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et des que j appercevois une différence marquée de la forme dans la
même région , j’abandonnois cette région. 11 faut avoir observé soi-
même, pour savoir combien de fois il est nécessaire de reprendre ces
recherches, afin de parvenir à trouver ce qu’il y a de commun dans
toutes ces têtes. Souvent je laissois sur ma table, pendant des mois
entiers, dix et jusqu’à vingt de mes plâtres; je les examinois journellement
dans différens momens, et dans les dispositions d’esprit les plus
différentes, jusqu’à ce qu’enfin je fusse frappé, et quelquefois au moment
où je m’y attendois le moins, de la protuhérance commune à
tous. Il est très-naturel qu’il en soit ainsi : aujourd’hui, on élimine tel
prétendu caractère que l’on vient de reconnoitre pour faux, et demain
tel autre. Ainsi, l’on se dit de jour en jour : ce n’est point ceci, ce n’est
point cela, ce n’est pas>ceci encore; et lorsque enfin tous les caractères
reconnus faux ont été mis de côté, le véritable se présente de lui-même.
Lorsque de cette manière l’on a découvert dans dix ou vingt têtes, un
caractère commun, on recourt avec une nouvelle ardeur aux moyens indiqués
ci-dessus. Ces plâtres de personnes vivantes sont d’un très-grand
secours. Par leur moyen, on se familiarise avec toutes les formes de
tête; il m’est souvent arrivé d’y découvrir des proéminences qui certainement
étoient formées par le cerveau, mais que jusque-là je n’avois
jamais aperçues, et dans le moment même, je commençois à les étudier
pour découvrir leur signification.
Cinquième n%oyen.
Comme dans mes recherches je n’avois pas pour but la cranîoscopie,
mais la découverte des fonctions des parties intégrantes du cerveau,
je devois m’attacher à connoître exactement, tant le siège que la forme
de chaque organe : or, dans les têtes des sujets vivans, les muscles, la
peau et les cheveux sont quelquefois tellement épais, qu’il devient très-
difficile dé juger avec précision des protubérances du crâne. Quelques
régions telles que la base, par exemple, ne sont pas susceptibles d’être
ni vues ni tâtées.
Cela me mit dans la nécessité de faire une collection de crânes; mais
comment m’en procurer? C’est une entreprise par laquelle on révolte
tout le monde. Supposé même que l’on puisse s’en procurer quelques-
uns dans les hôpitaux, dans les hospices pour les aliénés, dans les
maisons de correction : il sera bien rare, au moins, que l’on puisse
avoir des renseiguemens exacts sur la biographie des sujets; et combien
rarement ne trouve-t on pas des médecins assez complaisans pour favoriser
activement un genre de recherches, auquel la plupart d’entre
eux n attachent aucun prix? Avec de la persévérance, et grâces aux
facilites que me procura un ministre éclairé , je parvins cependant à
former une collection de crânes d’hommes très-remarquables. Plusieurs
personnes dont j ’avois moulé la tête, moururent; je comparai leur
crâne avec le plâtre moulé sur la tête vivante, et je rectifiai mes idées
sur la place et la forme des organes, tant dans le cerveau que dans le
crâne. En même temps, j’observai quelle différence a lieu dans la forme
des organes du sujet vivant au sujet mort. Cette collection, enfin, fut
l’occasion des recherches nombreuses que je fis sur les cerveaux des
idiots, des personnes en démence et des maniaques, enfin de sujets
attaques de maladies mentales de toute espèce, recherches qui me conduisirent
à faire des découvertes inappréciables sur ce genre de maladies.
C est ainsi que ma collection d.e crânes, qui n’est qu’un épouvantail
aux yeux du vulgaire, devint la source des découvertes les plus
utiles et les plus impor: antes.
Probablement, que de long-temps, aucun naturaliste ne rassemblera
une collection aussi riche que la mienne, Car l’organologie même donne
peu d’espoir que les hommes parviennent jamais à vaincre les difficultés
sans nombre que rencontre une semblable entreprise. Mais ceci ne doit
décourager personne ; une collection de plâtres , faite âveo discernement,
peut suffire, Que Ion rase les cheveux du cadavre , et que l'on
verse du plâtre sur toute la tête, de manière à former un creux perdu
de deux ou trois pièces, et l’on obtiendra le masque le plus fidèle. Beaucoup
de familles se prêtent volontiers à cette opération, et cela d’autant
plus, que c’est le moyen le plus infaillible de transmettre à la