
1)8 PEUPLES' OÏÏRALO-ALTAÏQÛES.
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tout loistjii'ils sont en coiilact ¡jlus intime avec les Kusses. Cependant ils
tionnciit il ce culte, et co n'est (iiie trcs-di(liciloinciit qn'oii peut les
(icciiler il recevoir le baptónic. Leurs óglises ou khourouloiis ne sont que
de' simples Icibitkas entretenues plus proprement que celles qui leur
servent d'halntation, mais bcaiiconp plus grandes. Devant elles s'agite,
élevée sni' trois porches, nne bannière nommée darzéki, ornée d'inscriptions
mongoles. Les pròtres ou glielongs portent des vétcjnents de soie
jaune, et souvent nne es])èce do baudrier rejetce sur l'épaule droite ; pour
les cérémonies de leur culte, il.s sont a.ssistés d'adjoints. Sur des socles
peu élevés sont placées quantité d'idoles (barklianes), plusieurs petites
i\ssict,tcs remplies de froment, et beaucoup d'autres objets sacrés.
11 semblerait, au pi-omier abord, que les tribus et leurs subdivisions
errent au hasard, tantôt ici, tantôt li\, et qu'elles vont oii bon leur
semble; il n'en est rien; on observe rigoureusement, au contraire, une
ligne régiiliòre [jour occupei' successivement les pâturages, de telle sorte
( que le plus grand ordre rógne sous cette apparente confusion. En liiver,
les Kalmonks restent presque toujours stationnaires (de même que tous
les peuples nomades do la Russie) ; ils dressent leurs kibitkas et les
abritent doi-hère une enceinte, autant pour leur sécurité personnelle que
])our ga)-autir le bétail contre les borirrasques. Pendant la nuit, le bétail
reste dans cette clôture et se nourrit de foin; le joui' on le mène paiti-e
dans le voisinage ; les chevaux seuls restent jour et nuit au pâturage,
!\ une distance plus on moins grande. Lorsqu'il y a abondance de fourrage
et (|u'on n'a pas k craindre de verglas, on voyage aussi en hiver.
L e déparr général de la tribu ]iour chercher de nouveaux pâturages
s'opère an preniier l'éveil du printemps; on charge alors tout le ménage
sur des chameaux ou des boeufs, et l'on pi'end le chemin désigné d'avance
par une anciemie habitude. Après avoir fait quelques verstes, les familles
nomades s'établissent par groupes séparés l'endroit qu'elles ont choisi,
e t chîissent devant elles au piitui'age les moutons, les boeufs, les chevaux,
etc. Après avoir préalablement'Jiettoyé les puit« qui se trouvent
toujours dans ces canipcmeuts, les femmes dressent les kibitkas, qui sont
plus coniques cliez les Kalmonks que chez les Tatars ; elles les appro- '
prient complètement, font cuire les. aliments, ti'aient les vaches, etc.;
en un mot, la véritable existence nomade commence dans toute l'accci)-
tion du mot, acconi])agnée de ses joies et de ses misères, et réveille
dans l'âme le sentiment d'une vie nouvelle. Un camp semblable, un aonl,
comme diseiit les Tatars (en kalmouk, khotone), se transporte à quelques
verstes plus loin lorsque Therbe a été broutée, et ainsi de suite jusqu'il
la fin de l'été. Peudaut ce temps, les aouls ont atteint les dernières
limites de la i-onte parcourue par eux chaque année. Au commencement
de septembre ils retournent soit par le môme chemin, soit par une nouvelle
l'oute, en décrivant une courbe, dans leurs quartiers d'hiver, où'ils
arrivent vers la fin do l'automne, ti'ansportant aussi leurs approvisionnements
de fourrages, amassés dès le printemps sur le terrain des pâturages.
Dans les différentes directions parcourues par elles, les tribus et
peuplades isolées se croisent fréquemment; mais il n'arrive jamais qu'un
aoul ou oulouss vienne s'établir sur l'emplacement réservé par un autre ;
un usage immémorial et sacré ayant marqué chaque pâturage comme
propriété d'une tribu ou d'une de ses subdivisions. Non-seulement toutes
les contrées des steppes sont exactement partagées entre les oulouss,
mais la ménre opération se répète entre les diverses fractions de cet
oulouss et les familles qui ie composent. Quiconque connaît exactement
la vie et les moeurs des nomades, ainsi ([ue leurs lieux de pâturage,
peut presque toujours indiquer le séjour momentané d'un oulouss ainsi
que de ses subdivisions.
PEUPLES TOÜNGOUSES
L a plus grande partie de.s vastes provinces de la Sibérie orientale
est habitée par des peuples que nous nommons Toungouses (Toungouhsses).
Dans des temps déji\ reculés, ils se sont séparés des Mongols
(peuple de l'Asie centi-ale, qui n'a reçu que plus tai'd cette dénomination);
depuis, ils n'ont presque point changé de i-ésidence, et leurs habitations
s'étendent encore aujourd'hui à l'est jusqu'à la mer. Comme
l'époque de cette séparation remonte fort liant dans l'histoire et que
le caractère national des Toungouses diffère essentiellement de celui des
Mongols, on peut regarder les premiers corame un peuple tout à fait
à part,
Piy-mi les diverses tribus toungouses de l'empire russe, celle des Daours
ou Daouj'iens, qui habite sui- l'Amour central, se distingue par son développement
intellectuel et sa manière de vivre, dus à- l'influence des
Mongols d'abord, des Chinois ensuite, et surtout parce que c'est la seule
tribu loungouse qui soit complètement sédentaire.
A la suite des guerres des Mongols contre la Chine, pendant lesquelles
la Daourie ne fut pas épargnée, les Toungouses (qui habitaient les
régions voisines du fleuve Amour et s'étendaient jusqu'à la Corée et à
la Chine du nord-est) se répandirent peu à peu, s'il faut en croire la
t r a d i t i o n , et en diflcrents groupes, durant les douzième et treizième
siècles, dans la Sibérie oric-ntale, eu suivant la direction du nord-ouest.
Au dix-septième siècle^ les Daours s'avancèrent des contrées supérieures
de l'Amour ju.squ'aux régions moyennes arrosées par ce fleuve, abandonnant
ainsi leurs habitations antérieuues à d'autres tribus toungouses.
Quoique les Toungouses aient généralement entre eux une grande
ressemblance, ils n'en foj-ment pas moins des groupes distincts selon les
contrées qu'ils habitent, leurs moeurs et les traits caractéi'istiques qui
en résultent. Ces différences tiennent aussi à l'influence exercée ])ar
leurs voisins, soit Bouriates ou Yakoutes, soit Chinois ou Russes. Ces
groupes représentent, comme on le remarque dans toute la Sibérie, des
tribus agricoles, nomades ou chasseurs. Afin d'offrir une appréciation plus
juste, nous ne considérerons pas les Toungouses au point de vue exclusif
de ces trois catégories ; car, premièrement, à l'exception des Daours,
bien peu parmi eux s'occupent d'agriculture; secondement, les Toungouses
nomades ou pasteurs des contrées de l'est et du sud (Lamoutes
et Orotchones) offrent déjà eux-mêmes des différences marquées; et
enfin les Toungouses chasseurs de l'Yénisséi sont les seuls qui aient
conservé le type primitif. Quant aux Toungouses dn gouvernement d'frkoutsk
et de la Transba'ilcalie, ils n'ont pu se soustraire à l'influence
dos Yakoutes et des J3ouriates. Sur les ciftes de la mer d'Okhotsk (habitées
par les Lamoutes) aussi bien que dans les contrées de l'Amour
inférieur (où résident les Namki? du'mot nam, c'est-à-dire mer), et
même encore le long des petites rivières, il y a des Toungouses sédentaires
qui s'occupent principalement de pèche et qui no sont vr;uscmblabloment
que des Toungouses nomades devenus ])auvres.
P a r t a n t de ces données, nous divisei'ons les Toungouses, d'après les
p a r t i c u l a r i t é s qui les caractérisent et les contrées qu'ils habitent, en
deux groupes principaux, savoir:
r Toungouses errants, Toungouses nomades et Toungouses sédentaires
(pécheurs), qui se subdivisent comme i! suit :
Toungouses du gouvei'nement d'Ycnisséisk, qui ont conservé
en généi'al le type national et représentent le mieux celui
dos Toungouses errants ou Toungouses des bois;
Toungouses des contrées du lac Ba'ikal, dans le gouvernement
d'Irkoutsk, lussemblant beaucoup aux précédents; ^
Tonngouses de la province (oblast) d'Iakoutsk , qui, errants
P E U P L E S ODRALO-ALTAÏQUES. ( i 9
poui- la ])lupart, ont adopté, sons beaucoup de l'apports,
les moeurs des Yakoutes, tandis que le petit nombre de
ceux d'entre eux qui sont devenus sédentaires se rapprochent
des Russes ;
Toungouses de la mer d'Okhotsk, ou Lamoutes, qui sont en
p a r t i e nomades, en partie sédentaii-es (pécheurs et agriculteurs)
;
Toungouses de Nertchinsk, qui se livrent spécialement à l'élève
du bétail;
Toungouses de l'Amour supérieur (nomades et pécheurs);
Toungouses pécheurs sur l'Amour inférieur (Namki?);
Toungouses dn nord et du sud de l'Amour inférieur (mélangés
de Mandchoux.et do Chinois);
2" Daours on Daonrions, sur l'Amour moyen, s'occupant d'agriculture
e t de l'élève du bétail. Ces Daours s'écartent beaucoup du type
général des Toungouses.
Les peuplades toungouses occupent la plus grande partie de la vaste
contrée de la Sibérie orientale et s'étendent, an noi'd, presque jusqu'à
l a m e r Glaciale; à l'est, jusqu'aux Tchouktcliis, aux Koriaks et à la mer
d'Okhotsk; au sud, jusqu'à la presqu'île do Corée, aux contrées de
l'Amour et aux régions du lac Baïlcal ; à l'ouest, jusqu'à l'Yénisséi et
même jusqu'au Ket, car on rencontre encore des tribus toungouses auprès
dn port de Makov. Dans ces contrées tour à tour montagneuses
e t marécageuses, riches en cours d'eau, couvertes de forêts vierges
presque impénétrables et dans lesquelles la longueur et la rigueur des
hivers augmentent encore l'inhospitalité d'un climat généralement trèsrude,
le peuple toungouse, vivant épars et par petits grouiws séparés,
olfre une population d'environ 70,000 âmes. Ceux qui habitent la province
d'Yakoutsk errent dans l'intérieur, pays montagneux et boisé,
^entre les pâturages des Yakoutes.
L e nom de Toungouse (Toungouhsse) n'appartient ni à la langue russe
ni à celle du pays; car, à proprement dire, les Toungouses n'ont pas de
nom pour se désigner eux-mêmes. Quelques étymologistcs font dériver
toungouse du mot tatar tongouse, qui signifie pourceau, et qui paraît
r a i t indiquer la malpropreté ou plutôt le rude genre de vie do ce
peuple ; mais tontes les tribus talares du gouvernement d'Yénisséisk
nomment le pourceau tjotchka. Les Kozaks du Ket, qui les premiers
ont rencontré des Toungouses et leur ont donné ce nom, ne connaissaient
précédemment d'autres Tatars que ceux de Tobolsk et de la Bar
a b a , qui ne furent jamais voisins des Toungouses. Les Russes nommaient
d'ailleurs autrefois tous les peuples de l'Asie Toungouses. S'il
faut s'en rapporter au témoignage des historiens chinois, il paraîtrait
que, dans des temps très-reculés, les peuplades du nord-est do la Chine
étaient déjà comuies sous le nom collectif de Toung-hou ou de Toungkhon,
mot qui ne signifie autre chose que barbares du nord-est: car
toung veut dire est, et lions barbares du nord. Cotte origine peut donc
avec plus de probabilité s'appliquer au mot toungouse. D'autre le font
déi'iver do tong-ksé (c'est ainsi que les Arines do l'Yénisséi sujjérieur
nomment les Toungouses, c'cvst-à-dii'e hommes dos trois tribus) on do
tounghor (lac), ou enfin du mot tatar tenghiss (mer), parce que quolques
uns ont pris les Toungouses jmur des Mongols qu'on nommait autrefois
Mongols de Ja mer. Les Toungouses eux-mêmes ont adopté diverses
appellations qu'ils s'appliiinent selon les diilerentes tribus, telles
qn'Kvenki, Ovenki, Yévo'isny, Kamnégany, etc. Les tribus do l'est, sur
la mer d'Okhotsk, portent le nom île Lamoutes; mais les Toungouses
pastenr.s des contrées du sud et do l'Amour sont désignés en général
sous celui d'Orotchones ; car eux-mêmes s'appellent Orotcha, Orotchones,
ce f|ui vont dii'O pasteurs de l'oimos (oron signifie renne). Les Koriaks
dimnent aux Toungouses pasteurs le nom de Khoïamka, dn mot
khoïa (renne), et les Mandchoux (Mnndjoux) dn sud les nomment Solones
(chasseurs). Les Mongols appellent aussi les Toungouses Orotchones ou
Orontchoiios, T-es tribus toungouses do l'Amaur qui s'occupent de l'agricniture
et do l'élève dn bétail sont nommées Daours par les 'Oouriates.
Jios Toungouses sont les plus nombreux do tous les jieuples nomades
do la Sibérie, quoique leur population soit relativement très-faible ou
égard aux vastes espaces qu'ils paixourent. Les Russes connurent les
Toungouses au commencement dn dix-septième siècle. Lors do la complète
soumission des Ostiaks du côté gauche de l'Yénisséi, les Kozaks
du Ket rencontrèrent pour la première foi.s les Toungouses habitanl le
long de l'Angara (Toungouska) d'où ils les chiissèrent; puis, s'avan(;ant
de Mangazéa vers le nord jusqu'à la rive droite de l'Yénisséi, ils imposèrent
un tribut (yassak) à dix-huit peuplades toungouses cani|)ées
sur la Toungouska inférieure, tribut que ])ayèrent bientôt après tous les
autres Toungouses du gouvernement d'Yénisséisk, Les Toungouses du
gouvei'nement d'h'koutsk, des provinces d'Yakoutsk et de la Transbaïkalie,
avec leurs voisins les Bouriates et les Yakoutes, sont devenus
s u j e t s russes dans le courant dn dix-septième siècle.
Les 'J'oungonses vivent en général dans les bois et sont considérés
comme peuple chasseur par excellence. Leurs tribus restées |iures de
tout mélange avec d'autres nations ajjpartiennent aux peuples |)riniitil's
les plus intéressants et oifront encore aujourd'hui à un e.-^jn-it obsei'vateur
un aussi vaste champ d'observation qu'à l'époque où les Russes
entrèrent en relation avec eux.
L e Toungouse naît, vit et meurt dans les bois, qu'il ne quitte jamais.
T/a plupart des Toungouses pêcheurs et ceux qui s'occupent de l'élève
du bétail liabitent dans des yourtes de bouleau semblables à celles
des Tonngouses des bois et ont aussi peu de besoin.'; que ceux-ci. Le
Toungouse des bois passe toute sa vie à ei'rer d'un endroit dans
un autre. S'il est célibataire, il va à la chasse, ai'uié de sa carabine
ou de son arc, suivant insoucieusemont sa fantaisie pendant des jours
e n t i e r s , sans prendre de nourriture et guidant ses pas sur la direction
des étoiles. S'il est marié, son existence n'a plus d'antre but que l'ent
r e t i en de sa famille, qui part avec lui; quelques rennes portant son
modeste avoir, qui le plus souvent ne consiste que dans la possession
d'armes et d'ustensiles de chasse et de jiêclie. Nous earactériserons
plus spécialement les ti-ibus qui diffèrent plus ou moins de ce ty[je
primordial quand nous nous occuperons séparément de chacuno d'elles.
I;a physionomie du Toungouse respire en général ia douceur et la
b o n t é ; ses yeux i-oflètent une âme pure et simple, étrangère à ia fausseté
et à la ruse. Paisible et sincère, il est esseutiollemont hospitalier
e t sacrifie à son hôte tout ce qu'il possède, sans souci du lendemain,
T/amour de la liberté et de l'indépendance est chez lui le sentiment le
plus vivace : aussi la nécessité la plus urgente peut-elle seule le décider
à se soumettre volontairement à un travail quelconque.
L a religion chrétienne n'a fait que bien peu do progrès parmi les
Toungouses, et ils sont encore aujourd'hui plus fidèles an chamanisme
que tous les autres peuples de la Sibérie. Leurs prêtres, qui jouissent
d'une grande autorité, se donnent une apparence hideuse et farouche
imur faire l'évocation des esprits. Le chamanisme, répandu encore
maintenant dans presque tout le nord do l'Asie et le nord-ouest de
l'Amérique, est une forme dégénérée de la religion primitive de l'Asie
centrale, forme qui s'est conservée presque intacte chez les Toungouses,
tandis que leurs voisins les Mongols professent le lamaïsme et la race
turque le mahométisme. Cette l'cligion primitive enseignait à adorer la
toute-puissance et la suprême sagesse de Dieu et à glorifier les hommes
célèbres, élevés par l'apothéose au rang de divinités de second ordre.
Mais bientôt parurent des charlatans qui se diront inspirés et chargés
d'annoncer la volonté de ces êtres supérieurs avec le concours desquels
ils prétendaient prédire l'avenir. Do là vient l'origine do ces exorcistes
hommes et femmes qui, au bruit dos timbales et du tambourin, et à
l'aide de contorsions, do sauts convulsifs, de cris aigus, souvent même
de blessures qu'ils se font eux-mêmes, arrivent â un état poui- ainsi
dire extatique uni à une grande exaltation morale. C'est pondant cette
crise qu'ils prétendent jouir de la faculté de se mettre on rajjport direct
avec les esprits ou avec les dieux.
L'étude approfondie des principaux dialectes toungouses de la Sibérie
orientale a démontré que, malgré leur affinité avec la langue mandchoue,
il existe souvent de notables dissidences grammaticales.
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