
sans contredit, occasionner des maladies inflammatoires, et surtout
une inflammation et une surirritation du cervelet, et produire par conséquent
la manie érotique aiguë. Mais il est bien rare, je crois, que
cette vertu soit poussée au point de devenir la cause d’une maladie aussi
déplorable. La nature a tant de moyens de diminuer la trop grande
abondance de la liqueur séminale, même satis le concours de l’individu
, que ce genre d’aliénation ne doit être à craindre que très-
rarement. Croyez-en celui qui sonde les coeurs et les reins 5 il n’est
pas bon que l’homme soit seul. Souvent on articule comme cause
d’une maladie, une continence excessive, lorsqu’on ne devroit en
chercher la cause que dans une débauche secrète. Un évêque qui
édifioit son diocèse par une vie exemplaire, tomba, vers sa soixantième
année , dans une mélancolie accompagnée d’une foiblesse d’esprit
manifeste. Tout le monde déplbroit le malheur si peu mérité du saint
homme ; il mit sa confiance en moi; je sortois souvent avec lu i, tant à
pied qu’en voiture ; toutes les fois que nous rencontrions une jeune fille,
il soupiroit profondément; aussi souvent qu’il voyoit un couple heureux,
il meserroit la main avec chaleur , en s’écriant : Quelle est leur félicité !
J’allai au-devant des aveux qu’il pouvoit avoir à me faire ; je l’entretins
sur le ton de l’amitié , du bonheur que goûtent des époux dans un
mariage bien assorti, de l’intention du Créateur empreinte dans toutes
les oeuvres de la création. Le voile tomba, et me laissa voir l’homme ;
le pieux évêque m’avoua qu’il étoit du nombre de ceux qui pêchent sept
fois par jour.
La maniaque dont parle M. Pinel, pavoît avoir été dans le même cas.
« C’est quelquefois, dit-il, un excès opposé, c’est-à-dire des penchans
vivement irrités, et non satisfaits, qui peuvent aussi jeter dans un égarement
complet de la raison. Une mélancolie tendre, et des inquiétudes
vagues, dont l’objet n’étoit ni méconnu ni dissimulé, distinguèrent
à vingt ans une personne douée d’une constitution forte, et d’une
vive sensibilité ; tout concourojtà enflammer son imagination : lecture
assidue des romans les plus galans, sorte de passion pour toutes les productions
des arts dans le genre érotique, fréquentation habituelle des
jeunes gen6 des deux sexes , dont les uds la charment par des agrémens
personnels, et toute la séduction de la galanterie, les autres par des
exemples dangereux, et des confidences indiscrètes. La coquetterie la
plus raffinée est érigée alors en principe, et devient une occupation sérieuse
; son orgueil, flatté des moindres prévenances, les I ui fait regarder
comme un triomphe assuré, dont elle ne cessoit de s’entretenir ou de
faire l’objet de ses rêveries, jusqu’à ce qu’une nouvelle aventure fit
oublier la première. Une faute paroissoit inévitable, ou du moins très-
à craindre, et les parens se hâtent de conclure un mariage fondé sur
certaines convenances. L’époux choisi étoit d’un âge mûr, et malgré les
avantages de sa stature et d’une complexion forte, peut-être moins
propre à satisfaire qu’à irriter ses désirs. La mélancolie de la jeune dame
dégénère en une sombre jalousie , et elle attribue à des infidélités, ce
qui n’étoit que l’effet de la débilité des organes. Une sorte de dépérissement
succède, les traits s’altèrent, et il se déclare un babil intarissable
, avec le plus grand désordre dans les idées, prélude, ou plutôt
signe manifeste d’une manie déclarée »'.
Familiarisé avec Tes foiblesses humaines, je suis disposé bien plutôt
à attribuer la manie érotique à des excès, qu’à une trop grande continence,
Ces excès produisent une irritabilité et une excitabilité du cervelet
telle, qu’il n’est plus au pouvoir de l’homme d’arrêter le torrent
des idées lubriques et des images voluptueuses qui vient fondre sur lui.
Mais comme la cause première agit avec d’autant plus de violence que
les autres facultés de l ’ame sont plus affoiblies, ce genre de manie dégénère
bientôt en démence, et en foiblesse générale de tout le corps.
Ici encore, je cite à l ’appui de mon assertion un exemple rapporté par
M. Pinel.
« Un jeune homme, d’une forte constitution, et né d’un père riche,
avoit atteint son accroissement complet vers la dix-huitième année de
l’âge, et ce fut à.cette époque de l ’extrême effervescence de ses sens,
qu’il commença à se livrer à ses penchans avec toute l’impétuosité d’un
Sur l'aliénation mentale, deuxième édition , p. 47 et 48, §. 58.
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