rison, c’est quand ils commencent à entrevoir le ridicülé èt le faux de
leurs prétentions, et qu’ils deviennent dociles aux remontrances et aux
raisonnemens des surveillans et des médecins.
» Un homme, dans la vigueur de l’âge, renfermé à Bicêtre, croit
être roi, et s’exprime toujours avec le ton du commandement et de
l’autorité suprême. Il avoit subi le traitement ordinaire à l’Hôtel-Dieu
où les coups et les actes de violence n’avoient fait que le rendre plus
emporté et plus dangereux. Un jour, il écrivoit à sa femme une lettre
pleine d’emportemens, et l’accusoit avec amertume de prolonger sa
détention pour jouir d’une liberté entière. Il la menaçoit d’ailleurs de
tout le poids de sa vengeance. Avant d’envoyer cette lettre il en fait
lecture à un autre aliéné convalescent, qui improuve ces emporte-
mens fougueux , et lui reproche , avec le ton de l’amitié, de chercher
à réduire sa femme au désespoir. Ce conseil sage est écouté et accueilli;
la lettre n'est point envoyée ; elle est remplacée par une antre pleine
de modération et d’égards. Le surveillant de l hospice, instruit de cette
docilité à des remontrances amicales , y voit déjà les signes manifestes
d’un changement favorable qui se prépare; il se hâte d’en profiter, se
rend dans la loge de l’aliéné pour s’entretenir avec lu i, et il le ramène
par degré au principal objet de son délire. «Si vous êtes souverain,
« lui dit-il, comment ne faites-vous pas cesser votre détention, et
a pourquoi restez-vous confondu avec des aliénés de toute espèce » ?
11 revint les jourssuivans s’entretenir avec lui, en prenant le ton de la
bienveillance et de l’amitié ; il lui fait voir peu à peu le ridicule de
ses prétentions exagérées, lui montre un autre aliéné convaincu aussi
depuis long-temps qu’il étoit revêtu du pouvoir suprême, et devenu
un objet de dérision. Le maniaque se sent d’abord ébranlé ; bientôt il
met en doute son titre de souverain, enfin il parvient à reconnoître
ses écarts chimériques. Ce fut dans une, quinzaine de jours que s’opéra
cette révolution morale si inattendue; et après quelques mois d’épreuve,
ce père respectable a été rendu à sa famille '.
* Traité de l’aliénation mentale, par M. Pinel, a*, édition, p„ 354-
Certes , l’aliénation mentale prouve donc que l’orgueil est une qualité
fondamentale , affectée à un organe particulier du cerveau.
Siège et apparence exterieure de l'organe de l’orgueil.
Les preuves que j’ai rapportées dans l’historique de la découverte
de l’organe de l’orgueil ne me paroissant pas suffisantes
pour établir le siège et l’apparence extérieure de cet organe, je
rassemblerai des faits nouveaux pour prévenir encore le reproche
de soutenir gratuitement des paradoxes. Dans l’exposé que l’on va
lire, je suis obligé de me restreindre à un petit nombre de faits,
tout comme pour les autres organes; mon but est rempli si ceux que
je rapporte mettent les naturalistes en état de faire eux-mêmes des
observations ultérieures.
Cet organe est formé par les circonvolutions du cerveau ^ x i i ) ,
placées dans la ligne médiane, immédiatement derrière et au dessous
du sommet de la tête; et c’est par celte raison qu’il ne se manifeste à
la ursface du crâne que par une protubérance allongée unique, quoiqu’il
existe dans chacun desr hémisphères. Voy. le xri, dans les cerveaux,
PI. IX , PI. XI. PI. XII, et dans le crâne PI. XXX. Ce n’est que
dans le cas où les deux hémisphères sont un peu écartés, que cet organe
se présente double à la surface de la tête.
Je commence par un exemple qui a beaucoup de rapport avec celui
de mon mendiant. Un jeune homme, doué de facultés intellectuelles
au-dessus du médiocre, avoit montré , dès-sa première enfance, une
hauteur insupportable. H soutenoit constamment qu’il étoit de trop
bonne maison pour travailler et pour s’appliquer à quoi que cé soit.
Bien au monde ne pouvoil le corriger de son travers. On l’avoit mis
pour dix-huit mois dans une maison dè correction à Hairia.
Un médecin deVienne, homme très-aimable, poussoir la fierté à
un tel point, que toutes les fois qu’il étoit appelé à une consultation,
même avec des médecins plus anciens que lu i, ou avec des professeurs
publics, il prenoit toujours le pas-, tant pour entrer dans la salle que