
- P H Y S I O L O G I E
femelle aiment les petits, et leur donnent des soins d’un commun
accord. Cependant la femme l’emporte de beaucoup sur l’homme
à cet égard. Cet instinct se déclare dès l’enfance ; la petite fille
étend la main après une poupée, comme le petit garçon après un tambour
ou un sabre. Lorsqu’il est question de donner des soins à un
enfant, c’est une servante qu’on appelle, et non pas un valet. Des personnes
du sexe qui ne veulent pas se marier, ou des femmes dont le
mariage est stérile, adoptent souvent des enfans étrangers, pour leur
rendre les soins que la nature impose à une mère. Toute la constitution
physique de la femme concourt avec son caractère moral et intellectuel
pour nous prouver quelle est destinée, plus particulièrement que
l ’homme, à donner des soins aux enfans.
Ces différences frappantes dans la manifestation de l’amour de la
progéniture prouvent, jusqu’à l’évidence, que ce n’est point un penchant
volontaire ou factice, mais un instinct résultant de l’organisation,
variant comme elle, mais toujours naturel et inné. Avant d’entrer dans
des détails relativement à l’organisation dont il dépend, je vais rapporter
les opinions de quelques auteurs sur ce sujet.
Opinions des savans sur les causes de l’amour de la
progéniture.
La manifestation de l’amour de la progéniture est un phénomène tellement
journalier, que par cela même il ne frappe plus personne. Toutes les
fois que, dans ma jeunesse, je demandois la cause de manifestations semblables,
on me prenoit pour un homme singulier; cela est naturel, me
répondoit-on , et la recherche étoit terminée. Mais pourquoi cela est-il
naturel? Comment la nature a-t-elle empreint cet instinct aux animaux?
N’a-t-elle pas été obligée de disposer dans l’organisme une partie, au
moyen de laquelle l’amour de la progéniture, non-seulement devient
naturel aux animaux et à l’homme, mais devient même chez eux un
besoin et une passion qui leur procurent les plus vives jouissances,?
D’autres, vouloient me renvoyer en me parlant de l’instinct. En général,
c’est par Yinstinct que l’on prétendoit tout expliquer chez les animaux,
comme chez l’homme on vouloit rendre raison de tout par la
volonté et l’intellect. Mais les instincts aussi doivent avoir leur cause
dans l’organisme ; ils sont ti'ès-différens entre eux, quelquefois même
opposés; ils se développent à des époques de la vie différentes ; tel instinct
subsiste sans tel autre , etc. '. On ne peut donc ni comprendre collectivement
tous les instincts sous la même dénomination, ni les faire
tous dériver de la même source. Le naturaliste n’est conséquent que
lorsqu’il cherche une cause particulière pour un effet particulier.
0 Une mère, dit-on, n’aime pas son enfant parce qu’elle a une protubérance;
elle l’aime parce que cet enfant est le fruit d’un amour qui
fait ou qui a fait sonbonheur; elle l’aime parce qu’il est une partie d’elle-
même; parce qu’il est une partie de l’homme qui lui est ou qui lui a été
cher; elle l’aime parce qu’il lui ressemble, ou du moins parce qu’elle le
croit; elle l’aime parce qu’il est son ouvrage; elle l’aime par le seul orgueil
d’être mère ; elle l’aime pour les dangers qu’il lui a fait courir,
pour les douleurs qu’il lui a causées; elle l’aime parce qu’il est foîble
et qu’il a besoin de son secours ; elle l’aime parce qu’elle l’a senti remuer
dans ses entrailles, et parce qu’elle entend sortir de sa bouche le doux
nom de mère ; elle l ’aime enfin par devoir, par vertu, par habitude, si
vous voulez, lorsque les autres raisons n’ont pas été assez puissantes.» *.
Ce n’est certes à aucune de ces choses que le Créateur a confié la
vie et le bien-être des enfans et des petits des animaux. 11 a su mieux
assurer leur sort. Que l’on descende dans le coeur de tendres parens, et
qu’on y lise si leur amour pour leurs enfans est déterminé par des motifs
aussi artificiels ; s’il est en leur pouvoir de ne pas les aimer? Ne trouvons-
nous pas des exemples de cet amour le plus tendre chez les individus
les plus grossiers, chez les nations les plus sauvages, en un mot dans des
circonstances où la plupart des motifs ci-dessus n’existent pas? Enfin
1 Voy. ce que je dirai plus bas en traitant de l’instinct ex professa.
•Journal de l’Empire. On a reproduit la même objection dans leT. XXI, du
Dictionnaire des Sciences médicales, p. 1 1 o.