Tousles chiens qui poursuivent et tuent avec acharnement les souris,
les rats , les oiseaux, les lièvres , les poules, les renards, ont également
cette région du cerveau et du crâne hien plus saillante que ceux qui
n’ont aucun goût ou qui ont même du dégoût pour la chasse.Que toutes
les personnes qui ne sont pas encore parfaitement convaincues de ce que
j’avance, fassent une collection de crânes de chiens, mais qu’elles s’informent
toujours soigneusement des inclinations de chaque individu.
A gjeine en auront-elles ramassé une douzaine, qu’on les verra si bien
converties, qu’elles seront devenues les défenseurs les plus zélés de
l ’organologie. Ces diversités de formes ne sont pas de ces petites variations
qui laissent lieu au doute; elles sont au contraire très-frappantes.
La comparaison PI. LXXI1, entre le rat de cave -, fig. 7, {mus rattus
Linn.), et le rat des égoûts, fig. 6 , ( surmulot Bflffon, mus decumanus
P allas ) , le hérisson, fig. 9 , le hamster , fig. 8 , ( mus cricetus Linn. ) ,
l’hermine.fig. 4, et la belette fig. 12, {mustala vulgaris Linn.), est
très-instructive. Le mus rattus et le hérisson ne se nourrissent pas exclusivement
de substances végétales, car ils tuent de petits animaux
pour les manger. Le surmulot est bien plus carnassier et bien plus
sanguinaire. Le hamster dévore tous les petits animaux, jusqu a sa femelle
; le hamster femelle dévore même ses propres petits. Il faut qu’un
chien soit parfaitement dressé pour attaquer avec succès le surmulot et le
hamster, tandis que l’hermine et la belette, toutes petites qu’elles sont,
entriomphenttoujours. La tête du surmulot est, dans la région indiquée,
bien plus large et bien plus bombée que celle du rat de cave ; la tête du
■ Je ne désigne pas par la dénomination mus rattus, le môme animal auquel
les auteurs donnent d’ordinaire ce nom. Les auteurs confondent le rat de cave avec
celui qui habite les greniers. Le rat de cave ne monte jamais sur les arbres, et ne
se tient jamais dans les greniers; il est plus petit que le mus decumanus, rat des
égoûts. Son pelage a la même couleur que celui du mus decumanus , et sa queue
est écailleuse comme celle de ce dernier, et a la même longueur à proportion de
son corps. Le rat des greniers, en allemand , speicherratze, blaue ratze a le poil
plus long et gris-cendré, la queue est nue également, mais plus longue d’un demi-
pouce , et même d’un pouce, que celle des deux autres espèces.
hamster l’est plus que celle du surmulot, et l’hermine et la belette exclusivement
carnassières ont l’organe de l’instinct carnassier encore bien
plus développé. C’est ainsi que l’organisation cérébrale explique pourquoi
le surmulot {mus decumanus), et le hamster sont éminemment sanguinaires
, quoique la conformation de leurs dents les ait fait ranger par
les naturalistes dans la classe des animaux rongeurs, et par conséquent
frugivores.
Ainsi donc, toutes les espèces animales concourent à prouver que
l’instinct carnassier chez les animaux ne dépend ni des dents, ni des
griffes, ni des entrailles, mais qu’il résulte d’un organe cérébral particulier,
et que cet organe a effectivement son siège dans la région du
cerveau que j’ai indiquée ; qu’il se manifeste au dehors par une grande
proéminence en segment de sphère, placée, chez la plupart des animaux,
immédiatement au-dessus de l’oreille; chez d'autres, un peu plus en
avant.
Histoire naturelle de l’instinct carnassier dans l’homme.
D’abord se présente la question : L ’homme est-il naturellement carnassier?
Ou bien est-il destiné par la nature à être exclusivement frugivore
et ne mange-t-il de chair que parce qu’i l a dégénéré de sa destination
primitive ?
L’homme est omnivore. La chair le nourrit tout aussi bien que les
végétaux. Par la structure de ses dents , de ses mâchoires, de son estomac
et de ses intestins, il tient le milieu entre les frugivores et les
carnassiers. Il mange avec appétit tous les animaux, depuis l’huître jusqu’au
faisan; et tous les végétaux, depuis la pomme de terre jusqu’à
l’ananas. Si le créateur l’avoit destiné à ne se nourrir que de végétaux,
rien certainement n’eût pu le détourner de cette destination. Si dans
certains climats il est plus exclusivement ou carnassier ou frugivore, cela
dépend de l’influence que les objets qui l’environnent, et les circonstances
dans lesquelles il se trouve, exercent sur lui ; de ce que tel climat
favorise le développement de tel organe, et entrave celui de tel autre.
Puis donc que l'homme étoit destiné à se nourrir aussi de chair, il fallait