
« les autres corivalescens. Quatre nouvelles années d’épreuves sem-
« bloient rassurer, lorsqu’on vit tout à coup se reproduire ses idees
« sanguinaires, comme un objet de culte ; et une veille de Noël, U
« forme le projet atroce de faire un sacrifice expiatoire de tout ce qui
« tomberoit sous sa main; il se procure un tranchet de cordonnier,
« sais.it le moment de la ronde du surveillant, lui porte un coup par
« derrière qui glisse heureusement sur les côtes, coupe la gorge a deux
« aliénés qui étoient à ses côtés, et il auroit ainsi poursuivi le cours
« de ses homicides, si on ne lût promptement venu pour s’en rendre
« maître et arrêter les suites funestes de sa rage effrénée »< ( Ibidem,
« p. 1 1 9 ,1 2 0 ,§ i3o ) ‘ ».
Il n’est pas invraisemblable qu’une cause pareille ait concourru a
l ’assassinat de Henri IV. Ravaillac prit l’habit chez les Femllans; ses
idées, ses v i s i on s et ses extravagances le firent chasser du cloître: Accuse
d’un meurtre, sans pouvoir en être convaincu, il échappa au châtiment.
Quelques prédicateurs transportés de fanatisme, enseignoient
alors qu’il étoit permis de tuer ceux qui mettoient la religion catholique
en danger. Ravaillac, né avec un caractère sombre et une humeur
atrabilaire, saisit avidement ces principes abominables. H PrlCJ a
résolution d’assassiner Henri IV , que sou imagination echauffee
lui faisoit regarder comme un fauteur de l’hérésie, qui alloit taire la
guerre au pape. Il partit d’Angoulême six mois avant son crime, dans
l ’intention, disoit-il, de parler au roi, et de ne le tuer qu’autant qui!
ne pourroit pas réussir à le convertir, 11 se présenta au Louvre sur le
passage du roi à plusieurs reprises, fut toujours repoussé , et enfin s.eu
retourna. Il vécut quelque temps moins tourmenté par les visions qui
Vaeitoient. Mais vers Pâques, il fut tenté avec plus de violence que
iamais d'exécuter son dessein. Il vient à Paris, vole dans une auberge
un couteau qu’ il trouva propre à son exécrable projet, et s’en retourna
encore Etant près d’Etampes, il cassa entre deux pierres la pointe de
> J. II , Sect. III, p. 200, 20?,
DU CERVEAU, 223
son couteau dans un moment de repentir, la refit presque aussitôt,
regagna Paris, suivit le roi pendant deux jours. Enfin , toujours plus
affermi dans son dessein, il l’exécuta le i4 mai 1610.
Quel est dans de semblables cas le tentateur? C’est un état de maladie
et d’irritation extrême, ou bien c’est une activité trop grande et
funeste de l’organe carnassier. Les exemples de cette nature sont
tellement fréquens, que j’ai peine à concevoir comment les jurisconsultes
et les législateurs sont, jusqu’à ce moment, si peu instruits sur cette
matière; c’est pourquoi je me suis fait un devoir de la traiter avec tant
de détails dans la IIIe. Section du 2e. volume. Je la crois d’une telle
importance, que je ne saurois me dispenser d’engager mes lecteurs à
relire cette section. Je vois encore tous les jours que l’on traite de
crimes atroces des actions qui dans le fait ne sont que des événemens
très-malheureux, résultant d’une aliénation mentale. Je répété ici quelques
exemples que j’ai rapportés dans l’endroit cité ci-dessus.
« Nous connoissons une femme de vingt-six ans, atteinte de la même
maladie, (du penchant au suicide), elle a eu successivement tous les
symptômes de ce mal ; elle éprouve, surtout à l’époque des évacuations
périodiques, des angoisses inexprimables, et la tentation affreuse de se
détruire , et de tuer son mari et sesenfans, qui lui sont infiniment chers.
C’est en frémissant de terreur qu’elle peint le combat qui se livre dans
son intérieur entre ses devoirs , ses principes de religion, et l’impulsion
qui l’excite à l’action la plus atroce. Depuis long-temps elle n’avoit plus
le courage de baigner le plus jeune de ses enfans, parce qu’une voix
intérieure lui disoit; Laisse-le couler, laisse-le couler. Souvent elle
avoit à peine la force et le temps nécessaire pour jeter loin d’elle un
couteau quelle étoit tentée de plonger dans son propre sein, et dans
celui de ses enfans. Entroit-elle dans la chambre de ses enfans et de
son mari, et les trouvoit-elleendormis, l’envie de les tuer venoit aussitôt
la saisir. Quelquefois elle fermoit précipitamment sur elle la porte de
cette chambre, et elle en jetoit au loin la clef, afin de n’avoir plus la