
Par. conséquent j la cause de l’époque de la menstruation n’existe
pas dans l’individu. Elle est universelle; c’est une loi de la nature qui
gouverne tous les êtres subordonnés à ce phénomène. La lune n’y est
pour rien : car dans cette supposition, comment les deux grandes époques
pourroient-elles avoir lieu? Les époques elles-mêmes coïncident
avec toutes les phases de la lune. Souvent, au printemps, toutes les
femmes avancent tout d’un coup; à l’automne, souvent elles retardent
de même de quelques jours encore par une influence générale, tandis
que chacune accuse pour son compte une cause particulière.
Voyons maintenant jusqu a quel point les hommes sont sous l’empire
de la même loi. Les hommes aussi sont sujets à un dérangement critique,
qui coïncide toujours avec l’époque de la menstruation des
femmes. Les individus jeunes et robustes ne s’en aperçoivent pas facilement,
à moins qu’ils ne s’observent avec une attention particulière.
Riais les hommes d’une constitution foible, fatigués par des souffrances
habituelles ou par des maladies , ou doués d’une grande irritabilité, ou
ceux qui ont passé l’âge de la vigueur, éprouvent dans l’espace de
quatre semaines, pendant un, deux, trois jours , un certain malaise,
dont ils ne sauraient se rendre compte: ils sont enclins à une espèce
de mélancolie, de mécontentement; ils sont de mauvaise humeur, peu
dispos au travail ;les idées naissent et se coordonnent difficilement; le
teint devient terne , l’haleine forte ; quelquefois les urines se troublent,
la digestion se fait plus difficilement. Ceux qui sont tourmentés par
les^hémorrhoïdes , le sont davantage, ou seulement dans cette même
époque. Tous ces accidens disparoissent après un, deux, trois jours,
sans qu’on y ait contribué en la moindre chose.
Je serais tenté de conclure de ce fait, que l’évacuation menstruelle
chez les femmes n’a pas seulement pour but de les préparer à la conception
, mais aussi de les débarrasser de certaines humeurs hétérogènes,
qui s’accumulent pendant l ’espace de quatre semaines. Cette
idée reçoit un degré de plus de probabilité par l’observation de M. Frédéric
Cuvier. Ce savant naturaliste s’est aperçu que les femelles des
animaux, au Jardin du Roi, éprouvent tous les mois, pendant quelques
jours, une certaine effervescence, une évacuation critique par
les parties sexuelles, quoiqu’elles n’entrent pas assez en chaleur,
pour désirer ou pour admettre le mâle. Il trouve cette découverte confirmée
depuis plusieurs années. Je ne sais pas si ces fausses chaleurs
des femelles de ces.animaux sont aussi en rapport avec la menstruation
des femmes et des singes femelles.
Quel avantage résulte-t-il de ces observations pour le médecin ,
pour le moraliste et pour le jurisconsulte?
L ’accouche&ent a ordinairement lieu pendant les jours où la femme
serait réglée pour la dixième fois, s’il n’y avoit pas eu d’interruption.
Les accoucheurs ont toujours observé que dans certains temps du mois,
les accouchemens sont très-frequens, tandis que dans d’autres temps ils
sont rares.
Les fausses-couches ne sont guère à craindre que pendant le terme
d une époque. C est alors qu au moindre indice il faut employer tous
les moyens pour les prévenir. Il est entendu qu’une violence quelconque
peut faire exception à cette règle.
G est encore a cette même époque que les femmes enceintes souffrent
plus qu’à l’ordinaire, des inconvéniens de la grossesse. Les malaises
, les maux de tête, les maux de reins, les étouffemens, la pesanteur,
les chaleurs, accompagnés de fièvre, toutes sortes de mouvemens
nerveux, les fleurs blanches, etc., etc., sont autant d’accidens qui,
laissés à la nature seule, disparoissent après le temps accoutumé de la
menstruation , pour se renouveler à une époque suivante. Ce sont ces
mêmes symptômes qui en imposent si souvent aux médecins et aux
jeunes femmes sans expérience. On veut intervenir, par toutes sortes
de moyens; par des saignées, par des sangsues;-on ordonne de soi-disant
caïmans ; et on se flatte d’avoir opéré le soulagement qui n’est dû qu’à la
nature. Outre qu’on se verrait dans la nécessité de répéter, presque à
chaque époque, le même traitement, on dérange l’ordre naturel de la
grossesse, on prive l’enfant de la partie la plus substantielle de sa nourriture,
on affoiblit la mère, on la dispose aux pertes de sang et aux
fausses-couches.
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