
vert, j’étois plongé dans l’ignorance la pins profonde. Jamais je n’avois
d’avance la moindre présomption, ni de ce que je finirois par trouver,
ni du lieu où je découvrirais le siège de l ’organe. Il falloit donc un
nombre considérable de faits pour me mettre sur la voie : combien de
fois j’ai été obligé de rejeter, après des années, ce qui m’avoit paru bien
établi ! Souvent j’étois tenté de renoncer à toute recherche de ce genre,
et de soutenir avec mes devanciers, qu’il est impossible de découvrir
les traces des opérations de l’ame,
Cependant, les observations sans nombre que j’avois faites depuis
mon enfance sur l’homme dans le commerce de mes frères et soeurs,
de mes camarades ; et sur les animaux de toute espèce, dont j’étois en-
touré, me réveillèrent de mon découragement; enfin la force des faits
devint assez puissante pour me convaincre d’une vérité nouvelle,' en
dépit de tous les préjugés que j’avois puisés au dehors, et des miens
propres,
C’est ainsi que la lumière vint m’éclairer peu à peu. Je découvris
tantôt une qualité ou une faculté fondamentale, tantôt une autre,
tantôt un organe, tantôt un autre. Maintenant qu’il y en a vingt-sept de
tracés sur le crâne, il est possible de deviner d’après quelles lois la
nature les a formés et disposés dans le cerveau, et ce sont surtout ces lois
qui deviennent pour moi un moyen nouveau de découvrir les qualités
et les facultés qui me sont encore inconnues, ainsi que leurs organes.
Je m’explique.
Toutes les fois que j’avois détermine une qualité ou une faculté quelconque,
à quelque degré d’activité que ce fût, et découvert son organe,
je marquois la place de l’organe, et j’en dessinois la forme sur le crâne.
Dans cette opération , je ne pus suivre d'autre ordre que celui dans
lequel je faisois mes découvertes, Je dessinai donc tantôt dans telle
région, tantôt dans telle autre, la forme de l’organe que je venois de
découvrir. C’est ainsi que naquit cette carte craniologique dont on a
répandu dans le public tant d’éditions, exécutées presque toutes, sans
aucune connoissance des principes, Après que j’eus considéré mille fois
ce dessein, je fus frappé enfin des grandes vérités suivantes ;
DU CE H V E AU. 79
i°. Les qualités et les facultés qui sont communes à l’homme et aux
autres animaux , ont leur siège dans les parties cérébrales également
communes à l’homme et aux brutes. Toutes les fois donc qu’il s’agit
d’une qualité ou d’une faculté commune aux bêtes et à l’homme, il faut
en chercher l’organe dans les parties inférieures-postérieures, posté-
rieures-inférieures, ou inférieures-antérieures du cerveau. De ce nombre
sont, par exemple, l’instinct de la propagation, l’amour de la progéniture,
l’instinct de la propre défense, des approvisionnemens, de la
ruse, etc,
2°. Les qualités ou les facultés dont l’homme jouit exclusivement, et
qui forment la barrière par laquelle il est séparé de la brute, ont leur
siège dans des parties cérébrales dont les bêtes sont privées, et il faut
les chercher en conséquence contre les parties antérieures-supérieures,
et supérieures-antérieures du frontal. De ce nombre sont, par exemple ,
la sagacité comparative, la profondeur de jugement, l’esprit, le talent
poétique, la réceptivité pour les idées religieuses. 3°. Plus les qualités et les facultés sont indispensables, plus leurs
organes sont placés vers la base du cerveau, ou vers la ligne médiane.
Le premier et le plus indispensable de tous les organes, celui de l’instinct
de la propagation, est placé le plus près de la base ; suit celui de
l’amour de la progéniture, etc. L’organe du sens des localités est plus
indispensable que celui du sens des tons, et que celui des nombres;
aussi les deux derniers sont-ils situés plus loin de la ligne médiane
que le premier. Donc, plus une qualité ou une faculté est essentielle,
plus il faut chercher son organe près de la base, ou près de la ligne
médiane. Les organes moins indispensables sont placés plus vers le
haut et les côtés. Si j'avois encore à découvrir l’organe du talent poétique,
ce n’est, conformément à ce principe, ni à la base, ni vers la ligne
médiane que je le chercherais. 4°. Que les organes des qualités et des facultés fondamentales qui se
prêtent secours mutuellement, sont placés aussi les uns près des autres ;
par exemple l’organe de la propagation et de l’amour de la progéniture;
de la propre défense et de l’instinct carnassier; des tons et des