
peuvent bien être changées un peu de place, mais nullement acquérir
parla un développement plus qu’ordinaire. De semblables objections
seroient admissibles, tout au plus, dans le cas où un physiologiste en-
treprendroit de déterminer le siège d’un organe, d’après un seul fait,
et sans avoir aucune autre preuve à l’appui de ses assertions. Mais lorsque
tout dans la nature concourt à établir la même assertion, un fait unique
que le hasard offre à son appui, devient une preuve nouvelle.
A Paris, je donnois des soins à une demoiselle remplie de pudeur,
attaquée d’une maladie mentale. Elle vivoit dans une société extrêmement
honnête, et alla se rendre à Vienne, accompagnée de quelques
personnes recommandables. A peine arrivée, elle courut chez toutes ses
connoissances, et y annonça avec la joie la plus vive et devant tout le
monde, qu’elle étoit enceinte. Les circonstances de cette ouverture , et
le caractère connu de la demoiselle, furent seuls capables de faire
deviner à quelques-uns de ses amis que sa raison étoit égarée. Bientôt
ça joie fit place à des angoisses et à une invincible et morne tacitur-
nité. Peu de temps après, elle fut attaquée d’une consomption à laquelle
elle ne tarda pas de succomber. Ici encore l’organe de l’amour
de la progéniture étoit extrêmement développé, et pendant sa vie, cette
demoiselle avoit singulièrement aimé les enfans,
Nous vîmes encore dans l’hospice pour les aliénés, d’Amsterdam, une demoiselle
quineparloit que de sa prétendue grossesse. Sa tête étoit petite,
leseul organe de l’amour de la progéniture étoit très-développé chez elle.
Nous avons même vu daus un autre hospice pour les aliénés un homme
qui soutenoit qu’il se trouvoit dans un état de grossesse, et qu’il portait
deux enfans. Nous annonçâmes qu’il devoit avoir l’organe en question
très-développé, et l’examen de sa tête prouva que nous ne nous étions
pas trompés. Ainsi donc, l’état de maladie prouve encore que l’instinct
de l’amour de la progéniture doit être considéré comme une qualité fondamentale
, indépendante de toutes les autres , .et fondée sur un organe
particulier.
L ’exemple suivant râpporté par M. Pinel. prouve avec quelle énergie
cet instinct continue d’agir dans la manie,
Il est si ordinaire aux meres tendres, dit cet auteur, de conserver
encore ces sentimens profonds de la nature, dans toutes les périodes de
leur égarement, qu’on doit leur épargner, avec le plus grand soin, le
spectacle des enfans qui leur sont étrangers, et qu’on a quelquefois l’imprudence
d’amener avec soi, en rendant visite à quelq-ue convalescente :
c’est ce qui a excité quelquefois lesscènes les plus orageuses. Une aliénée
très-agitée ayant vu un enfant qu’une éirangère tenoit par la main, et
qu’elle crut être le sien propre, se précipite aussitôt pour le lui arracher,
fait les efforts les plus violens, pousse des cris, et la véritable mère effrayée
tombe dans un évanouissement qui fut de plus d’une heure de
durée. Une autre délirante qui étoit au déclin de sa maladie, et qui
avoit la liberté de sauter, de gambader, de babiller, de faire mille innocentes
espiègleries., et d’errer librement dans les cours, s’échappe un
jour par la porte d’entrée, trouve par hasard un enfant de la portière ,
dont elle s’empare, en sorte qu’il fallut faire de violens efforts pour le
lui arracher. Elle-entra dès-lors en fureur, blessa plusieurs filles de
service, et ce ne fut qu’avec la plus grande peine qu’on parvint à l’enfermer
dans sa loge. Le délire furieux qui en est résulté, a été ensuite
de plusieurs mois de durée » ■ .
« Une mère connue par son attachement extrême pour sa famille, et
que des chagrins domestiques avoient jetée dans une mélancolie profonde,
regardoit les alimens qu’on lui offroit comme une portion destinée
à ses enfans, les repoussoit avec indignation, et il fallut recourir
plusieurs fois à la douche t pour l’empêcher de périr de consomption
» \
1 De l’aliénation mentale, deuxième e'dition , p. 278 et 27g, §. 235.
| Ibidem, p. 296, §. 248.