
P E U P L E S DU CAUCASE. 21
Lcsgliis sont liospitalicrs, mais à leur îiiaiiièrc : ils tiennent l'iiospifalité
pour sacróc l'égard des Russes aussi bien qu'à l'égard de leurs cniuiinis;
mais ils ospòrcu), l'ccevoir des cadeaux de iciirs Iiòtes, et avec un peu
d'argent on obtient d'eux tout ce qu'on veut.
Les vieillards et les pi'òfres sont fort considé]-cs dans ce pays. S'il faut
Cl) ci'oire les apparences, le Lesglii doit ótre fort dévot; car il accomplit
les eérémonies prescrites et frequente les mosquées; mais il transgresse
de bien des manières le Koi'an, surtout en s'adoniiant à l'ivi'ognei'ie,
que Mahomet défend si expressément. Les Lesghis sont fort intéressés;
ils ne reculent devant aucun danger pour conqnéi-ir quelque butin dont
ils ne savent cependant faire aucun emploi.
Le temps est ce qui coiÎtc le moins au Lesglii ; il redicrcbe un repos
apalliiquc sous la voûte dn ciel, ])rès des mosquées, au bazar, et aime
pnssionnunicnt à i'umer, quoique ce plaisir lui soit intci-dit. Une inci'oyable
curiosité accompagne sa fainéantise, et s'il reçoit qiieltjues nouvelles
agréables, elles se pi'opagcnt avec une inconcevable pionijititudc, ce qui
est, au sui'plns, général en Orient.
L'Il abitini e de l'oppression presque universellement répandue cliez les
Lcsgliis, et lonr extrême pencbant ii la paresse, rendent la situation des
fciiiines excessivement inalheurcnse. Si leur ¡losition est en général triste
ilaiis l'Orient, celle des femmes lesglues est particulirrenicnt iusiiiiportalile.
L'homme considère la femme comme une bête de somme qu'il
traile souvent plus durement que son cbeval, et qni, acquise par lui
pour uu prix convenu, lui doit en compensation les plus rudes travaux
dans la maison ou nu dehors : c'est elle qui, avec l'âne, porte le blé de
la moisson an logis; elle doit faire les foins et les transporter dans les
greniers, soigner les chevaux, faire le pain, tisseï' les étoiles destinées
aux habits, préparer le fumier pour la terre ou on faire un combustible
pour le cliaufTage. Habituées dès l'cnfance à ce service d'csclavc, les
pauvres femmes ne peuvent s'en acquitter qu'aux dépens de leur pliysiqiio,
qui on soullrc beaucoup : elles dovicnncnt ])rématurément vieilles
et laides, et alors elles sont encore pins méprisées. Au Daghestan, il est
bien rare que l'on rencontre une jolie femme ; elles sont presque toutes
petites et courbées. T-cs femmes des beks (princes) offrent seules un
ccilain caractère de beauté. I,a bigamie est j'are, parce qu'elle est assez
dispendieuse; car il faut acheter la seconde femme comme la première.
Un kliau peut épouser la fille d'un belc ; un bek, celle d'un ousdèn
(homme libre); mais alors les enfants perdent les titi'es dn père et le
droit ordinaire h l'iiéritage. Les divorces sont faciles et très-simples.
Après trois mois, la femme peut se remarier. Souvent les unions sont
décidées dès l'enfanee par les parents. L'oubli de la chasteté est rare,
mais les femmes seules portent la responsabilité de leur faute; elles sont,
ou pareil cas, battues et répudiées.
Les personnes opulentes célèbrent les funérailles avec de grandes solennités,
Le cadavre n'est point placé dans un cercueil; il est déposé
(lirectcinent dans un tombeau muré et recouvert d'une pierre tunuilaire
Le souvenir des morts est tenu en grand honneur.
Le Lesghi ne prend que peu de somineil et il est d'une incroyable
sobriété sous le l'apiiort de la nouri'iture; un morceau de tchourek (sorte
de pain lourd difficile il digérer) couvert de graisse de mouton lui sullifc
pour tout le jour; malgré cette alimenlation peu snbslantielle, il e.st fort
et endurci à tous les labeurs. Mal nourri, mal vêtu, les pieds nus, il
ne connaît ni la fatigue ni les maladies.
Son habillement consiste en un surtout de drap imligène, un vêlement
de dessous (bechmète), une chemise de nankin, uu pantalon et un bonnet
f o u r r é de forme conique, La bourka (pai'dessus en poil de chèvre) ne
q u i t t e jamais le Lesghi ; en campagne, elle lui tient lieu de tout et sert
il toute sorte d'usages. En hiver, le Lesghi porte au logis une pelisse
en peau de mouton. Ses armes consistent en une carabine l'ayée, un ou
doux pistolets, un long poignard et un sabre; ces armes constiluent en
même temps un article de luxe, car, autant que possible, elles sont
oi'nées de riches garnitures en argent.
Malgré la malproi)rcté de leurs vêtements, les Lesghis tiennent leurs
maisons (sakli) avec beaucoup de propreté, ils les enduisent de terre
glaise et les peignent soigneusement en blanc. I,es maisons, belles et
conrortables, sont il deux étages et bâties en pierre; elles sont ])onrvues
d'un balcon couvert et d'un toit plat en terre; au rez-de-chaussée sont
logés les chevaux et antres animaux domestiques; l'étage supéi'ieur sert
d'habitation pour la famille. Quelques sakli ont des murailles avec des
meurtrières et l'cssemblent à des châteaux forts. Les aoiils sont situés
pour la plii|)art dans des gorges, sur des tei'rasses de rochers, sur des
])entcs escarpées ou au bord de précipices, ce qui donne de grandes
facilités pour la défense efficace des sakli.
L'économie rurale est très-peu développée chez les Lesghis, parce que
le ici'rain cultivable est rare. Le sol, peu fertile, est presque partout
sablonneux et calcaire. Les champs, les pâturages et les jardins n'existent
guèj'C que sur d'étroites tcri'asses pour la plupart artificielles et
recouvertes de terre. Tout le terrain oti quelque végétation peut se produire
est cultivé. Le bétail même est habitué ii une très-chétive nourr
i t u r e qu'il se procure avec peine entre les rochers et les pierres. Toute
la richesse ne consiste réellement qu'en moutons, et princij)alcment dans
les parties du ])ays uù se rencontrent de bons pâturages, par exemjile
dans le Daghestan oriental. Les bêtes à cornes sont petites; les chevaux
sont aussi de petite taille, mais iiatients, infatigables et très-sobres.
Les Lesghis dépassent de beaucoup leurs voisins les Tchétchentses sous
le rapport de l'activité militaire. Les chefs les plus réputés des montagnes
du Caucase oriental étaient Lesghis. Toutes les entreprises importantes
ont été exécutées au Diigliestan. Les Lesgliis ont le coup d'oeil
j u s t e et le jugement sain; dans l'attaque ils sont peut-être moins rapides
e t moins hardis que les Tchétchentses, mais beaucoup plus résolus et
plus tenaces, Ils paraissent plutôt propres h une guerre de tactique conduite
avec système et énergie; les Tchétclicntses sont préférables pour
l ' a t t a q u e isolée et audacieuse.
Dans la partie orientale et moins accidentée du Daghestan, oîi le
t e r r i t o i r e se rapproche de la mer CLispienne, l'élément tatar a exercé
une grande influence sur le Lesghi.
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KISTES.
Les Kistes, nommés aussi Mitsdjéghis, Mitcliikichs ou Tcliétchent^cs,
solon les différentes tribus, se donnent le nom générique de Nakhfché
(Pi^iiplc). T.enrs premiers rapports avec leurs plus proches voisins les
Kiiinnyks ayant eu lieu sur le Heuvc Mitchik, ils ont reçu le nom de
Witelnkiclis ou Mitcliiks. Loi'squ'ils s'étendirent un peu jilus vers l'ouest,
es Kabardiens leur donnèrent aussi ce nom qu'ils pj'irent des Koumyks.
i'CS voisins au sud des Tchélchentscs, les Le.sghis, ne connaissent pas
wtto dénomination et se contentent le plus souvent de les désigner par
quelques noms de tribus. Le nom de Tchétchentses, qui leur a été donne
jW' les Unsses, n'est pas ancien, bien qu'il fût déjà connu du temps de
le Grand. Ce nom tire probablement son origine de leur ancien
f'oùl, Grand-Tchétchèn, sur l'Argoun.
Aujourd'hui complètement soumis, de même que les Lesghis, les Tcliétchentses
(puisque c'est le nom qu'on leur donne habituellement) se divisent,
d'après leurs districts, qu'ils ont ccpeiulant changé assez souvent
par suite des événements politiques, en vingt et une tiibus parlant des
idiomes plus ou moins variés, mais surtout nue langue qui leur est
commune, encore peu connue, et qui n'a aucune analogie avec les autres
langues du Caucase, excepté peut-être avec les langues des Lesghis.
Les hnbitants do la plaine de la Tchétchnia, à l'exception des tribus
insignifiantes de l'ouest, parlent la même langue que les Tchétchentses
de la montagne et que les Itchkériens, qui croient avoir conservé la
prononciation la plus pure; c'est pour cette raison qu'ils se considèrent
comme émigrés de l'Itchkérie, qu'ils nomment iN'aMitché-JIokht, c'est-à-
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