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d’ordinaire se nourrissent de graines, quoiqu’ils dévorent les insectes
avec avidité.
Je me borne icifcaux carnassiers proprement dits. Quoiqu’ils soient
tous destinés à dévorer d’autres animaux, il existe de grandes différences
relativement à leur instinct meurtrier. Plusieurs d’entre eux ne
tuent que les animaux nécessaires à leur subsistance. D’autres, au contraire
, tels que la belette et le tigre, etc., sans être poussés par la faim,
déchirent et tuent tout ce qu’il y a d’animaux vivans autour deux.
La différence qui existe à cet égard, d’un individu à l’autre , chez
les chiens, prouve, jusqu’à l’évidence, que la faim et la soif du sang
ne sont pas les seuls motifs qui déterminent les animaux à en tuer
d’autres. Tous les chiens sontcarnassiers; ils préfèrent la chair à toute
autre nourriture, et cependant il en est dans lesquels on remarque à
peine l’instinct carnassier, et qui, environnés d’oiseaux, de souris, de
lièvres, ne manifestent point l’envie de les détruire.
Que l’on ne m’objecte pas ici l’habitude et l’éducation. Je sais bien
que par l’éducation on peut habituer des chats à vivre en paix avec des
oiseaux, des souris, etc. Mais j’ai eu des chiens auxquels, dès leur première
jeunesse, je me suis efforcé d’inspirer le goût de la chasse de
ces animaux, et jamais je n’ai pu parvenir à leur donner cet instinct,
parce qu’une antipathie intérieure s’y opposoit.
D’autres chiens, au contraire, quoique nourris de substances végétales,
ayant même-de l’antipathie pour la venaison, témoignoient une
passion invincible pour la chasse, et une rage effrénée pour tuer toute
sorte d’animaux. Avec quelle passion n’étranglent-1—ils pas des chats, des
lièvres, des renards? etc. On remarque à cet égard, mémecbez les chiens de
chasse proprement dits, une grande différence d’un individu à l’autre.
Les uns apportent avec beaucoup de précautions à leur maître la perdrix
, la caille, le renard, le lièvre, etc. D’autres commencent toujours
par achever l’animal, quoiqu’on les ait châtiés souvent pour leur faire
perdre cette habitude.
J’ai déjà parlé ailleurs de l’un de mes petits chiens : il a été élevé par
une dame très-sensible , et ce n’est certainement pas l’éducation
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qui lui a inspiré l’instinct d’étrangler les animaux. Dès la première
heure que je l’eus chez moi, il se jeta sur tous les animaux
que j’avois dans ma maison, et les étrangla' l’un après l ’autre.
Un oiseau étoit-il sorti de la cage , il lui donnoit la chasse jusqu’à
ce qu’il tombât par terre épuisé de fatigue; alors il lè tüoit. Cent
fois je le châtiai très-sévèrement dans l’espérance de lui faire perdre
cette passion, mais en vain : il finit par devenir le héros du quartier;
beaucoup plus petit qu’un chat, il étoit la terreur de ces animaux; à
peine en apercevoit-il un, qu’il se couehoit devant lui à plat ventre, et,
au moment où le chat allongeoit un coup de griffe, il lui sautoit à la
gorge et ne le lâchoit plus qu’il ne fût mort. Plusieurs fois, mes
amis et moi, nous nous sommes amusés à laisser courir dans une salle
des rats, par douzaines; les chiens caniches les plus forts reculoient
souvent à leur attaque furieuse, et mon petit chien de dame trembloit
d impatience sur mon bras jusqu au moment où je le mettois par terre;
alors il couroit avec un grand sang-froid d’un rat à l’autre, et les tuoit
par un seul coup de dent à la nuque. Jamais il ne tournoit la tête pour
regarder un animal qu’il venoit de détruire. Souvent il guettoit un rat
pendant des semaines entières, et il finissoit toujours parl’attraper et le
tuer. Lorsqu’il apercevoit un rat d’eau dans la rivière, il s’élançoit du pont,
et ne regagnoit le rivage qu’après l’avoir pris, ou l’avoir perdu de vue.
Ces exemples prouvent que ce n’est pas la faim et la soif seules qui
poussent les animaux à en tuer d’autres.
Il est des auteurs qui taxent d’anecdotes et même de contes les faits
que je rapporte; ils trouvent ridicule qu’à l’appui de l ’organologie je
cite les qualités dun petit chien de dame; mais que pourroit-on alléguer
à lappui d une doctrine , si ce ne sont des faits, n’importe qu’ils
existent dans la musareigne ou dans l’éléphant?
La preuve de l’indépendance de ce penchant est d’autant plus forte,
quil est porte à un si haut degre d’activité dans un animal dont l’éducation
et la foiblesse corporelle font présumer tout le contraire.
Pour ne point être obligé d’interrompre l’histoire naturelle de ce
penchant chez l’homme, je décrirai de suite l’apparence extérieure de
1 instinct carnassier chez les animaux.