
entière d’un organe ou d’une qualité ou faculté fondamentale. J’ai longtemps
comparé les crânes de tous les animaux que j’avois à ma disposition,
et de toutes les personnes que j’étois à même d’observer, pour
apprendre en vertu de tjuel organe l’animal et l’homme contractent un
mariage pour la vie. Le mariage a été institué par l ’auteur de tout ce qui
existe, mais il n’est guère possible que ce ne soit pas au moyen d’une organisation
particulière. Cependant je suis toujours en doute si mes
idées à cet égard sont entièrement conformes à la nature. Ici je suis
obligé de me contenter de vraisemblances, et toutes les fois que je ne
puis m’appuyer de faits à chaque pas, je n’avance qu’avec la plus’grande
timidité.
La plupart de mes lecteurs n’ont pas l’idée que le mariage existé chez
les animaux, et l’on ne le regarde , chez notre espèce, que comme un
produit des institutions sociales. L’homme ne veut toujours: pas se persuader
encore que, de quelque manière qu’il agisse, c’est le doigt de
Dieu qui lui imprime le premier mouvement.
Certains animaux, tels que le taureau, l ’étalon, le chien, nes’appro-
chent de la femelle de leur espèce que lorsqu’ils ressentent le besoin
de s’accoupler, ne satisfont pas leurs désirs exclusivement avec une
seule, et ces désirs satisfaits, il n’y a plus aucun attachement entre le
mâle et la femelle, chacun d’eux va vivre de son côté.
D’autres animaux, au contraire, dès qu’ils sentent naître les désirs
amoureux, font choix, entre plusieurs femelles, d’une seule vers laquelle
ils paroissent attirés par une espèce de sympathie, et jusqu’à
ce qu’ils en aient acquis la paisible possession, ils combattent avec ardeur
les autres mâles qui prétendent leur disputer la conquête de celle
qu’ils ont choisie. Dès ce moment, l’union est conclue pour la vie. Conjointement
avec leur compagne, ils soignent les petits nés de cette
union, jusqu’à ce que ceux-ci soient en état de pourvoir eux-mêmes à
leur subsistance. Lorsque le temps de la propagation est passé, le couple
reste dans l’union la plus tendre; il fait ensemble ses voyages; lorsque
ce sont des animaux qui vivent en troupeaux, ils se tiennent toujours
l’un près de l’autre. Au printemps, ils se livrent de nouveau à l’amour,
et ils continuent de même tant que l’un et l’autre existent. Ce n’est que
lorsque l ’un des époux a péri, que l’autre fait un nouveau choix. C’est
dans une union semblable que vivent le renard, la martre, le chat
sauvage, la taupe, l’aigle, l’épervier, le pigeon, la cicogne, le cigne',
le rossignol, le moineau, l’hirondelle, etc. Le mariage, pour la vie, est
donc commandé par la nature à tous ces animaux ; il le seroit aussi à
l’homme, si notre espèce, en raison de la multiplicité de ses penchans,
n’étoit pas sujette à tant d’exceptions.
Après cet exposé, le lecteur ne s’étonnera plus si je m’applique à rechercher
la cause organique de la différence qui existe à cet égard dans
le genre de vie, tant des animaux que de l’homme. Le mariage résulte-
t-il de l’action d’un organe unique? Résulte-t-il de l ’action simultanée
de plusieurs organes? Quel est l’organe, ou quels sont les organes dont
l’action le détermine?
M. le docteur Spurzheim croit pouvoir prononcer sur ces questions;
il pense que c’est l’attachement et l’amitié que le mâle et la femelle ont
l’un pour l’autre, qui les déterminent à ne point se quitter après que
l’instinct de la propagation est satisfait, et à rester unis même hors du
temps des amours ’.
Je serois bien tenté de professer la même opinion, mais j’avoue que
les faits me paroissent de nature à inspirer quelque méfiance. Le chien,
modèle de l’attachement parmi les animaux, et très-ardent dans ses
amours, ne vit pas dans l’état de mariage. Il est vrai que quelquefois
une chienne n’accorde ses faveurs qu’exclusivement à un seul chien
mais ces cas sont très-rares; et quant aux chiens mâles, je doute qu’on
ait jamais sujet de louer leur fidélité en amour. J’ai dit plus haut que
des boeufs, des chevaux sont susceptibles de beaucoup d’attachement,
tant pour d’autres animaux que pour l’homme, et cependant il ne paroît
' On dit même que chez le cigne sauvage l’attachement réciproque des deux
époux est tel, que lorsque l’un d eux périt, le survivant se condamne à un célibat
volontaire pour le reste de sa vie.
1 The physionomical System, of Doctor Gall and Spurzheim, 2'. édition, p. 3oo.