
PHYS IOLOGI E
vent tantôt en plein champ, tantôt dans des taillis, suivant qu’ils sont
poursuivis par des chiens courans ou par des limiers ; font lever d’autres
cerfs et d’autres lièvres; accélèrent leur fuite, la retardent lorsque le
danger ou que le besoin de ménager leurs forces l’exige. Qui n’a pas
observé avec quelle ruse l’écureuil et le pivert tournent autour d’un
arbre; comme la martre s’étend sur une branche, et reste immobile,
pour se dérober à la vue du chasseur ?
Rarement le renard et le loup, à moins que la faim ne les y force,
mettent à contribution le voisinage; jamais ces animaux n’oublient
qu’ils doivent se tenir en garde contre les pièges. Lorsqu’ils sont avertis,
par le vent, que leur proie est près d’eux, ils se glisssent à pas lents;
lorsqu’elle estencore éloignée, ils volent pours’en rapprocher. Souvent
lorsqu’il y en a plusieurs qui font la chasse en commun, après avoir reconnu
soigneusement le chemin qu’a pris le chevreuil , le cerf ou le
lièvre , ils se partagent en détachemens pour mettre plus facilement
leur victime aux abois. Dans le cirque de Vienne, on mettoit assez souvent
plusieurs canards dans un réservoir, puis on làchoit sur eux quelques
ours. Du moment où un ours entroit dans l’eau, on ne voyoit plus
de canard. Lorsqu’enfin, après bien des efforts, un ours avoit réussi à
joindre un canard , celui-ci faisoit le mort au point de paraître roide
et glacé. A peine l'ours l ’avoit-il déposé à terre , que le canard rega-
gnoit l’eau avec une grande vitesse. Je m’arrête, car je ne finirais
jamais si je voulois rapporter seulement la dixième partie des faits qui
me sont connus relativement aux ruses des animaux.
Chez l’homme, la ruse se manifeste de différentes manières dès l’enfance.
Il y a des enfans, par exemple, qui sans avoir contracté cette
habitude par leur éducation , mentent à tout propos et sans nécessité,
dénaturent tous les faits, et ne font jamais que des rapports controuvés,
quoiqu’il fût plus commode pour eux de dire la vérité.
Qui nous peindra toutes les ruses, tous les traits d’hypocrisie, toute?
les fourberies, tous les parjures des riches et du pauvre, du fort et du
foible , du bourgeois et du guerrier, du prêtre et du laïque b,«,Partout
l'homme rusé et hypocrite fie Courtisan de la Bruyère 1 tâche d’être
D U C E R V E A U . 2 g 3
maître de son geste, de ses yeux et de son visage; il est impénétrable,
il dissimule les mauvais offices, sourit à ses ennemis, contraint
son humeur, déguise ses passions, démentson caractère; parle,
agit contre ses sentimens : tous ces grands raffinemeris ne sont qu’un
vice qu’on appelle fausseté ».
Tout le inonde sait qu’il n’y a que certaines personnes qui trouvent
du plaisir à l’astuce, à la dissimulation, à la perfidie, à la fausseté, à la
circonvention, à la duplicité et au mensonge, et que d’autres au contraire
agissent avec droiture, et parlent avec franchise. Tout ce que je
puis dire de particulier sur cette matière, c’est que ni le caractère de
l’homme caché , rusé, intrigant et perfide, ni celui de 1 homme franc
et droit, n est un résultat de leur seule volonté, mais que ces caractères
résultent absolument d’une organisation particulière.
Siège de l’organe de la ruse, et caractère par lequel il
se manifeste à Vextérieur.
Dans le cerveau, cet organe est placé au-dessus, et un peu en avant
de l ’organe de l’instinct carnassier. IX, PI. VIII et IX , PI. XL II forme
à la tête et au crâne une proéminence bombée et allongée qui s’étend
d’arrière en avant, et se termine à peu près à un pouce de l’arc superciliaire
supérieur. IX , PI. XXVIII.
Lorsque l’organe de l’instinct carnassier est très-développé, on pour-
'roit facilement le confondre avec celui de la ruse, si l’on ne faisoit pas
attention que ce dernier est placé plus haut, et avance davantage sur
les tempes ; et qu’au lieu d’être formé en segment de sphère, il est
allongé. Lorsque l’un et l’autre organe ont un haut degré de développement
, toute la partie latérale du crâne et de la tête forme en commun
une grande proéminence bombée, comme V I , IX, PI. XXVII.
Cet organe demande une étude particulière dans chaque espèce.
Chez le singe de l’espèce la plus commune, par exemple, il commence
au-dessus de la naissance du zygomatique , et s’étend en avant jusqu’à