonce rapidement sou couteau
dans la gueule de ranimai, qui retombe presque toujours inanimé et
percé de part en part.
Les rennes forment la seule richesse du Toungouse ; dans ces déserts
immenses et ces forêts primitives, ce précieux animal, qui d'ailleurs ne
demande aucun soin, est pour lui ce qu'est le chameau pour l'habitant
des steppes : le Toungouse s'en sert comme de bête de somme ; de sa
peau il fait ses vêtements et la toiture de son tchoum, mais ne se nouri'it
que rarement de sa chair. S'ils n'avaient pas eu de rennes, les Toungouses
auraient été forcés depuis' longtemps de l'cnoncer à leui' vie errante
et de se fixer dans des villages. Le nombre de ces animaux diminue
considérablement, et c'est la tribu de Bogoutchansk qui en possède le plus
aujourd'liui.' Le renne doniestique est un peu plus grand que le renne
sauvage; il vit de quinze à seize ans, mais il n'est propre au travail
que jusqu'à dix ans; il est en général faible, et sa charge ne peut excéder
plus de quatre ii cinq pouds. Les Toungouscs n'ont pas l'habitude
d'atteler leurs rennes aux nartes (légers traîneaux sibériens) ; ils ne s'en
servent que comme bêtes de somme.
Les Toungouscs du gouvernement d'Yénisséisk ne sont pas lamaïtes
comme ceux du gouvernement d'Irkoutsk ; ils sont chrétiens ou partisans
du chamanisme. Le dieu suprême des adeptes du chamanisme se
nomme Chevaghi-Okchari ; il est représenté par un homme ;i la fleur
de L'âge, de haute stature, imberbe, vêtu d'or et habitant le ciel. Non loin
de lui existe un dieu de jnoindre importance, patron des Toungouses; on
le nomme Ozaibki ; il est d'âge viril, sans barbe, et de taille moins élevée
que l'autre. Ce dieu apparaît vêtu d'une peau blanche de renne toungouse.
Avec l'assentiment de Chevaghi-Okchari^ il désigne les chamanes.
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