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Ai'móiiiens Oisséiiiiiiós dans Ics (ìiffcrciitcs contrées caucasicmics, il y en
a 35,000 dans la Russie d'Europe, dont 19,000 dans le goiiveniemciit
d'Yókatérìnoslav, G,000 il Astraklian, 4,000 cn Tauridc, 3,000 h Ivlierson,
2,000 cn Bcssai-abic ; quelques centaines seulement íi Pétei-sboui-g,
en Podolic et h Moscou.
Les Arménions du Caucase, et spécialement ceux de la Transcaucasie,
peuvent élre divisés on deux classes, les indigènes et les inimigrés. Il ne
reste vraisemblablement que peu de traces des premiers (la phijiart encoi'c
sur le territoire turc), qui de gré ou de force ont émigré vers d'autres
régions ; eu sorte que fous les Arméniens actuels de la Transcaucasie
peuvent otre considéi'cs ])lus ou inoins comme appai'touant à une immigration
postérieure. On doit d'ailleurs établir une distinction entre les
anciciis habitants et ceux qui sont tombés, il y a vingt-cinq ans, au pouvoir
de la Russie ou qui sont allés depuis s'établir dans cette contrée,
car ils ofiVent des diflïi'cnces etlinograpliiques très-notables. Les Arméniens
de la (irousie appartioiinent à la Ilussie depuis 1801, ainsi que le
p a y s ; ceux du gouvernement de Bakou, depuis 1S2S, et ceux qui habitent
l'airondisscmcnt d'Akhaltsikh, dans le gouvernement de Koutaïs,
depuis l'année 1821).
I.cs anciens habitants se rapprochent davantage, quant au caractère et
aux moeurs, du type arménien primitif, et diffèrent sous beaucoup de
rapports de ceux de leurs compatriotes qui habitent la Russie d'Europe
e t vivent disséminés dans le Caucase, où ils exercent la profession de
marchands. Si la civilisation des premiers est un peu eu retard, ils sont,
sous le rapport moral, très-supérieurs aux seconds. Le tableau de la
simplicité des moeui-s, de riionnêtcté, de la fidélité, que nous offrent les
anciens Arméniens, no peut guère s'appliquer à ces marchands dispersés
do côté et d'antro pour les affaires de leur commerce; mais l'on reinai'que
bientôt que les traits disparafes qui causent cette dissemblance
ont été empruntés aux Persans, dont le contact parait avoir corrompu
les Arméniens. L'Arménien vivant dans son pays natal, le simple agriculteur,
qui suce avcc le lait maternel l'arnuui' de la patrie et les belles
traditions d'un passé plus lieui-eux, diffère sans doute beaucoup de celui
dont les aïeux ont depuis longtemps quitté leur patrie, et qui lui-même
n'en connaît que le nom.
Les émigi'ants arméniens de la Turquie ont emprunté au caractère turc
beaucoup de son flegme et de son indolence ; ils sont toutefois plus lourds
et plus maladroits dans leurs gestes et leur langage, mais, en revanche,
plu? francs et moins flatteurs. Ils se livrent aux travaux de l'agriculture
e t aux soins du bétail avec plus de goût qu'au commerce et aux professions
manuelles.
Les Arméniens d'Akhaltsikh se distinguent surtout pai' leur lionnêtcté,
leur amour du travail, leur simplicité de moeurs et leur profonde piété.
Contrairement à ces deux catégories, les immigrés de la Perse sont
plus rusés, plus soujilcs, plus adroits et plus propi-es au commerce et
h l'exercico des divers métiei'S.
Les Arméniens perdirent, cn général, par suite de la longue durée
du joug turc ou persan, beaucoup de leur individualité sous le rapport
du caractèi-e et des moeurs. Obligés de subir le joug d'un pouvoir oppresseur
et de plier m o raie m sut sous l'ascendant du plus fort, ils se
virent réduits it ne plus s'occuper exclusivement que de leurs intérêts
matériels. Vantards, pleins d'araour-proprc, reclicrcliant les honneurs et
les distinctions, les Arméniens, qui appliquent plus volontiers leurs facultés
intellectuelles aux paisibles travaux et à la littéi'ature, peuvent
néanmoins revendiquer aussi des individualités remarquables parmi les
plus valeureux chefs de l'armée iiisse.
Au nombre des nouveaux immigrés, c'est-à-dire do ceux qui vinrent
s'établir dans la Transcaucasie aussitôt après la prise de possession de
cette partie de l'Arménie par les Russes en 1828, il faut citer 36,000
habitants de la province persane d'Aderbaïdjan, et 22,000 des provinces
turques voisines, dont la plus grande partie comptait parmi les habitants
primitifs.
La rapide description que nous allons donner des Ai'méniens se rapporte
princiiialement aux habitants de l'Arménie russe ou du gouveriiement
d'Erivan ; mais elle peut aussi s'ai)i)liqner en partie aux contrées
voisines. Le tci'ritoire de l'Arménie russe comprend dans son étendue
cette contrée montucuse et de formation volcanique qui s'étend depuis
l'Araxe jusqu'il i'Ararat, et sur le terrain rocaillcu.x de laquelle se trouve
une mince couche d'humus qui n'est devenue d'une fertilité remarquable
qu'au moyen de l'humidité qu'on y entretient continuellement. Sans les
innombrables canaux et les autres moyens d'irrigation systématiquement
organisés qui servent môme l'irrigation séparée des prairies et des
champs, ce pays ne serait qu'un affreux désert tel qu'il est on effet
devenu dans les localités plus hautes, oii ces utiles créations se sont
détériorées par une indolente négligence. La haute antiquité de ces canaux
est prouvée de la manière la plus évidente par la prospérité florissante
du pays et de ses habitants à une époque qui remonte ii plus de
deux ou trois mille ans. — En montant successivement les innombrables
terrasses qui forment l'Arménie, on peut la diviser en trois parties:
l'une montagneuse, l'autre moyenne et rocailleuse, et la troisième formant
une plaine, mais plus petite que les deux autres, plus chaude, plus
riche et plus peuplée.
Les Arméniens peuvent être rangés au nombre des plus beaux peuples
de la terre; leur taille est bien prise et bien proportionnée; plus petits
e t plus délicats que les Géorgiens, ils sont très-bruns, ont des traits
expressifs et fortement accentués, de grands yeux noirs, très-souvent un
profil grec, le front un peu bas et la poitrine plate.
D'un caractère doux et calme, poli, modeste et plein de modération,
rArménien de la Transcaucasie reste fidèle h ses anciens usages et h
ses anciennes occupations. Ignorant et inculte, il est doué de capacité,
de bon sens, et sous ce rapport il se montre bien supérieur aux Géorgiens
et aux Tatars ses voisins. Une boune mémoire favorise chez lui
l'étude des langues étrangères, et lorsqu'il les parle, ce qu'il fait avcc
facilité, sa prononciation peut seule le faire reconnaître. L'Arménien est
un être essentiellement raisonnable, chez lequel le sentiment ne joue
qu'un rôle secondaire; c'est pour cette raison que sa littérature, autrefois
assez riche, n'offre aujourd'hui aucune production poétique de quelque
importance. Avcc le génie de la spéculation, avec son adresse et
sa ruse, l'Arménien possède encore la faculté remarquable de s'accommoder
partout aux circonstances et d'y conformer ses occupations. Dans
sa patrie, il se livre il l'agriculture; dans la Russie d'Europe, il est
marchand; et dans les provinces qui avoisinent la mer Caspienne, il
s'adonne à l'élève du ver ii soie. Il tient fortement à sa nationalité et
il sa religion, et contribue avec le plus grand empressement aux frais
d ' e n t r e t i en des églises et des monastères. Une sympathie mutuelle et
une grande fraternité régnent entre tous les Arméniens. Enrôlés sous
les drapeaux, ils se montrent soldats courageux. Les arts et les sciences
trouvent chez eux un accueil favorable, et tous s'efforcent, selon leurs
moyens, de donner une bonne éducation à leurs enfants. Ceux qui out
été élevés dans les établissements russes se sont fait un nom honorable
dans diverses carrières. Ne le cédant à personne pour l'iiabileté en mat
i è r e d'industrie, ils sont patients, laborieux, calculateurs et sobres jusqu'il
l'excès. La soif du gain joiute ii la ruse les entraîne quelquefois
la fraude, et en pareille occasion ils se servent habilement de leur extrême
loquacité pour atteindre leur but. Leurs manières sont flatteuses
et séduisantes; mais l'attachemeut qu'ils témoignent ne dure souvent
qu'autant que leur intérêt l'exige.
Cou t r a i r e ment aux habitudes des femmes tatares leurs plus proches
voisines, les Arméniennes sont paresseuses, indolentes jusqu'il l'immobilité.
Les causeries, le rire, les plaisanteries, sont considérées par elles
comme autant de péchés. Dans leurs réunions, c'est ii peine si l'on entend
le plus petit bruit; elles sont assises dans un ordre rigoureusement
réglé d'après l'ancienneté de rang ou d'origine du mari, étiquette exigco
par la vanité, et leur unique distraction consiste ii pa.sser entre leurs
doigts les grains d'un chapelet qu'elles i-emettent respectueusement ii la
personne à qui elles veulent prouver une estime particulière. Mille petites
cérémonies affectées et un peu ridicules ont lieu à cette occasion.
L e costume des Arméniens, surtout celui des hommes, ressemble en
général beaucoup ii celui des Persans. Quant aux femmes, elles ont,
dans ces derniers temps, échangé plus ou moins le costume pei'san contre
celui des Grouzines.
L ' a r c h i t e c t u r e des maisons et des fermes affecte des formes originales
e t très-variées. Les villages sont mal tenus et d'un aspect assez mesquin
; ils se composent, pour la plupart, d'une quantité de buttes d'eusées
dans le sol, recouvertes de terre, misérablement gai'nies ii l'inténeur et
placées pêle-mêle les unes à côté des autres; c'est ce qui a lieu principalement
dans les contrées élevées; car dans les vallées, le
P E Ü P L B S INDO-EUROPÉENS. 143
ncnibro de jai'dins pleins d'ombre et de fraîdieur contribue beaucoup
il l'ornement des villages. L'intérieur des habitations ne répond que trop
il l'extérieur. La chambi-e de réception sert cn même temps d'écurie,
ce qui lui "" atti-ait pai-ticuliei- à, cause de la chaleur
(pi'on y trouve. Les divers membres de la famille habitent des compartiments
séparés. Au milieu est placé le foyer, dont la fumée se répand
clans la chambre, où les veaux et les-moutons ruminent paisiblement à
côté des enfants. Quelques poules et des insectes de tonte espèce viennent
compléter le nombre des être vivants de la petite habitation. Lorsqu'il
règne un peu d'aisance dans le ménage, ou y aperçoit quelques
lits, de la vaisselle de cuivre, des tapis, etc. — Mais dans les envii-ons
de Nakhitchevan, la misère est générale.
La famille forme un ensemble presque entièrement privé de f,out contact
avec le dehors; c'est le simulacre vivant de la nationalité avec
l'absence de tout pi'Ogrès. Nulle part la famille n'a une organisation
plus patriai-cale, plus vivace, plus forte et plus intime que chez les Arméniens.
Malgré la liberté qu'on laisse aux jeunes gens non mariés des
deux sexes, liberté maintenue dans les limites de la moralité et dos
usages nationaux, la jeune fille à marier n'est point, comme chez d'autres
peuples de l'Orient, l'objet d'une vente, mais d'une recherche honnête
et délicate, -A partir du jour de son mariage, la femme ne parait plus
en public ; elle reste sévèrement voilée et ne parle qu'à son mari jusqu'à
la naissance d'un pi'emicr enfant. Ce n'est qu'alors, et au bout de
quelques aimées, qu'elle ose se rapprocher des autres membres de la
famille; mais elle ne doit jamais paider à des étrangers. De cette façon,
le mari est pour la femme l'unique lien qui la rattache à la société,
ce qui rend de fait leurs mariages très-heureux. Une circonstance qui
peut contribuer aussi à ce résultat, c'est que tous les membres d'une
même famille vivent réunis dans une seule maison qui contient souvent
[iliisieurs générations. Les hommes non mariés ont difficilement accès dans
les maisons de leurs voisins, h moins qu'ils ne soient proches parents.
Les Arméniens, opprimés sous un joug de plusieurs siècles, sont généralomeut
sérieux, peu aptes à la musique et u'ont pas de chants
uationaiLx; ils ont adopté la musique bruyante et uniforme, le chant
simple et peu mélodieux de leurs voisins les Tatars et les Persans, ainsi
que la danse des Tatars et des peuples vivant dans !cs montagnes du
Caucase. Néanmoins la danse des femmes tatares do la Transcaucasie est
beaucoup plus gracieuse ot d'un aspect plus agréable. Les hauts talons
des chaussures que portent les Armériiennes sont d'ailleuis un obstacle
aux mouvements rapides et gi'acieux de leurs pieds, et leur buste,
t r o p penché cn avant, n'a rien non plus de bien séduisant. Elles cherchent
conscqucmment à faire do l'effet, cn dansant, par une certaine adresse
e t la grâce des mouvements de leurs bras et de leurs mains. Lcui' danse
n'est d'ailleurs pas autre chose qu'un solo exécuté au milieu d'un cercle
d ' a u t r es danseurs et danseuses. Souvent, pour signaler leur joyeuse humeur,
les hommes dansent pendant les repas solennels do fête, et alors
ils sautent d'un pied sur l'autre, d'une façon très-comique, eu faisant
cn cei'cic toutes sortes de contorsions.
Il n'existe pas chez les Arméniens de liiérarchie propi'cmcnt dite pour
les rangs; l'organisation intérieure de leurs communes nii-ales et dos
villes, basée sur l'égalité des conditions, diffère essentiellomcnt de celle
des Géorgiens féodaux, divisés en plusieurs classes. Il n'existe qu'un
petit nombre d'ancicnues familles, et la noblesse ne possède que certains
droits honorifiques. Cette noblesse se divise en méliks, cn alagares héréditaires
et en anoblis : ces derniers sont ceux qui ont reçu du gouvernement
russe des titres de uoblesse, par les rangs que donnent les
classes hiérarchiques, ou certains ordres de chevalerie.
Il u'y a chez les Arméniens aucune différence notable entre les habitants
des villes et ceux des campagnes, ce qui apparaît clairement par
la similitude des occupations, par celle des moeurs et de l'existence eu
général.
L a langue arménienne possède beaucoup de racines ariques; cependant,
au milieu du groupe des langues iraniennes, c'est celle qui s'éloigne le
plus des idiomes ariques cu général. Pauvre, uniforme et peu flexible,
elle est désagréable à l'oreille, parce qu'elle renferme de nombreuses
consonnances nasales et gutturales, une pi'ononciation monotone et des
intonations qui se reproduisent trop souvent; eu outre, elle manque d'harmouie
et de sonorité.
F R A C T I O N S D E P E U P L E S INDü-EUROPÉEKS
ÏÏABIÏANT LA RUSSIE.
Nous rangeons sous cette dénomination toutes les populations de l'empire
'•"sse, et spécialement do la Russie d'I'iurope, qui n'y vivent pas par
tnbus compactes, mais comme détachées de leur patrie d'origine, et qui
sont venues peu h peu habiter les contrées qu'elles occupent aujourd'hui,
soit avant, soit après la prise de possession de ces pays pai- les Russes.
P a r analogie avec la division des peuples ariques en groupe européen et
groupe asiatique, on peut diviser aussi ces peuples en doux groupes du même
genre. D'après cette répartition, les Germains (Allemands et Suédois) et tes
Grecs, cn y ajoutant quelques Albanais ou Arnautes (Arnaoutes), appartiendraient
au premier groupe; les Bohémiens et quelques Indiens, au second.
GERMAINS,
^^^ j s peuples germaniques appartiennent aux peuples arîqiics de l'Europe
^^ iti me que les Celtes, les peuples do langue romane ou do race latine
^«s^^^illnianiens, les Grecs et les Albanais. Ils se subdivisent cn Allcs
(avec les Hollandais), en Scandinaves (Suédois, Norvégieus, Danois)^
et cn Anglais; mais, sauf une colonie hollandaise de très-peu d'importance,
et quelques Anglais, Hollandais et Danois dispersés de côté et
d ' a u t r e , il n'y a sur le territoire de l'empire russe d'autres peuples
appartenant à la race germanique que des Allemands et des Suédois,
y