
P E U P L E S ODIULO-ALTAÏQUES. 73 ' I
k o l i t c s , plus riclics parce qu'ils ont en général Ijcaiicoiip plus d'activité
q u ' e u x . De longues relations avec ces Yakoutes ont amené iiuc sorte de
f u s i o n entre les travailleurs et ceux qui les employaient, Les Touugouses
s e sont mélangés avec eux et ont adopté insensiblement leurs moeurs
e t môme leur costume. Si ce voisinage a pu avoir sui- eux une pareille
iiifiiicnce, celui des colons russes a dû en exercer une bien plus grande
e n c o r e , quoique moins efficace cependant que sur les Yakoutes : aussi,
parmi les Touiigouses errants, en tronve-t-on quelques-uns qui ont établi
leur résidence d'une manière fixe et ont reçu le baptême, lis
r e s s e m b l e n t beaucoup aux Russes par leurs moeurs et leur genre de
vie, et se distinguent surtout par une grande propreté dans leurs habitations.
Ces Toungouses errants sont plus nombi'Ciix sur la rive gauche du
L é n a que sur la rive droite. Quoique baptisés, ils conservent néanmoins
l e u r s noms païens à côté de leurs nouveaux noms chrétiens. Ils parlent
h a b i t u c l i e m e n t le russe, en coiilbndant conlinuellement les deux sous ts
e t ch. Petits, maigi-es et clietifs, ils sont liabillés à la russe, et leur
costume ne diffère de celui de ceux-ci que pai- les vêtements de dcs.sous.
M a l g r é l'existence pacifique dont ils jouissent dujÎL depuis longtemps,
le chiffre des Toungouses d'Yakoutsk diminue successivement, ce qu'on
p e u t attribuer non-seulement k l'excessive rigueur du climat et aux
r a v a g e s causés par les maladies, mais pi'inci])alemcnt h l'usage immodéré
d u thé et de l'eau-de-vie.
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TOUNGOUSES DE L;V MER D'OKHOTSK OU LAMOUTES.
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L e s Lanioutes, que l'on a souvent considéi'és comme un peuple (toungouse)
à part , ne sont autres que des Toungouses habitant les contrées de
la mer d'Okhotsk jusqu'au Kolyma et à rindigliirka, ainsi que le district
d e Ghijighinsk, déji\ occupé par les Koriaks. Sauf leur dialecte sonore
e t riche en voyelles, ils ne se distinguent point essentiellement des autres
t r i b u s toungouses, ayant le môme genre d'existence qu'eux. Le nom
d e Lanioutes dérive de lamou, qui signifie mer; d'autres ethnographes
r e g a r d e n t la désiguation de Namki comme plus juste, parce que, dans
ces contrées, la mer est nommée nam ou namou; — qu'amou et omo
s i g n i f i e n t lac, — et que mou ou mouké désigne l'eau en général. La
c o r r u p t i o n des noms est si fréquente, quand on les fait passer d'une
l a n g u e dans une autre, qu'il on sera probablement arrivé ainsi en cette
c i r c o n s t a n c e . Ce qu'il faut remarquer, c'est que dans tes contrées intér
i e u r e s on établit entre les Lanioutes et les Toungouses leurs voisins
i m m é d i a t s une distinction prononcée, et qu'on divise les Lamoutes en
t r i b u s particulières. Cela vient sans doute de ce que sous le noni de
Toungouses on ne comprend pas précisément les indigu-nes, mais plutôt
les réfugies toungouses venus dans ces contrées. De fait et officiellem
e n t , les Toungouses riverains de la mer d'Okhotsk-et les Toungouses
voisins des Youkaghirs nomades sui' la mer Glaciale sont nommés Lamoutes
et leur idiome est appelé langue lamoute. Ils passent, de mémo
que les Youlcaghirs, pour les meilleurs éleveurs de remies.
L e district d'Okhotsk, habité primitivement par des Koriaks en nombre
c o n s i d é r a b l e , comme le font supposer les nombreux vestiges do leurs
anciennes habitations, est occupé aujourd'hui par les Lanioutes, qui, au
nombre de 3,500, y mènent la vie de pasteurs nomades et en sont la
population la plus nombreuse et la plus inllucnte. Les Koriaks, repoussés
vers l'orient par les Lamoutes, ne comptent plus dans ce district
(|ue 200 individus. Les Yakoutes qu'on y rencontre n'y ont immigré que
tout récemment.
C e t t e contrée, presque tout entière couverte de montagnes, de forêts et
de marais, est tellement froide et iidiospitalière qu'elle n'est guère accessible
qu'aux Toungouses, qui, sous le nom de Lamoutes, y sont répartis,
selon leur genre d'existence et leurs occupations, en trois catégories : past
e u r s ou nomades; sédentaires; et pécheurs temporairement sédentaires.
L e s Lamoutes nomades ou pasteurs possèdent de grands troupeaux
que, par superstition, ils ne comptent jamais exactement et avec lesquels
ils campent tmitôt dans un endroit, tantôt dans un autre, ne recherc
h a n t des lieux abrités que pendant l'hiver.
L e renne fournit tout aux Lamoutes, la nourriture, rhabillcment, l'hab
i t a t i o n ; et cependant il n'exige que très-peu de soins, car avec lui on
n ' e s t pas obligé do faire d'approvisionnement de foin pour l'hiver ; les femelles
seules demandent quelque attention, au printemps, époque de la
re])r()duction de l'cspècc. La surveillance que demandent les troupeaux
consiste donc presque uniquement à les protéger conti-e les bétes fauves
e t à les mettre îi l'abi'i des tourbillons de neige et des tempêtes. La
n e i g e , qui tombe en abondance et dont les masses incroyables, en cert
a i n e s localités, ne fondent jamais entièrement, est très-pernicieuse aux
r e n n e s ; car souvent , ne pouvant parvenii', en grattant cette couche
é p a i s s e , trouver une quantité do juousse suilisnnte pour leur nourr
i t u r e , ils sont atteints d'une maladie des ongles qui fait de grands
r a v a g e s parmi eux. La femelle n'a jamais qu'un seul petit, auquel le
p r o p r i é t a i r e fait dès sa naissance une marque particulière à l'oreille.
Ces rennes éprouvent le même besoin de liberté que les Toungouses et
n ' a i m e n t pas à séjourner longtemps dans les mêmes lieux. Ceux de ces
animaux qu'on destine à la nouri'iture ne sont pas égorgés, mais étrang
l é s , et l'on a soin d'en recueillir le sang.
P a r leurs moeurs et leurs habitudes, les Lamoutes pasteurs sont
e n tout semblables aux Toungouses ; ils ont en grande partie adopté
l a manière de se vêtir des Yakoutes, et leui' beau costume national ne
s e retrouve plus dans toute son originalité que sur les côtes. De même
que leurs congénères sédentaires, ils sont tous baptisés, très-bons chrét
i e n s et d'une telle loyauté que devant les tribunaux, par exemple, leur
t é m o i g n a g e est toujours admis comme irrécusable. Le véritable costume
n a t i o n a l , qui disparaît de plus eu plus, est le même pour les femmes
que pour les hommes; il ne se distingue que par les ornements. L'habillement
d'hiver consiste en une espèce de tablier de peau de renne
d e s c e n d a n t un peu au-dessous des genoux et dont la bordure inférieure
est garnie de perles fausses et de poils de renne de diverses couleurs.
L e pantalon et la chaussure sont aussi en peaux de renne ; pour les
p a n t a l o n s , le poil de l'animal est tourné en dedans. Par-dessus tout cela
les Lamoutes endossent une fourrure de renne descendant jusqu'aux
genoux, dont le poil est en dehors; le bord inférieur en est garni
de poils de chien ; les riches y ajoutent de fausses perles. La casq
u e t t e , en fourrure précieuse et enveloppant les oreilles, est également
ornée de fausses perles. Les vêtements d'hiver sont faits en peaux de
r e n n e s îigés de six mois ou un peu plus ; mais on ne se sert pour
r h a b i l l c m e n t d'été que de peaux tannées. A l'endroit où se trouvent
o r d i n a i r e m e n t les boutons qui marquent la taille d'un paletot, les hommes
p o r t e n t deux morceaux de fer-blanc, et entre les deux, deux longues
queues de poils de renne teints. Les femmes portent aussi, principalement
les jours de fête, ces plaques de fer-blanc sur les deux côtés
do la poitrine, il la bordure inférieure du tablier et à celle du vêtement
de dessus. Des anneaux et des clochettes servent aussi d'ornements
au tablier. Klles portent également des colliers. Au lieu de
r u b a n s , les filles attachent au bout de leurs tresses de petites pièces de
t ô l e argentée, quo les riches remplacent par un long ruban ai-genté de
la largeur, d'une main et qui représente des feuilles; un ruban pareil
e n t o u r e la%asquette fourrée, on sor t ^que le costume de parade coûte
souvent 150 roubles et au delù. On se sert encore pour Fliiver de
la kouklanka, dont le poil est tourné en dehors, et pour l'été de la
kamléilca en cuir, dont la coupe ressemble à celle d'une longue chemise
russe, lin général, les gens opulents portent seuls la chemise ; les autres
n ' o n t aucun vêtement de dessous. Quelques femmes ont des habits en
étoffe de perse ou de soie de confection russe, mode adoptée princip
a l e m e n t par les hommes, quoique cela leur donne l'air de véritables
c a r i c a t u r e s . Les endroits où ils dorment (eu russe, pologs), disposés dans
l ' i n t é r i e u r des yourtes légèrement construites, sont aujoui'd'hui souvent
r e c o u v e r t s de perse; mais, en hiver, ces yoiirtes sont closes au moyen
d e peaux, dont elles sont abondamment garnies, afin de procurer la
c h a l e u r nécessaire il ceux qui y l'oposent sans aucun vêtement.
L ' u s a g e immodéré du thé, du tabac et des spiritueux exerce une inliuence
désastreuse sur la siinté des Lamoutes ; les spiritueux et le tabac
s u r t o u t leur sont très-funestes et ont presque complètement changé les
moeurs primitives.