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1 4 0 P E U P L E S INDO-EÜROPÉENS.
ARMÉNIENS,
Les Arméniens, l'un des plus anciens peuples de l'univers et l'un de
ceux dont In civilisation fut le plus prócoce, sont, de môme que les
j u i f s , répaiidus coinmc mavcliaiuls sur presque toute la surface de l'Asie
occidentale et de l'est de l'Europe. Ils habitent, en masses plus ou moins
compactes, les hauteurs situées entre l'Asie Mineure et Iran; et malgré
de grandes et nombreuses vicissitudes dans leur existence, ils ont
conservé leur nationalité et leur religion avec une opiniâtreté tout orientale.
JMaitresse autrefois de tout le plateau de l'Ararat, du bassin de
l'Araxe et des fertiles vallées de rEu[)liratc et du Tigre, où les traditions
placent le paradis terrestre, la race arménienne perdit de bonne
heure sa force et son importance politique. Dès la plus haute antiquité,
l'Arménie fut le théâtre et le berceau des événéments les plus divers
et les plus graves; elle devint la grande route populaire entre les nations
de l'Asie occidentale et celles de l'Europe. C'est là que combatt
i r e n t Assyriens et Mèdes, Mùdes et Perses, Romains et Tarthes, sounnites
et chiites, Russes et Persans, etc. Soutenus par leur activité presque
exclusivement mercantile, les Arméniens ont cherché i\ soumettre
à lenr autorité, par l'appât des ricliesses, leurs voisins oppresseurs, les
Géorgiens, les Turcs et les Persans; et ils sont parvenus, au moins en
grande partie, à atteindre ce but à force d'habileté, de persévérance,
de ruse et de bon sens. A cet égard, les Arméniens sont les juifs de
rOi'ient. Haïs et méprisés de tous, ils sont cependant indi-spensablcs
il tous.
L ' h i s t o i r e arménienne, un peu mystérieuse et en partie fabriquée par
les Arméniens eux-mêmes, élève sa chronologie jusqu'à Tan 2000 avant
J.-C. Les Arméniens font remonter leur origine à Haïk (Gaîk), l'ixr ri è repetit
fils de Japhet, qui serait venu se fixer en Assyrie après sa révolte
contre Bell : c'est pour cette raison qu'ils se nomment eux-mêmes liai
ou Uaïks. S'il faut en croire l'opinion de leurs savants, ils auraient un
proche degré de parenté avec les Persans. Depuis Aram, sixième successeur
de l laïk, ils se nomment Arméniens et appellent lenr pays Ilaïstan
ou Arménie. Dès les temps anciens, leur vaste territoire s'est divisé en
deux parties principales : la Grande et la Petite Arménie ; l'une à l'est,
l ' a n t r e à l'ouest de TEuphratc.
Les Arméniens habitant ces contrées furent en partie indépendants
et en partie soumis à la domination de leurs voisins les Assyriens, les
Mèdes, les Perses, jusqu'à l'époque des victoires d'Alexandre le Grand,
contre lequel Vaghe, dernier souverain de la maison de llaïk, perdit
la vie dans une bataille. L'Arménie devint dès lors l'enjeu do toutes
sortes de luttes permanentes dans l'Asie occidentale, et ne put jamais
rcconqnéiùr en entier son ancienne indépendance. Les Séleucides ne voulurent
point j'enoncer à la possession de l'Arménie et y établirent des
gouverneurs dont deux, nés Arméniens, se rendirent indépendants (dans
les deux Arménies alors séparées), à la suite de la victoire des Romains
sur Antiochus le Grand (l'an 199 avant J.-C.) En Petite-Arménie, la
nouvelle dynastie se maintint jusqu'à Jllthridate le Gi-and, roi de Pont;
niais son empire s'écroula, et le pays, après une gloi-ieuse résistance et
de longs combats, subit le joug des Romains. La Grande-Arménie n'avait
pas tardé à se soumettre volontairement à Mitliridate l" (Arsace VI)
de Parthie, qui fonda, en plaçant un de ses parents sur le trône, une
dynastie séparée de celle des Ai-sacidcs, laquelle régna presque six siècles,
en Arménie (depuis l'an 149 avant jusqu'à l'an 428 après J.-C.). Dans
cette période d'abord prospère, l'Arménie devint, par suite d'une rivalité
entre Rome et la Parfhie, après la mort de ÎMitliridate le Grand, une
pomme de discorde perpétuelle entre les deux empires. Mais lorsque
Artaxerce, descendant des anciens Arsacides en Parthie, eut fondé la
dynastie des Sassanides dans l'empii'C jierse, la nouvelle dynastie transmit
à ses sujets, avec sa puissance, toute sa haine contre la ligne cadette
des Arsacides d'Arménie, et la força à solliciter la protection de
Rome. Les Perses continuèrent à soutenir vis-à-vis de Rome le rôle des
P a i t h e s ; mais la situation de l'Arménie ne fit qu'empirer par la concentration
à Constantinople du pouvoir de l'empire romain oriental. Théodose
le Grand partagea l'Arménie avec le schah de Perse, vers l'anuée
387 après J.-C. Les Arsacides ne conservèrent que l'ombre de leur puissance
d'autrefois et furent bientôt complètement expulsés.
A dater do la chute des Arsacides, des calamités et des eml^arras de
toute nature vinrent fondre sur l'Arménie : c'est ainsi que commença
la dispersion des Arméniens sur presque toutes les contrés de l'univers.
Au cinquième et au sixième siècle, un grand nombre d'entre eux allèrent
s'établir en Anatolie; an onzième, ils fondèrent de grandes colonies on
Egypte et commencèrent h servir d'intermédiaires pour le commcrco
entre l'Asie et l'Europe. Sous les Mongols, les Arméniens se fixèrent
dans toutes les contrées de l'Europe occidentale soumises à cette domination
asiatique, jusqu'en Galicie, et se répandirent plus tard à Constantinople,
sur les cotes orientales de la iMéditerranée, dans l'intérieur
d ' I r a n , et do là vers les Indes jusqu'à Madras et Calcutta. En Europe,
ils s'étendirent à l'ouest jusqu'à Venise et Vienne, au nord, jusqu'à Moscou,
et phis tard jusqu'à St-Pétershourg.
De l'an 428 à l'an 632, l'Arménie fut en grande partie administrée
par des gonverneurs (martspanes) nommés par les schahs de Perse de la
maison des Sassanides, qui exercèrent moralement et politiquement nno
si pernicieuse influence sur les Arméniens. Cet état de choses subsista
jusqu'à la chute des Sassanides vaincus par les kalifes et tombés sous
le pouvoir des mahométaus. L'Arménie dut son salut à lempcreur Iléraclius,
auquel elle se soumit volontairement et qui lui donna successivement
plusieurs gouvci'ueurs pour la plupart indigènes, portant le titre
de kouropalate. Mais les kalifes l'emportèrent bientôt sur les empereurs
grecs et instituèrent en Arménie leurs propres lieutenants (ostipaks), de
693 à 859. Des troubles intérieurs déchiraient continuellement le pays;
ils étaient suscités en grande partie par la paissante famille des Bagratides,
que l'on croit d'origine juive, dont l'un des. membres se rendit
indépendant en l'année 859 et reçut en 885, du kalifc Mahomet, le titre
de tsar. C'est ainsi qu'il se forma en Ai'ménie trois dynasties de princes
indigènes qui entretinrent dans le pays d'interminables divisions et rendirent,
jusqu'en 1080, la domination des Bagratides funeste à leur patrie.
Ce résultat fut naturellement la ruine de l'Arménie, dont les différentes
conti'ées ne tardèrent point à succomber les unes après les autres.
Au commencement dn douzième siècle, les Turcs-Seldschonkides conquirent
la Gi'andc-Arménic, que les Grecs étaient impuissants à protéger,
tandis que, d'un autre côté, les Géorgiens, sous la conduite de leur tsar
David II, lui prêtèrent, en 1124, un appui efficace que le succès vint
couronner. Une grande partie de l'Arménie passa alternativement dans
les mains géoi-giennes et turques, jusqu'à ce qu'enfin les Mongols, dans
le cours de leurs expéditions pendant les années 1232 à 1239, soumirent
aussi l'Arménie et la dévastèrent. C'est à partir de cette époque
qu'elle perdit définitivement et pour toujours son indépendance politique,
et on la vit plus tard tomber au pouvoir de la Perse et de la Turqme.
Enfin, en 1828, elle fut en partie conquise par la Russie.
Après la décadcncc des 13agratidcs (1080), une partie des Arméniens
continua à mener en Cilicio une existence politiquement indépendante
j u s q u ' a u moment oti cet Etat, qui était allié aux croisés, eût été luimôme
entièrement subjugué par les Mamelouks en 1375. Le dernier roi
de Cilicie, Léon VI, mourut à Paris en 1393.
Arrêtons-nous un instant sur le séjour des Arméniens en Cilicie; car
par lenr contact avec Constantinople et leurs relations politiques avec
l'Occident, ils pai-aisseiit quelque tcmi)S avec intérêt dans les annales
liistoriques. Le savant Langlois a fait tout récemment de cette appai'ition
le sujet de curieuses recherches dont nous dirons ici qnel(|uos mots,
Les contrées ti'aversées par la chaîne du Taurus, et paiticulièrcmeiit
la Cilicio, offrent ce phénomène remarquable qu'à tontes les époques dû
l'histoire elles ont été le point de jonction des deux éléments asiati(|iic
et européen. La Cilicie ayant été le pays oii la raco persane s'était
rencontrée avec les colons venus de la Grèce, et où plus tard devait
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