
P E U P L E S DE L'AîlÉUIQl.'H RUSSE. i 3
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siip|)Oi'tci- toute es[ike do latig'ues, et iiiissi lo chiffre restreint do leur
l)opulation ; car on comjirciul que les cul'aiits doués d'une constitution par-
• ticuliircuiont robuste, peuvent seuls résister aux nules épreuves il'mie
pareille éducation physique.
Lorsque chez uno jeune vierge paraissent pour la première fois les
symptômes de la puberté, on l'enferme dans uii hangar obscnr. où on
lui laisse à ])einc assez de place pour se mouvoii-. Pendant ce temps elle
est considérée comme impure, il tel point qu'on suppose que ses regards
poni'raicnt souiller le ciel; et pour empêcher que cela n'ai-rive, on la
coiffe d'uu chapeau ¡i larges bords, afin qu'elle ne puisse pas lever les
yeux vers le ciel. La mère et une esclave ont alors seules' le droit de
lui porter des aliments; on n'a, du reste, aucun égard anx autres nécessités
ni au bien-être de son existence. Cette sitiuition dure uiie amico
entière, et c'est depuis peu seulement que dans quelques localités ce
temps a été limité d'abord îi. six, puis à trois mois. C'est k cette crnelle
conti-aiiitc que l'on doit sans doute attribuer la démarche incei'taine dos
femmes koloches, qui sont souvent courbées et même boiteuses, ce qui
forme un singulier contraste avec la tenue droite et un peu hautaine
des îicmmes. Lorsque le terme de la captivité do la jeune vierge est
expiró, ses parents, s'ils sont riches, donnent une grande fôte où leur
fille, revêtue d'un habillement neuf, est présentée aux convives réunis,
qui sont traités avec le plus d^ largesse possible. L'esclave qui l'a servie
est alors atfranchie, et les habits qu'a portés la jeune captive pondant
sa réclusion uiomentance sout anéantis.
Les Koîoches íirñlcnt los cadavres de leuis moi'ts sur un bûcher; mais
ceux des chamano.s sont inliumés dans.do gi-ands sarcophages qui repo-
- sent sur i|natre pieux. Les corps morts des esclaves sont simplement
jetés à la mer. A la moit d'un Koloche notable et riche, de grandes
fêtes sont célébrées sur le lien même ou est di-essé le bùclier, et à cette
occasion tous les convives doivent être d'une tribu étrangère, c'est-à-dire
de celle à laquelle apjiartient la veuvo. La somptuosité du festin offre
alors un contraste choquant avec l'explosion de la douleur des assistants,
• leurs sanglots, les tortures qu'ils s'imposent et les blessures Qu'ils se
font volontairement. Los parents rasent leurs cheveux ou les brûlent;
ils se frottent le visage do .suie, et se placent au centro du kajini, où
ils entonnent un chant funéraire en l'honneur du défunt. Lorsqu'il s'agit
d'nn personnage trés-considêré, ou égorge un ou deux esclaves pour le
servir dans l'autre xic. Los gémissements durent pondant trois jours après
celui de la combustion ; ce délai passé, ceux qui ont pris part il la cérémonie
se lavent le'visage, le peignent de vives couleurs, et un repas
d'adienx termine la solennité.
En général, toutes les fêtes no consistent qu'en chants, dauses, festins
et cadeaux. Chaque fóto a ses chansons appropriées à la circonstance.
La danse est une action vive^ et passionnée qui correspond au sens du
chant et ii la signification de la fôte. La plus grande solennité des Koloches
est celle qu'ils célèbrent en l'honneur de leurs parents moits. Ils
la nomment l'élévatinu du défunt, parce qu'il cotte occasion on lui élève
uu moiinmeut. De telles fêtes sont du reste fort rares, parce qu'elles
sont excessivement coûteuses, et que l'hôte, par pure va'nité ou par orgueil
de famille, y dépense souvent en cadeaux toute sa foitune et jusqu'il
la dot do sa femme. On place encore au nombre des gi-andes solennités,
très-rares aussi, le jour du percement des oreilles des enfants.
Dans chaque race et dans chaque tribu, les familles des Koloches se
divisent en doux castes ou degrés hiérarchiques qui établissent entre
les chefs (la noblesse) et le pcu])le une ligne tranchée de démarcation.
La noblesse est héréditaire dans les familles r mais cepoudaut la considération
est uniquement basée sur richc.sse, cjest-ii-dire sur le nombre '
d'esclaves que l'on entretient; ceux-ci foi-iuent, en quoique sorte, une
troisiinie caste, infime et liéréditaire, car les eufants des esclavos sont
et restent esclaves h perpétuité. Les esclaves des Koloches ont une triple
origine: ils ont été pris i\ la guerre, ou achetés d'autres ti-ibus-, ou sont
nés de parents esclaves. Quoique les guerres soient devenues beaucoup
moins fréquentes, le nombre des esclaves n"a ])ourtant ])as diminué, parce
qu'on s'en procure, au moyen d'échanges, chez les Koloches non russes,
L'esclave no jouit d'aucun droit civil; il ne peut ])as se marier et
ne ])ossède rien. Mais un esclave affranchi- a les mômes droits qu'un
Koloche ordinaire et fait partie do la ti'ibu ¡Y laquelle a|}]uirtenait sa mère.
Si le nombre dos Koloches ne diminuait pas d'une manière évidente, ils
iiniraient vraisomblablomcnt par devenir, dans uu temps donné, la nation
prépondérante parmi les peuples riverains de l'Amérique soptontiiiiniilc;
leurs facultés, jadis a'ssoupios, ayant pris dans ces derniers tomjis un
développement i-emarqnahie, [ls ne possèdent pas. à la vérité, tontes les
bonnes qualités des Aléoutes; mais ils leur sont rio beaucoup su|un-iours
])ar leur sagacité naturelle et leur bon sens pratique, encore bien que la
civilisation, qui les a un peu dégrossis, ait pénétré chez eux boaucoiip
plus tard que "choz lours voisins du noi'd-onest. Nous avons |iiii-l(~ |ii-ét'édommont
de l'activité, de l'énergie et de la tinosse que les hommes dèli
loiont dans les relations mercantiles, qualités si opposées h l'indolence
habitiiolle qu'on i-omarquo dans leur, vie journalière et qui n'est c|ue le
l'ésultat do leur orgueil. Quant leurs riuillieureuses femmes, elles foni
])i'euve, faut dans le ménage que dans do petits trafics, d'une activité
extraoï'dinaire : et, au milieu de leurs fréquentes relations avec les Russes,
eile-i montrent plus de qualités que de défauts, si on les com))are aux
femmes créoles et aléoutes. Elles prennent plus de soin do leurs enfants
que les créoles; elles sont laborieuses, bontu's ménagères, et dévouées et
iidèlos à leurs maris qu'elles aiment. Cotte singidière activité dos femmes
koloches apparaît môme encore chez les femmes créoles issues du
mariage des indigènes avec les Russes. Bien éloignés ih? rinsouciance
des Aléoutes, les Koloches sout économes, ils accumulent de grandes provisions
ot aiment fi amasser des richesses, lors môme qu'elles no peuvent
leur être d'aucune utilité. Très-endurcis à la fatigue, et presque inscn.=!ibles
!\ la douleur pliysique, ils ue peuvent .souffrir aucune offense morale et
sont vindicatifs au ¡ilus liant degré: si l'agresseur leur échii])pe par la
mort, ils reportent leur haine siir ses enfants. Il faut pourtant convenir
que les Koloches ne sont pins aujourd'hui aussi farouches ui au.ssi barbares
qu'on les-dépeignait autrefois, et leurs défauts no sont, on résumé,
que ceux do tous les ¡)ou]iles sauvages. Le Koloche n'est point avide de
sang; mais il exige coil pour oeil, dent pour dent. Les saci-ifices d'esclaves,
rares parce qu'ils sont ti-ès-dispondieux, n'ont lieu que pour obéir
à quelque superstition religieuse ot pour prouver l'amoui- qn'mi porte à
SOS parents. On no saurait dénier aux Koloches le courage porté jusqu'il
la témérité: mais ils ne font cependant preuve do ces qualités qu'à pi'0])os
de dangei-s do médiocre importance, uotammont dans dos attaques subites,
et presque toujours dans la perspective d'une récompense immortelle et
l'espoir de devenir une divinité de premici' ordi'o, nommée Yok, On doit
reconnaître aussi leur hospitalité et signaler, d'un autre coté, rextrêine
vanité que révèlent principalement la gravité de leur maintien, leurs
habillements bigarrés et la susceptibilité de leur caractèrfc, si on a le
malheur de blesser leur amour-propre ou leur orgueil. Tout cluUiment
' corporel étant considéré par les Kolochos comme la dernière dos ignominies,
on en fait rarement usage, et seulement dans le cas oii un garçon
j'ofuso de se baigner dans l'eau glacée de la mer. Selon leurs idées, le
vol n'est pas un grand crime, mais plutôt une témérité. Un larron pris
sur le fait n'est tenu ù. d'autre obligation qu'il celle de' l'estituer ce qu'il
a volé ou d'en offrir la valeur. Les guerres des Koloclies, qui sont, comme
on Ta déjà dit. de plus eu plus rares, ont pour objet soit des hostilités
de peuple il peuple, soit des querelles privés. Les iircmières no consistent
réellement qu'on attaques rapides et inattendues où ils exercent
toutes sortes de ci'uautés. ï:(|uipé en guerre, le Koloche se peiiit le vi.sage
eu l'oiigo, se saupoudre les cheveux do poussièi'e rouge et les oi'Ao de
duvet d'aigle, en signe d'hostilité. Les querelles privées entre familles se
terminent d'ordinaire par un duel. Les deux cbamjiions choisis ne combattent
qu'avec le poignard, et au bruit de chansons accompagnées
de danses. Les otages échangés à la conclusion do la paix sont obligés
il ne manger ])endant ])lusicurs jours qu'avec la main gaucho.
Autrefois les Kolochos nuinifostaient une aversion décidée pour le
christianisme et le régime i-usse;" cependant^ en 1835. la petite vérole
ayant emporté la moitié de la population indigène, sans atteindre un seul
Russe, cette circonstance semble avoir beaucoup modifié leui'S idées sur
ce point. Un dos pi'iucipaux t)bstacjes à leur complète conversion pi-oviont
toujours des anciens de chaque tribu, et surtout des chamanes, bien que
leur confiance en ceux-ci, naguère si absolue, commence à diminuer
d'une manière sensible. Au moins peut-on remarquer que les Koluches
non baptisés no ressentent aucune haine contre leurs frères clii-étions :
qu'ils respectent la religion russe et ses usages, ot sont même ti-ès-disl)
0sés !i on entendre parler. Et cependant ils se décident difficilement
à adopter la foi chrétienne.
Dans le dogme religieux do=! Koiochos, ]ihl est considéré comme créateur