
Manière dont les meules
mW. juednret pleo ur lied.
178 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l i q u e , L i v . II.
muns à la vérité ; c’eft juftemenc ce qui en prouve l’u tilité, St la né-
ceflité de chercher les moyens de les perfectionner ; mais c’ell allez
le fort des chofes les plus eftimables de perdre de leur prife par l’habitude
de les voir , au lieu que fouvent il ne faut qu’une bagatelle
qui ait un air de nouveauté pour caufer de l’admiration. Si
un Machinifte avoit préfenté à l’Empereur Augufte le deiïein d’un
moulin tel qu’on les fait aujourd’h u i, il n’y a point à douter qu’il
n’en eût été reçu avec beaucoup de diftinction ; car on prétend
que ce n’eft: que dans le fixieme necle qu’on s’elt avifé d’employer
la force de l’eau à la place dés hommes & des animaux dont les
Anciens fe fervoient pour faire tourner les meules, ne connoiffant
pas non plus la maniéré de tirer parti du vent pour la même fin :
en récompenfc ils a voient l’ufage de quantité de machines utiles
qm ne font point paffées jufqffa nous, la barbarie des tehis les
ayant anéanti. Comme on ne peut pas répondre qu’il n’arrive encore
de ces malheureufes révolutions, il y a une forte d’équité de
laifler a la poftérité la defcription de tout ce que nous avons d’ef-
fentiel à la vie ; St c’eft dans cette vue que l’Académie Royale
des Sciences a entrepris fon fameux Livre des A n s & Métiers.
Sans envifager des tems qui paroillènt fi éloignés, n’y a-t’il pas
actuellement des peuples âuflî deftitués des fecours de l’A rt que
l’étoient les premiers hommes , St pour lefquels tout efl nouveau,
mais qui ne manquant pas de génie St d’adrefle, n’ont befoin que
de modèles pour les imiter. La Mofcovie nous en fournit un exemple
récent ; un de fes Empereurs y fait venir d’habiles gens de toute
elpece, munis de bons Livres, 8t en moins de vingt-cinq ans ce
grand Empire a changé entièrement de face. Sans fortir du royaume
de France , combien n’avons-nous pas de provinces'où la- né-
ceffité a donné lieu à l’invention de plufieurs machines dont l’u-
fage eft entièrement ignoré en d’autres où l’on en pourroit tirer le
meme avantage ; les moulins font particuliérement dans ce cas là ,
c eft pourquoi j’ai cru que l’on me fçauroit gré de donner la def-
cnption de ceux qui font venus à ma connoillànce, afin qu’on en
put faire ufage félon la difpofition des lieux, St que les accompagnant
de remarques curieufes St utiles, on s’apperçût que les choies
dont on fe fert le plus communément n’en- font pas moins dignes
de recherches.
635. Peu de gens ignorent que le bled fe moud avec deux meules
pofées l’une au-deflùs de l’autre fans fe toucher, que la meule
de délions que ton homme gifante eft immobile, & qu’il n’y a que
celle de dellùs qui tourne fur un pivot. Comme cette derniere eft
C h a p. I. d e s M o u l i n s a e a u . 179
fufceptible de plufieurs remarques auxquelles on n’a pas coutume
de faire attention, il convient, avant que de paffer outre, d’être
prévenu de ce qui fuit.
Les furfaces oppofées de deux meules qui agilfent pour moudre Plan. i .
le bled ne font point planes, celle du dellùs eft creufe, St celle de * IGl *•
delfous a du relief; l’une 8t l’autre fuivant la figure d’un cône dont
à la vérité l’axe eft fort petit par rapport au diamètre de fa baie ;
quand la première a 6 pieds de diamètre, elle n’a guere qu’un
pouce de creux vers fon centre, ôi la fécondé 9 lignes de relief.
Ainfî ces deux meules vont en s’approchant de plus en plus l’une
de l’autre vers leur circonférence, ce qui donne àu bled qui tombe
de la trémie la facilité de s’infinuer jufques vers les deux tiers du
rayon, qui eft l’endroit où il commence à fe rompre, 8t où il op-
pofe la plus grande réfiftance dont il peut être capable , l’intervalle
des meules n’étant, en cet endroit, que des deux tiers ou des
trois quarts de l’épaiflèur d’un grain de bled ; mais comme les
Meuniers ont la liberté de hauflèr St de bailler tant foit peu la
meule fupérieure, ils en règlent l’intervalle avec celle de delfous,
félon qu’ils veulent que la farine foit plus ou moins fine.
63 6. I l y a deux chofes à confidérer dans l'effet d’une meule L’effet d'une
tournante, fon poids St fa vitejfe ; le travail qu’elle fait dépendant
de fa quantité de mouvement, qui e ftle produit de fa vitejfe par une * Ça quantité
partie de fa maffe. Je dis une partie de fa maffe ; car comme cette demouvanmt.
meule tourne fur un pivot, fa pefanteur abfolue n’eft pas totalement
employée à moudre le bled, St il n’eft pas aifé de déterminer la
partie qui peut y avoir le plus de part ; on fçait feulement qu’elle
eft toujours proportionnée à la pefanteur abfolue , l’expérience
faifant voir que fi deux meules d’inégale pefanteur ont la même
vîtefle, leurs effets, ou la quantité de farine qu’elles produifent
dans le même tems, eft à-peu-près dans le rapport de leur pefanteur
abfolue. Comme on eft obligé de piquer les meules prefque
tous les mois, leur épaifleur, par conféquent leur poids, diminue
infenfiblement, St quand elles parviennent à n’avoir plus que les
trois quarts, ou la moitié de l’épaiflèur quelles avoient étant neuves
, elles ne produifent plus qu’environ les trois quarts, ou la moitié
de la quantité de farine qu’elles donnoient au commencement ;
c’eft de quoi tous les Meuniers conviennent.
637. La force centrifuge emportant le bled du centre vers la cir- Raifon qui
conférence, il eft naturel que lorfqu’il eft parvenu à un endroit où falt v°irî mr~
l’intervalle des deux meules eft moindre que fon épaifleur il y foit f f f .
écrafé ; cependant la meule fupérieure ayant un point d’appui qu’elle fit proportion-
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