
diversion à ses idées, il partit en i799> a^a a ^ enis^> a Livourne,
et à Florence; au bout d’un an, il revint, mais ne resta que peu de
temps, et fit un second voyage dans les provinces voisines du royaume
d’Italie, malgré tout ce que fit, suivant lui, pour l’empêcher de partir, le
père de Thérèse, qui chercha, en gagnant les ,aubergistes et les maîtres
des cafés, à divulguer l’amour que sa fille avoit pour lu i, ce négociant
essaya même de le faire revenir lorsqu il etoit déjà en route. Le manque
d’argent lui fit éprouver de grands maux durant ce voyage. Une fois,
il ne prit en soixante-douze heures qu un verre d eau et un morceau
de biscuit; il passoit souvent la nuit en plein air : son corps en fut
extrêmement affoibli. Il revint deux mois après son départ; ses parens
suffirent avec beaucoup de peines à ses besoins pendant quatorze mois.
On lui proposa une place d’écrivain dans un navire , ce qui lui fit entreprendre
un voyage en différentes provinces d’Italie , en France, en
Espagne, en Hollande et à Hambourg. Il fut, durant ce voyage qui dura
fin an, exposé à tous les dangers, aux tempêtes, aux naufrages, aux
attaques des corsaires, etc. Il fut ensuite pendant trois ans et demi
associé d’un courtier de navire à Trieste, et gagna beaucoup d argent;
mais de son propre aveu, il le dépensa en bonne chère et en exces de
toutes sortes. Il essaya encore de faire de petits voyages à pied, afin
de vivre tranquille, mais il ne put trouver le repos. « G est ainsi,
« s’écrie-t-il, que j’ai vécu pendant huit ans, malheureux et oisif,
« tandis que j’aurois pu devenir un père de famille, et gagner l’estime
« générale ».
«Maisles souffrances physiques presqu’incroyables que j’ai endurees
« dans mes voyages, continue H**, ne sont rien en. comparaison des
« visions épouvantables que m’ont tourmenté le jour et la nuit depuis
« le 16 novembre i8o5, et qui mont attirées les artificesastrologiques ;
« je les ai souvent éloignées avec le crucifix ». La plus âgée des deux
femmes lui apparoissoit tantôt pour l’avertir amicalement de ne pas faire
la guerre, tantôt pour le désoler par le souvenir douloureux des peines
qu’il avoit éprouvées dans ses voyages. Une autre fois, elle l’accabloit
de reproches au sujet de son commerce épistolaire avec d’autres femmes.
La jeune femmé lui apparoissoit dans l’attitude la plus voluptueuse, ce
qui enflammoit son imagination au plus haut degré, et il en résulloit
les suites que de pareilles visions font naître, et qui deviennent trop
souvent funestes à la santé des jeunes gens.
Cette jeune femme lui inspira un amour excessif; il chercha à lavoir
à la fenêtre, dans la rue ou au spectacle, en se plaçant près de sa loge.
Il a souvent entendu la femme la plus âgée tenir des discours qui avoient
rapport à lui; par exemple, elle s’écria un jour : « Je pe craindrai pas
« le diable». Il étoit devenu l’esclave de ces femmes; elles savoient
toutes ses pensées, et toutes celles des personnes de sa connoissance ;
elles l’avoient tellement persécuté, soit par des apparitions, soit par
leurs émanations, qu’il avoit perdu beaucoup de sang, et que son corps
étoit presque épuisé. « C’est, dit-il en finissant, le crime le plus noir
« et le plus affreux,' et qui mérite dans le ciel et sur la terre la ven-
« geancela plus cruelle ».
On lui adressa quelques questions sur certains passages obscurs de
son mémoire, et sur ce qu’il avoit fait après lavoir écrit; il répondit
que par les artifices astrologiques il entendoit les sortilèges des femmes
qui le martyrisoient si cruellement. S’il disoit que les deux femmes
l’avoient assassiné, c’est qu’elles lui avoient fait perdre le repos, et que
la plus jeune lui avoit inspiré une violente inclination, un peu diminuée
pendant ses voyages, mais qui avoit pris de nouvelles forces à
son retour, et avoit entièrement détruit son corps. La fin de sou écrit
avoit rapport à la vengeance qu’il vouloittirer des deux femmes qui,
par leurs maléfices, l’avoient rendu insensé. Il avoit commencé sou
mémoire au mois d’août 1807 , et après de fréquentes interruptions,
l’avoit achevé le premier décembre. Aussitôt il avoit résolu de tuer les
deux femmes le lendemain, afin de se délivrer de ses tourmens. Il avoit
voulu, à cet effet, acheter tout de suite un couteau, mais il abandonna
cette pensée. Le lendemain matin, il reprit son projet, acheta un couteau,
et le fit bien affiler; puis il alla à la bourse, s’y occupa de ses
affaires, et dîna chez ses parens. Il fit ensuite une promenade, et tout
en marchant se représentoit les suites de son action ; tantôt il rerronçoit