
par un concours inattendu de circonstances malheureuses, des actions
qu’ils avoient sincèrement abhorrées, et qu’ils détestent même encore
après les avoir commises. Il n’y a pas de crime dont, à raison de ma
sensibilité, je sois naturellement plus éloigné que de l’homicide ; et
cependant en descendant au fond de mon coeur, je n’oserois affirmer
que je sois au - dessus de tous les événemens possibles. Un père
ayant élevé sa fille chérie dans des sentimens d’honneur et de vertu,
et croyant avoir assuré son bonheur par un mariage assorti, voit
cette enfant, objet de sa vive tendresse, déshonorée par un vil séducteur.
Au moment oùl’adultère se consomme, ce père malheureux entraîné
par des sentimens aussi justes que déchirans, devient le meurtrier du
perfide qui le déshonore.... Confondre un tel père avec un scélérat
consommé , ne seroit-ce pas une lacune déplorable dans la législation
aussi bien que dans la physiologie du cerveau?
Au reste le physiologiste ne doit point ignorer que la dépravation
du caractère moral ou le penchant au meurtre est quelquefois la
suite d’une maladie longue et cachée du cerveau. Très-souvent nous avons
trouvé les crânes d’homicides dans le même état où l’on trouve ceux
d’individus, aliénés depuis plusieurs années. En traitant des lésions du
cerveau, j’ai rapporté plusieurs cas où le caractère moral tout entier
d'un individu se trouvoit changé après une semblable lésion. Qui ne
connoît les suites de maladies ou de mutilations de ces parties , qui sécrètent
la liqueur prolifique? Qui ignore combien sourdement agissent le
penchant au suicide et cette autre maladie mentale plus terrible encore,
dans laquelle le malade non-seulement se détruit lui-même, mais immole,
par une prétendue inspiration d’en haut, d’autres individus, et
d’ordinaire, les personnes qu’il chérit le plus, son épouse, ses enfans?
De semblables maladies prouvent combien on doit apporter de circonspection
lorsqu’il est question de juger un homicide, et qu’il faut pour
être juge équitable , posséder une connoissance plus approfondie de
l’homme que n’en ont habituellement ceux qui ne considèrent, pour
appliquer la loi à un délit, que la partie de l’action qui tombe sous les
sens, et qui ne savent interpréter la loi qu’à la lettre.
Enfin , l’on ne doit jamais perdre de vue que le même degré d’activité
d’un organe doit produire des actions toutes différentes chez dif—
férens individus. Si l’on en excepte les cas d’idiotisme et de manie, ou
d’une incitation tout-à-fait circonscrite, les actions ne sont jamais déterminées
par l’activité d’un seul organe. La manifestation d une certaine
force sera différente suivant que l’action des autres organes est
plus ou moins forte, ou différemment modifiée. Le penchant au meurtre,
combiné avec le courage, agit autrement que lorsque ee même penchant
se combine avec la méchanceté ; l’action seraencorebien différente
s’il se combine avec la philanthropie , etc. L ’homme, doue de facultés intellectuelles
supérieures, saura donner à son penchant une direction
plus favorable que celui qui a l’esprit foible. L’éducation, les habitudes,
l’exemple, la religion , la morale, les lois , etc., agissent dans
l’homme doué de liberté morale, comme autant de motifs pour conformer
ses actions à l’ordre social, même en dépit de ses penchans.
Ces raisons suffisent pour faire sentir qu’il ne faut pas chercher un
très-grand développement de l’organe de 1 instinct carnassier dans tout
individu qui a été entraîné à commettre un homicide , et qui n y a pas
été disposé par son organisation primitive. C’est aussi pourquoi je suis
très-éloigné de regarder telle personne comme disposée à commettre
un homicide, par la raison que je trouve chez elle l’organe de cet instinct
très-développé.
Tout ce que l’on peut soutenir avec assurance, c’est que, toutes circonstances
extérieures étant égales, un individu chez qui cet organe est
très-prononcé, commettra un homicide plus facilement qu’un autre,
que la nature n’y a pas disposé au moyen de son organisation. Dans
le tumulte de passions violentes, transporté parla jalousie, la colère,
la vengeance, l’idée de se venger par le sang et par le feu se présentera
au premier, tandis que les idées de l’autre prendront une direction
toute différente.
Maintenant que j’ai préparé le lecteur par ces observations, je puis
parler de l’organe même. Les faits relatifs à ce sujet sont dans une
telle abondance, que je me contenterai d’en rapporter un petit