
Le triomphe de la nouvelle division des facultés de
l’ame consiste en ce que M. Spurzheim range parmi les
facultés intellectuelles le toucher, le goût, l’odorat,
l’ouïe et la vue. Après avoir traité les penchans et les
sentimens à sa manière, il commence l’exposition des
facultés intellectuelles par celle des cinq sens externes.
Ici encore il a copié ce que j ’ai dit dans le premier volume,
sur les fonctions des cinq sens. M. Spurzheim sait
pourtant bien que les facultés intellectuelles existent indépendamment
des cinq sens; que l’intelligence n’est
nullement proportionnée ni au nombre ni à la perfection
des sens. Si les sens fournissent des matériaux aux
facultés intellectuelles, ils en fourniront autant aux penchans
et aux sentimens. Voilà à quoi conduit la manie
de l’innovation !
Voyons enfin si la tendance morale dans l’ouvrage de
M. Spurzheim est plus pure que celle que j ’avois, il y a
dix ans, adoptée dans mon traité sur les dispositions
innées. J’ai eu grand soin d’écarter toutes les discussions,
qui auroientpu intéresser une religion quelconque. Jamais
je n’ai parlé de la nature de l’ame, mais seulement des
conditions matérielles, à l’aide desquelles elle manifeste
ses facultés. Je n’ai nulle part touché à un dogme de religion.
Mais j ’ai prouvé rigoureusement que toutes nos
dispositions morales et intellectuelles sont innées; que
parmi ces dispositions il y* en a dont une activité excessive
produit un penchant impérieux à des actes illicites
et pernicieux, tels que la lubricité, la querelle, la perfidie,
le vol, etc.; et qu’ainsi le mal moral existe dans
l’homme, de même qu’à l’égard d’autres dispositions,
existe le bien moral. J’ai démontré que sans ces tentations,
sans ces penchans au mal, il ne pourroit y avoir
aucun acte méritoire, puisque la vertu consiste essentiellement
dans la victoire que. l’homme remporte sur
ses mauvais penchans. Enfin, j ’ai distingué les penchans,
les désirs, les velléités, dont l’homme n’est pas maître,
et dont par conséquent il n’est point responsable * d’avec
la volonté, le libre arbitre, qui, dans l’état de santé,
détermine seul les actions, et entraîne la responsabilité.
J’ai prouvé la liberté morale, et j ’ai déduit de toutes mes
propositions, comme résultat immédiat, la nécessité de
l’éducation, de la morale, de la religion, de punitions et
des récompenses; en un mot, de tout ce qui peut devenir
un motif pour faire le bien, quand même il seroit contraire
à nos penchans ; et pour éviter le mal vers lequel
nous nous sentons entraînés.
Cette doctrine est pure, franche, intelligible à tout
le monde, professée par les philosophes et les moralistes
de tous les temps, enseignée par les pères de l’église,
sentie dans tous les coeurs, supposée et confirmée