
relieur que les autres. Lorsqu’un troupeau d’animaux sauvages se trouve
menacé de quelque danger, c’est toujours le plus entreprenant qui- se
met à la tète; c’est toujours le mâle le plus courageux qui est le conducteur
des troupeaux de bisons et de chevaux sauvages.
Les mêmes différences ont lieu dans l ’espèce humaine ; les faits que
j ’ai rapportés dans l ’historique ci-dessus suffisent pour prouver cette
vérité. L ’expérience journalière concourt avec l’histoire , pour nous
montrer que le penchant pour les rixes et les combats se manifeste
souvent dès l’âge le plus tendre, sans être animé par l’exemple,et même
en dépit de l’éducation par laquelle on s’efforce de le comprimer. Tous
ceux qui ont été élevés dans une famille nombreuse, ou dans les institutions
publiques, doivent avoir rencontré des jeunes gens de ce caractère.
« Bertrand du Guesclin, connétable de#France, ne respiroit dès sa
plus tendre enfance, que les combats. 11 avoit formé un régiment d’enfans
de son âge, s’étoit nommé leur général, et les partageant en compagnies,
leur enseignoit l’art de se ranger en bataille. I l n’y a pas de pins mauvais
garçon au monde, disoit sa mère, il est toujours blessé, le visage
déchiré, toujours battant ou battu j il tenoit de son propre fond tout
ce qu il fit voir de génie militaire ».
Que l’on ne me dise pas que tous les soldats d’une armée montrent
le même courage ; que l’on peut le faire naître à volonté dans le premier
conscrit venu. Je n’ignore pas que chez l’homme les actions sont beaucoup
moins, que chez les animaux, le résultat d’une seule qualité
ou d’une seule faculté, l’effet d’un organe unique. Je sais aussi qu’un
organe qui dans, son état habituel n’agit que foiblement, peut être
excité à une action plus énergique par les boissons fortes , par une
musique guerrière, par l’exemple, par l’espoir des distinctions, par
l’amour de la gloire, par la nécessité même de se tirer d’un danger
imminent, etc.; mais il n’en est pas moins vrai que dans les régimens les
plus braves, l’on distingue encore des soldats plus intrépides et plus
téméraires que les autres.
Partout où il y a plusieurs hommes rassemblés, il se trouvera aussi
quelques perturbateurs du repos, quelques querelleurs, quelques
crânes qui tâchent de satisfaire leur penchant, même au mépris de
l’honneur et du devoir. Les savans qui trouvent partout sujet à une
amère controverse, et probablement aussi les plaideurs, appartiennent
à cette classe.
Aliénation de l’instinct de la défense de soi-méme et de
sa propriété.
Les phénomènes que l’on observe de l’activité de l’instinct de sa
propre défense dans l’état de maladie , surtout dans l ’aliénation
mentale, nous prouvent encore que ce penchant doit être considéré
comme une qualité fondamentale. Il est des individus qui, ayant trop
bu ; qui étant dans un état d’irritation, par exemple dans une inflama-
tion cérébrale, ou par l’action de certains poisons, deviennent querelleurs,
tandis que d’autres personnes, dans les mêmes circonstances, sont
plutôt disposées à jouir des plaisirs de l’amour, à faire des filouteries
, etc.
Que l’on se rappelle cet homme qui avoit été toute sa vie d’un caractère
doux et pacifique, mais qui étant guéri d’une blessure que lui avoit
fait à la tête un coup de pierre, devint querelleur, et disposé à provoquer
des rixes.
Nous avons vu que l ’instinct de la propagation et celui de l’amour de
la progéniture peuvent dégénérer en monomanie. La même chose peut
avoir lieu pour toutes les qualités'et toutes les facultés fondamentales
et a lieu très-fréquemment pour l’instinct de la défense de soi-même.
J’en citerai quelques exemples observés par M. Pinel.
« Un insensé, d’un naturel pacifique et doux, dit ce professeur, sem-.
bloit inspiré par le démon delà malice durant ses accès; il étoit alors sans
cesse dans une activité malfaisante ; il enfermoit ses compagnons dans les
loges, les provoquoit, les frappoit, et suscitoit à tout propos des .sujets
de querelle-et de rixe. Un autre exemple de cette sorte mérite encore