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des nalioiis. On peal done affirmer que le icxle rédigé par GEORGI est aujourd'liui Iròs-saramié. Les dessins, I\ l'époque même de leur
publicalion, passaient déjà pour médiocres: la gravure en est très-défectiieuse, l'expression des physionomies est inexacte, et à force de
vouloir varier les poses, Tau leur n'est parvenu qu'à les rendre ridicules. Le peu de valeur qu'a cet ouvrage sous le rapport de Tari et
du goiU explique siiffisainmcnt l'indilTérence avec laquelle il fut accueilli par les classes élevées de la société.
Le comte DE IIECIIBEIIG semble avoir eu particulièrement en vue toutes ces considérations lorsqu'il livra au public, en 1812, un
nouvel ouvrage en français, en deux volumes in-folio, sous ce litre, les Peuples de la Russie. Les dessins en sont éléganls, mais
ils manquent souvent d'exactitude ; la valeur scientiiique du texte est excessivement médiocre : il contient en effet beaucoup d'erreurs.
Nous citerons comme exemple ce que le comte DE RECUBEIKÌ dit des Estlioniens ; « L e s habitations sont disséminées, dans l'Eslhonie,
sur un vaste espace et rarement on y aperçoit des villages.» C'est, au contraire, un trait caractéristique des Esthoniens que la tendance
de ce peuple à habiter de grands villages, en réunion de plusieurs familles, tandis que les Lettons vivent ordinairement dispersés.
Quiconque a voyagé en Livonie, ne fût-ce qu'en passant, doit avoir l'emarqné qu'on ne trouve presque aucun village dans la partie
lettone, et qu'on en rencontre beaucoup, et d'assez grands, dans la partie esthonienne. — P o u r le comte DE UECHHEUG, les Lettons paraissent
être les descendants des Scandinaves qui vinrent en Russie avec Rurilc et se confondirent avec les Slaves. C'est un moyen facile de
simplilier les recherches historiques. Que les anciens Prusses, les Lithuaniens et les Lettons soient des rameaux d'un même tronc,
l'autinir le constate lui-môme. Mais descendaient-ils tous des Vartcgues? Ceci indiquerait une fécondité sans pareille I
On ne trouve guère le livre du comte DE RECHBERG que dans les grandes bibliothèques, et il a peu attiré l'attention du monde savant.
Comme travaux d'une importance générale, on doit une attention particulière à la carlc ethnographique de la Russie d'Europe,
par KCEPI'EN, et aux Mémoires sur la population totale de [empire de Russie, du même auteur, qui font partie des Mémoires de
tAcadémie des sciences. La carte est le résultat de renseignements tout à fait spéciaux qui lui donnent une grande authenticité relativement
aux points qu'elle traite ; mais elle ne comprend que la Russie d'Europe. Quant à l'oeuvre intitulée Population totale de la Russie, ce
n'est qu'une énuméralion statistique des différents peuples, établie d'après le dénombrement par tôtes, dans les divers gouvernements,
provinces et colonies de l'empire.
Un ouvrage véritablemeut universel sur la population de l'empire de Russie manquait donc absolument jusqu'à ce jour. Cependant,
depuis 1776, de vastes provinces, comprenant des populations très-variées, ont été annexées à l'empire, et de notables changements
ont eu lieu parmi les peuples des anciennes provinces. Il est vrai qu'il a été publié une grande quantité de descriptions comprenant
des groupes plus ou moins considérables ou des peuples séparés. Les unes sont sans gravures; les autres, telles que le Caucase, par
le prince GAGARINE; le' Voijage en Crimée, par ANATOLE DEMIDOV; la Description des peuples de la Sibérie, par BOULITCIÎEV, etc., sont
enrichies de dessins très-soignés; mais la plus grande partie des renseignements sont éparpillés dans des récits de voyages, dans des
descriptions spéciales de certaines contrées et dans des revues périodiques. La Société géographique impériale de Russie possède
aussi beaucoup de matériaux précieux dont quelques-uns sont accompagnés de beaux dessins. Parmi ces travaux, les uns ont surtout,
pour objet la situation sociale des peuples; les autres, leur conformation physique; d'autres, enfin, s'occupent principalement de la
partie linguistique.
Il serait certainement fort à désirer qu'on réunit ces nombreux matériaux, qu'on les soumit à un examen crilique qui les ferait
mieux apprécier, et qu'on complétât autant que possible cette riche collection. C'est dans ce but que, deux fois déjà, on a émis au
sein de la Société géographique la proposition de concourir en commun à la rédaction d'un nouveau tableau de la population de l'empire
de Russie. Cependant les membres de la Société géographique n'ont pu s'entendre encore sur les bases d'une collaboration commune,
sans doute à cause du nombre, de la variété et de l'importance des renseignements scientifiques que l'on serait en droit d'exiger
d'une oeuvre émanant d'une société savante.
Tel était l'état des choses lorsque M. DE PAULV, membre de la Société géographique impériale de Russie, commença à réunir
d'importants matériaux sur cet objet. Mettant à profit les précieuses collections de cette Société, il rédigea un ouvrage dont le manuscrit
abrégé et les dessins purent ótre mis sous les yeux de SA MAJESTÉ L'EMPEREUR dès l'année 1857. Plus tard, M. DE PAUI.Y el son
collaborateur M. D'ERCKEUT, membre aussi de la Société géographique, refirent presque en entier et augmentèrent considérablement
Toeuvre oITcrte aujourd'hui au public à l'occasion de ia fèto qui solennisera l'existence millénaire de l'empire de Russie.
La tâche principale imposée aux auteurs consistait à présenter les traits caractéristiques actuels et une classification claire,
naturelle et méthodique de tous les peuples faisant partie de l'empire russe, ainsi que de leurs subdivisions, d'après leur origine
probable et les limites géographiques. C'est d'ailleurs beaucoup moins sur leurs investigations personnelles que les auteurs prétendent
fonder le mérile de cet ouvrage que sur les importants matériaux empruntés à la Société géographique impériale de Russie et mis
au jour pour la première l'ois. Les auteurs ont aussi beaucoup à se louer du concours de AI. le professeur Sciiorr et des conseils
précieux de Cn. RI'ITER, des académiciens DE KCEPPEN, KOUMK, WJEDE.MA.NN, BROSSET, de AI. LERCII et de plusieurs autres personnes.
Il s'agissait de décrire l'état actuel des peuples de la Russie d'après les sources les plus authentiques ; car on ne pont se dissimuler
que l'abolition du servage, la libre circulation qui cn résulte, les progrès toujours croissants de l'industrie et la facilité des communications
rendues plus rapides par l'enqiloi de la vapeur, effaceront assez promptement les particularités (|iii distinguent encore aujourd'hui
les dilTérentes tribus répandues sur le sol de la Russie : bien des peuplades qui, de nos jours, représentent encore une nationalité
particulière, ne larderont pas à s'absorber dans d'antres peuples de nationalité supérieure, et surtout dans la grande famille russe.
La partie artistique de l'ouvrage est de nature à satisfaire compléteinenl le goût le plus difficile. Les 02 dessins chromo-lilhographiés,
pour la i)hiparl exécutés d'après nature, ont été traités avec un soin véritablenient remarquable. La carte cihnographique de M. D'EIICKEUT
est dressée, I)OUR les peuples non slaves de la Russie d'Europe, d'après celle de M. DE K(»ÌPI>EN; pour les peuples de la Russie d'Asie,
c'est presque le premier essai de ce genre. Le tableau ethnographique et statistique, en connexion avec le texte (corrigé, pour quelques
ciulFres, d'après les données les plus récentes), est basé sur des documents authentiques, surtout sur dos emprunts faits aux revues
périodiques de différents ministères et administrations; le mode de classification et de divi.sion s'appuie .sur le langage actuel et sur
l'origine probable des différentes ti'ibus.
Une feuille spéciale indique les variétés crànologiques les plus remarquables, pholographiées avec soin d'après des crânes que j'ai
choisis dans la collection de rAcadcmie des sciences. Le dessin et l'impression de celle feuille sont parfaitement réussis, et il me semble
que l'oeil le moins exercé peut y découvrir facilement les diliérences qui y sonl signalées. La lète du Talar a été [)lacée au tniiieii,
comme type de confornjalion moyenne, et représentée, ainsi que les autres, sous ses trois aspects principaux. Les tètes du Suédois el
de l'EsIdmo se distinguent d'une manière frappante par leur longueur, et celle du Petit-Russien par son raccourcissement. Quant à la
tète du Kalmouk, elle est remarquable par la largeur du crâne et par celle de la face.
En ce qui concerne le texte, je sais persomiellemenl ([ne les auleurs se sont ellbrcés de répondre aux exigences les pins
sévères. La description des usages et des moeui's de lant (h; tribus de races diliérenles a été rédigée d'ajjrès des renseignements [inisés
aux meilleures sources, et pour les tribus russes elle est en grande ])artie le résultat d'observalions pcrsomielles. Quant à l'origine
et aux degrés de parenté plus ou moins rapprochés des diiïérentes tribus, il était bien difficile, poni' ne pas dire impossible, d'arriv(;r à
la certitude; car, pour ce qui concerne les peuples les plus éloignés du centre de l'empire, los recherches lingnisli(|ues laissent encore
beaucoup à désirer et les renseigneinenls hisloritjues manijucnt |¡rosque lota lomen l.
L'abrégé historique des sectes religieuses des Russes el celui du développement du servage cn Russie, ainsi ipie le chapitre des Kozalcs,
paraissent avoir un intérêt parliculier.
Quant aux noms propres peu connus, on s'est eiïorcé autant que possible d'en écrire rorthographe conformément à la prononciation
des langues oi-iginales ou à celle de la langue russe. Le kh a été employé pour indiquer le son aspiré.
Les considérations qui précèdent prouvent suffisamment ([ue l'ouvrage de M. DE PAUÎ.Y vient fori à propos pour combler une
lacune Irès-regretlable dans le domaine de la science : aussi ti'ai-je pas hésité à placer ([iielques lignes en lèUi d'un livre impatiemment
attendu et dont la publication me parait d'une indispensable nécessité.
CH. DE DAEU,
Membre de l'Académie des sciences.
St-Pctersbourg, août 1861.