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bruyantes, elle croit être la petite-fille de Louis X IV , et reclame ses
droits au 'trône. Son imagination semble bientôt réaliser ses désirs. Gest
elle qui dispose en idée des contributions, et qui tient l’armée à sa
solde. Un étranger vient-il dans l’hospice, elle croit que cest en son
honneur; et c’est, dit elle, par ses ordres seuls, qü’on a pu 1 introduire.
Ses compagnes d’infortune, dans l’hospice, sont pour elle des marquises
et des duchesses qui marchent à sa suite, et elle leur donne des
ordres avec le ton de l’autorité suprême’. »
« Un aliéné, renfermé dans une pension de Paris, et qui durant
ses accès se croyoit le prophète Mahomet, prenoit alors l’attitude du
coaiman lement et le ton du Très-haut; ses traits étoient rayonnans, et
sa démarche pleine de majesté. Un jour, que le. canon tiroit à Paris
pour des événemens de la révolution, il se persuade que c est pour lui
rendre hommage, il fait faire silence autour de lui, et il ne peut plus
contenir sa joie » \ --
« Un père de famille très-recommandable perd sa fortune et presque
toutes ses ressources par des événemens de la révolution, et une tristesse
profonde le conduit bientôt à un état maniaque; les symptômes,
loin de céder au traitement ordinaire, et même aux moyens de répression
les plus inhumains, empirent, et on le transféré àBicêtre, comme
incurable. Jamais aliéné n’a donné un plus libre cours à ses actes d’extravagance
: il se redresse sur lui-même tout bouffi d’orgueil, croit
être le prophète Mahomet, frappe à droite et à gauche tous ceux qui
se rencontrent sur son passage , et leur ordonne de se prosterner et de
lui rendre hommage. Toute la journée se passe à prononcer de prétendus
arrêts de proscription et de mort; ce ne sont que menaces,
propos oulrageans contre les gens de service; l’autorité du surveillant
est dédaignée et méconnue. Un jour même que sa femme éplorée vint
le voir, il s’emporte contre elle, et l’auroit peut-être assommée si Ion
ne fût accouru à son secours. Que pouvoient produire les voies de
* Traité de l’aliénation mentale, par M. Pinel, a', édition, p. 109,§. ia 3.
* Idem, p* 111, §■ * 24-
douceur et les remontrances les plus modérées contre un aliéné qui
regardoit les autres hommes comme des atômes de poussière ’. -
«Trois aliénés qui se croyoient autant de souverains, et qui pre-
noient chacun le titre de Louis X IV , se disputent un jour les droits
de la royauté, et les font valoir avec des formes un peu trop énergiques.
La surveillante s’approche de l’un d’eux , et le tirant un peu à
l’écart : « Pourquoi, lui dit-elle d’un air sérieux, entrez-vous en dis-
« pute avec ces gens là, qui sont visiblement fous? ne sait-on pas que
« vous seul devez être reconnu pour Louis XIV »? Flatté ;de cet
hommage , il se retire aussitôt en regardant les autres avec une hauteur
dédaigneuse \
« Une femme, très-impérieuse, et accoutumée à se faire obéir aveuglément
par un mari plus que docile, restoit au lit une partie de la ’
matinée , exigeoil ensuite qu’il 'Vînt à genoux lui présenter à boire ; et
dans les extases de son orgueil, finit par se croire la Vierge-Marie3.
«Un homme, d’un âge moyen, avoit toujours été remarquable par
la dureté de ses propos et un air sombre et ombrageux : toujours inquiet,
querelleur et prêt à s’emporter, son caractère s’aigrit encore par
quelques revers de fortune; il devint jaloux, misanthrope au plus haut
degré, et insupportable à sa propre famille. Ce fut alors que son délire
éclata. Il tira des lettres de change pour des sommés énormes, même
sur des banquiers avec lesquels il n’avoit aucune relation. Relégué
enfin dans une maison d’aliénés, il y déploya toute l’arrogance d’un
despote d’Orient; il se crut chancelier, duc de Batavia, et il exigea des
hommages qu’on ne rend qu’aux souverains. Cette bouffissure d’orgueil,
contre laquelle tous "les moyens qu’on put prendre furent vains, dégénéra
peu à peu en un état de stupeur et d’idiotisme incurable4.
La marque la plus certaine que ces aliénés approchent de la gué-
1 Ibidem, p. 2i 5 , §. 196.
a Ibidem , p. 220 ,§. 198.
3 Ibidem, p. 3o3 | §.,262,.
4. Ibidem, p. 4ôo,