
12 P E U P L E S l)ü CAUCASE.
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lie lait Ciiillí, (le from.ngi3, lorsqu'on n'est pas on temps de carême. I.es
mets cliauds ne sont servis qu'an souper. En gén6ral, les Grouziens
aiment les aliments salés et le vin, ce qui est sain et doit les préserver
de la jaunisse.
Il est rare que les Gi'onzicns habitent dans des villages consiiléraliles ;
on les trouve plus liabitnollemcnt réunis en grandes familles formées de
plusieurs générations et linbitant des fermes isolées. Ces fermes on enclos
sont établis sur les emplacements les meilleurs et les plus fertiles.
P a r les moeurs, les luibitudcs et mémo par les lois du pays, quelque
defectuenses qu'elles soient, l'existcnce et la position des familles ainsi
que ecllcs des communes sont on quelque sorte i-églces et fonctionnent
sans difficulté îi côté d'un système de flofs trésHlcveloppé et qui fut de
tout temps appliqué chez le peuple féodal des Grouziens. A la téte de
la conunune est iin clicl" élu i)ar les pères de famille et qui iloit ôti'C
conlirmé par le goiivei'iiemciit russe; il a la police sous ses ordres et
décrète, avec !c concours d'un conseil des anciens, les impôts ii payer.
Les paysans, de mémo que ceux de l'Allemagne septentrionale, sont
r é p a r t i s en diverses classes, suivant l'importance dii terrain qu'ils possèdent.
Par suite dos dévastations antérienres que la Grouzie a snbies,
de grands espaces de terrain restent quelquefois sans culture, ce qui,
joint il l'absence de documents écrits, est nne cause d'insécurité de plus
pour le droit de possession. Les traces d'aucicns règlcnient.s ruran.x sayenient
établis frappent partout les yeux et sont attestés par des clotures,
des chemins, des gardiens, etc. En ce qui touche l'agricnlture, il
existe encore des droits et des usages traditionnels en harmonie avec la
vie sociale. L'ean, le gibier, les pâturages et les bois sont librement
exploités par chacun et ne sont la propriété exclusive de personne.
Il arrive souvent que les Grouziens demeui-ent dans un même village
avec des Arméniens et des Tatars, mais sans se mêler avec eux. Us
contrastent en effet d'une manière fj-appante avec ces deux nations, surtout
avec la première.
Les Grouziens, peuple aristocratique et féodale, nés guerriers, sout
braves soldats, cavaliers excellents, mais plus aptes et plus habitués à
la guerre de partisans qu'à la tactique européenne ; ils formaient jadis
dans les armées persanes une troupe d'élite qui décidait oi'diiiaircmcnt
du gain des batailles. Ils sout aimables, liospitaliei-s, mais pour la plupai't
ignorants et peu communicatifs. Les fiers et belliqueux Gi'ouzieus
n'aiment ni le négoce, ni l'industrie : aussi le commerce se trouve-t-il
exclusivement entre les mains des Arméniens, dont l'esprit spéculateur et
plein de ruse les a rendus odieux aux Gi'ouziens, auxquels ils sont d'ail-
. leurs supérieurs par les facultés intellectuelles et l'amour du travail.
II arrive bien souvent que les Arméniens devienueut possesseurs de la
propriété immobili¿re des Grouziens, soit par des lettres d'emprunt et de
c r é d i t , soit en se chargeant d'administrer ces propriétés; de sorte que
les Géorgiens se trouvent toujours plus ou moins dans leur dépendance:
ils ne peuvent pas plus se passer des Arméniens que les Polonais des
j u i f s ; mais ils les haïssent et les méprisent, et en général l'animosité
entre les deux peuples se manifeste on foute occasion.
Haxthausen dit, ou parlant des Géorgiens : « Ce sont les chevaliers
chrétiens, comme les Tclierkesses sont les chevaliers mahométans des
contrées caucasiennes ; ils se touchent comme en Espagne les Goths et
les Maures. La classification administrative et toute la constitution du
peuple géoi'gien ont, dans lenr base, une grande analogie avec ccllcs
de la race gei'maniqne : c'est une constitution féodale complètement semblable
à l'institution germano-romaine. Dans cette organisation, lu noblesse,
groupée autour du roi, occupe le premier rang, à l'intcrieur
comme fi l'extérieur, La noblesse géorgienne était donc purement féodale
: dans le tsar ou roi elle reconnaissait son seigiieur suprême, et
les classes inférieures considéraient ordinairement les nobles des hautes
classes comme leurs seigneurs de second ordre. De leur côté, les paysans,
sans ôti'C serfs (ce qu'ils ne furent que plus tard, dans les temps
modernes et jusqu'à l'aïuiée 1S61), étaient cependant obligés de suivre
la noblesse à la guerre, de faire la corvée et de payer les impôts,»
L a noblesse géorgienne se partage eu doux classes, les lhavads et
les aznaours. Parmi les premiers, on qualifie de didéhouls les familles
les plus distinguées par leur influence; les mthavars sont des tbavads
apanages, gouverneurs héréditaires d'une contrée. La seconde classe de
ia noblesse géorgienne, les aznaours, comprenait la petite noblesse. Quclques
unes dos familles nobles les plus considérées sont d'oi'igine grecque,
telles que les Andronihov, etc.
Les Grouziens ne sont pas doués d'une intelligence très-développée,
ce qu'ils doivent peut-être à l'abus du vin ; on ne peut ])ourtaut pas
leur reprocher nu manque absolu de capacité. Mais le peuple est encore
trop profondément ignorant pour éprouver le besoin de s'instruire. L'enseignement
est très-médiocre en Géorgie; la plus grande partie de la
noblesse elle-même ne sait gui;re autre chose que lire et écrire. Los
jeunes filles nobles sont pour la plupart élevées chez leurs parents, où,,
elles ne reçoivent qu'une éducation bornée et réduite aux notions les plus
indispensables; cette éducation est d'ailleurs plutôt orientale qu'européenne.
Quant au bas peuple, il est complètement illettré.
Les Grouziens aiment par-dessus tout à vivre et à s'amuser en plein
air. La musique et la dause sont les principaux délassements, surtout
pour les femmes. Les instruments de musique les plus usités sont le
zourna, espèce de fliite, et le tchoungour, instrument à cordes de métal,
qui tient le milieu entre la balalaïka et ia guitare.
Les chants grouziens sont monotones ; le sujet en est ordinairement
liéroïquc et se rappoi'te aux évcJiement^ du passé. La danse des hommes
est presque toujours sauvage et exprime le caractère audacieux et guerr
i e r des Grouziens ; elle est souvent accompagnée de rapides mouvements
des bras, imités des Tatars; les danseurs courent et tournent indéfiuinieut
sur un espace très-restreint, La danse des jeunes filles est ordinairement
grave, lente, jamais sautillante, mais pleine d'attitudes et de
mouvements gracieux. La danse préférée et aussi la plus intéressante
est celle que l'on nomme lesgliinka, mingrelka ou abkhazka ; c'est une
gracieuse expression du désir, de la poursuite et du refus, suivis toutefois
du consentement. Elle excite surtout la sympathie des spectateurs dmis
les salons nobles, quand un beau cou])lc se îivi'c, sans blesser les convenances,
à toute la vivacité de ses impressions. Cette danse s'c.\éoutc
dans tout le Caucase.
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L M E P u S .
Les Imers ou Imérétiens habitent, au nombre de 150,000 têtes, toute
la partie orientale du gouvernement de Koutaïs, c'est-à-dire le versant
occidental des monts Likhs, et forment pimr ainsi dire la transition enti'e
les Géorgiens orientaux (les Grouziens) et les Géorgiens occidentaux.
Les Imei-s appartiennent en effet plutôt aux premiers par le langage et
aux derniers par la nationalité.
L ' i m é r c t h ou l'imérétie fut nommée d'abord ligris (l'ancienne Colchide),
comme partie intégrante du royaume de f.azique ; -puis, jusqu'en 125Í),
Aphichazelh et Imier (partie située au delii des monts Liklis); enfin le
nom d'Iméreth ou Imérétie, qui devint plus général en MGO, après le
p a r t a g e définitif, est celui qui a survécu. L'Iméreth a duré comme
royaume de 786 à 985, et plus tard, de 1259 à 1810, sous deux dynasties,
les Aphkhaz et les Bagratides, qui avaient quelquefois seulement
le titre d'éristav. De IGOO h 1721, le trône fut occupé par divers prétendants
qui s'cx|)ulsèrcnt alternativement et furent enfin réinstallés. Cos
querelles intestines durèrent, sous la puissante infiuence des Turcs, jusqu'en
1792; quelque temps après, en 1804, le roi Salomon II céda
son ])ays à la Russie, avec laquelle les rois géoi-gicns entretenaient des
relations amicales depuis le dix-septième .siècle.
Le pays est en grande partie couvert d'habitations isolées; ce nost
qu'auprès des églises nouvellement construites que l'on voit des villages
un peu considéjables auxquels appartiemicnt en commun les iorèts ot
les pâturages, mais dont chaque enclos jjossède séparément se.s clinmps
et son potager. Les paysans appartenaient autrefois ou à la couronne ou
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