
l’effet de leur maladie mentale, la plus affreuseyle toutes les aliénations,
s’arrachent la vie, ne font-ils pas de même? La faculté de Vienne
ne savoit-ellè donc pas que les fous les plus furieux , au milieu de leurs
accès les plus forts, agissent d’une manière conséquente?
Le motif qui porta H*** à assassiner lès deux femmes, ne prouve
que sa folie.il étoit persuadé qu'elles l’avoient ensorcelé et rendu malheureux.
Certes, on ne pouvoit pas dire qu’il avoit assassiné par jalousie
la personne, objet de son amour; car qu’avoit-il à reprocher à
celle qui l’accompagnoit?
H*** en manifestant ses inquiétudes par le trouble et le désordre de
ses mouvemens, ne prouva point qu’il n’étoit pas fou; car lès fous les
plus furieux sont tourmentés souvent par les remords les plus amers
et les plus injustes. Une femme entroit tous les matins dans une colère
violente; ellq mettoit tout en pièces, et maltraitoit quiconque s’appro-
choit d’elle. Quand on lui mettoit le corset de force, elle se calmoit.
Elle se souvenoit très-bien de tout ce qu’elle avoit fait, et étoit si pénétrée
de repentir, qu’elle croyoit avoir mérité les çhâtimens les plus
rigoureux1.
Malheureusement, beaucoup d’aliénés peuvent être condamnés,
parce que durant les interrogatoires ils parlent et agissent raisonnablement.
Mais l’instant de l’interrogatoire n’est plus celui de l’action illégale
; et outre que les aliénés, comme nous l’avons fait voir, sont
conséquens dans leur folie, il se présente tous les jours des cas où le
désordre d'esprit n’a lieu que dans un seul'point.Tant que le côté malade
n’est pas touché, on ne remarque pas la moindre trace de folie dans
les entretiens qui roulent sur d autres sujets. Dans une espèce de folie
périodique » où les aliénés sont irrésistiblement entraînés au meurtre,
Pinel regarde même, comme signes diagnostiques, qu’ils ont la conscience
de l’atrocité de leur action, répondent juste aux questions, et
ne montrent aucun dérangement dans leurs idées et leur imagination.
■ Pinpl, l- c., p. 83-
Enfin, quoiqu’en dise la faculté de Vienne , ce qui prouve le désordre
extrême de l’esprit de H**, c’est qu’il ait choisi le théâtre pour exécuter
son projet; qu’il n’ait pas cherché à s’échapper, et qu il n ait fait
aucune disposition pour se sauver. Toute personne qui n’est pas folle,
ne peut agir ainsi à moins d’être incitée par le mouvement soudain
d’une passion fougueuse ; mais ce qui fait voir que H** n’a rien fait par
colère , ni par emportement, c’est qu’il a vaqué à ses affaires aussi tranquillement
qu’à son ordinaire , et qu’il a dîné très-paisiblement. L ’acte
de rédiger par écrit les motifs de ses actions, précède fréquemment
les résolutions désespérées, même dans le cas de suicide ; il fournit ici
la preuve la plus complette des tourmens qu’éprouvoit H**, et delà
persuasion où il étoit qu’il avoit le droit de se venger de deux sorcières-
impies.
Il me semble, au reste, que le juge ne doit pas entièrement négliger
de prendre en considération les préjugés qui peuvent avoir déterminé
le crime. Ils sont au nombre des mobiles qui donnent naissance
à l’action, et doivent, dans beaucoup de cas, être des motifs
atténuans, et dans d’aülres des motifs aggravans. S’il semble souvent
dangereux au juge de traiter avec douceur un criminel à cause des
préj ugés dont il est imbu, les gouvernemens sont dans l’obl iga tion encore
plus indispensable d’extirper les préjugés nuisibles. Disons avec Beccaria
-, que l’on ne peut proprement appeler une peine juste, c’est-à-
dire nécessaire, tant que la loi n’a pas employé, pour prévenir le délit,
les moyens les plus convenables dans les circonstances où se trouve une
nation.
Continuation de l'instinct du meurtre dans l’état d’aliénation
mentale.
a Un boulanger de Manheim qui) dès sa jeunesse a montre dans
‘ Beccaria, des délits et des p eines, p. 36.
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