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m Attachement, amitié.
Historique de la découverte.
On m’engagea à mouler, pour ma collection, la tête d’une dame qui
etoît, me dit-on, le modèle de 1 amitié. Je la moulai, plus par complaisance
que dans l’espoir de faire quelque découverte, et je m’appliquai
à en rendre tous les détails. En examinant cette tête, je trouvai
deux grandes proéminences en segment de sphère, à côté de l’orgaue
de 1 amour de la progéniture. Comme jusque-là je n’avois jamais vu ces
proéminences, qui cependant étoient manifestement formées par le cerveau,
et tres-symetriques, je dus les regarder comme un organe cérébral
: mais quelles sont les fonctions de cet organe?
Pour me mettre à même de saisir quelque aperçu à cet égard, je pris,
chez tous les amis de la dame, des informations sur ses qualités et ses
facultés. Je tâchai d apprendre d elle-même quels penchails et quelles
facultés elle pensoit avoir. Tout s accordoit à me confirmer qu'elle avoit
un attachement inviolable pour ses amis. Quoique sa fortune eût
éprouvé de grands changemens, à différentes époques, et qu’à plusieurs
reprises elle eut passe de la pauvreté aux honneurs; ses sentimens pour
ses anciens amis ne s’étoient jamais démentis. Ce trait caractéristique
m’avoit frappé. L’idée me vint que la disposition à l’attachement
pouvoit bien aussi être fondée sur un organe cérébral particulier.
Cette idée acquit d’autant plus de probabilité pour moi, que les.proé-
minences que j’avois remarquées dans la tête de la dame, étoient placées
immédiatement au-dessus de l’organe de l’amour physique, et à côté de
celui de l’amour de la progéniture, et que cé^trois sentimens ont quelque
analogie entre eux. Quelle que soit la difficulté de faire des observations
exactes dans l’homme, sur l’organe en question et sur ses
fonctions, l’idée que l’attachement et l ’amitié dépendent d’un organe
cérébral particulier acquiert un degré de vraisemblance tel, qu’il équivaut
presque à la certitude.
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Histoire naturelle de Vattachement et de l’amitié chez
l’homme et chez les animaux.
L’on m’accuseroit avec raison de calomnier la nature humaine, si je
mettois en doute que le penchant à l’amitié est une qualité essentielle
à l’homme. Il n’est personne qui, fort du témoignage de son coeur, ne
rejette avec dédain l’idée abjecte que c’est le seul besoin de secours
mutuels qui attache les hommes les uns aux autres ; que l’état de société
n’est dû qu’à l’intérêt et à l’instinct de la propagation. L’histoire ne nous
offre-t-elle pas des exemples du plus noble dévouement, d’amis se
livrant en otage pour leur ami? d’amis mourant pour leur ami? La
fidélité inviolable dans l’amitié commande quelquefois notre admiration
pour les criminels, même les plus dépravés. On en a vu supporter
les tortures, et braver lamort plutôt que de trahir la foi qu’ils avoient
jurée à leurs complices.
Mais ici encore il y a une grande différence, tant d’un individu à
l’autre, que d’une nation à l’autre. Il est des hommes pour qui leur
moi est tout dans le monde entier. L’univers s’écrouleroit, qu’ils reste-
roient insensibles à sa ruine, pourvu que ses éclats ne les blessent pas.
Celui qui connoît l’amitié, s’épanouit dans le monde extérieur. Il ne se
sent heureux que dans un cercle d’amis; son ami est pour lui le bien
suprême; il est prêt, à chaque instant, à tout faire, à tout sacrifier
pour lui, mais il en attend les mêmes sacrifices. Le bonheur de son
ami est le sien propre, et ses chagrins deviennent ceux de son ami; son
coeur est inaccessible à l’envie et la malignité.
Où peut-on couler des jours plus heureux, qu’au sein d’un peuple
chez lequel l’amitié est une vertu journalière? Dans un banquet, dans
un cercle, partout on trouve des amis, partout le coeur s’épanche, et
partout on est payé de retour. Le maître, le subordonné, les domestiques
ne forment qu’une seule famille; la félicité de l’un est l’affaire la