
Comme cet organe suppose partout une intention, un plan conçu, il
joue aussi dans la société un rôle particulier. Il donne un but aux
paroles et aux actions les plus innocentes; tout est interprété différemment
, et l’on veut souvent nous rendre responsables des choses auxquelles
nous n’avons jamais pensé.
Les portraits de Caracalla, de Catherine de Médicis, de Claudine-
Alexandrine Guérin, de Tencin, qui tous avoient la passion des intrigues,
nous offrent des exemples de cette organisation.
Le développement de cet organe, comme celui de tous les autres,
est susceptible d’être favorisé par l’influence du climat, et peut-être
aussi par les occupations habituelles. L’astuce et le paijure paroissent
être le caractère dominant de certains peuples Çgroeca Jides ) , tandis
que d’autres se croient irrévocablement liés, lorsqu’ils ont frappé dans
la main à celui à qui ils font une promesse.
Je fais encore observer qu’il ne faut pas confondre ce caractère avec
celui de certaines personnes qui, faute de bon sens, ne se conduisent
jamais avec droiture et franchise ;-qui se plaisent à s’entortiller de détours,
et qui par là acquièrent la réputation de personnes intrigantes;
ce qui prouve que ce n’est pas l’intrigue qui les fait agir, c’est que. les
excuses qu'elles emploient, lorsqu’on les blâme, portent encore plus
que l’action elle-même l’empreinte de la sottise.
Quelle est la faculté primitive de cet organe? « Si je considère , dit
M. Spurzheim, les opérations mentales des hommes et des animaux,
qui offrent cet organe, surtout si j observe le langage naturel des êtres
rusés , il me paroît que la faculté primitive est l’instinct de cacher. Les
animaux rusés savent se cacher adroitement. Un chat fait semblant de
dormir, et s’empare d’un mets aussitôt que le cuisinier a le dos tourné;
il guette les souris sans faire aucun mouvement. Le chien, pour s’assurer
un os, lecache dans la terre. Les hommes rusés décèlent de mille
manières l’instinct à cacher. Ils plaident souvent le faux pour connoître
le vrai; ils exagèrent le bien pour apprendre le mal; ils donnent des
vertus supposées à ceux auxquels ils croient des défauts qu’ils désirent
savoir. La faculté primitive est donc toujours la même, soit que l’on
cache ses intentions, ses idées, des personnes ou des choses. Je propose
de nommer ce penchant secrétivité »,
Dans toutes ces actions des animaux et des hommes , je ne vois que
de la ruse, de la dissimulation. Pourquoi surcharger la langue de
termes dont personne ne devine le sens?
Sentiment de la propriété'. Instinct défaire des provisions.
Convoitise. Penchant au vol.
Historique.
Les commissionnaires et autres garçons du peuple dont j ’avois fait
yenir chez moi un très-grand nombre, s’accusoient souvent de larcin,
ou comme ils l’appeloient, de chiperies. Ils avoient un plaisir particulier
à me désigner les chipeurs-, et ceux-ci sortoient de la foule tout
fiers de leur savoir faire. Ce qui me frappa le plus, c’est que quelques-
uns de ces garçons manifestoient une horreur toute particulière du vol.
Ils aimoient mieux supporter la faim que d’accepter une part du pain et
des fruits que leurs camarades avoient volés. Les chipeurs se mo-
quoient d’une semblable conduite , et la trouvoient fort sotte.
Lorsque j’en avois réuni un grand nombre, je lespartageois souvent
en trois classes. J’en formois une des chipeurs, une autre de ceux qui
avoient le vol en horreur, et une troisième de ceux qui paroissoient le
regarder avec indifférence. En examinant leurs têtes, je fus très-étonné
de trouver que les chipeurs les plus passionnés avoient une proéminence
allongée, s’étendant depuis l’organe de la ruse, jusqu’au bord externe
de l’arcade supérieure de l’orbite; je trouvai au contraire cette région
plane chez ceux qui manifestoient une horreur du vol. Toutes les fois
que je faisais venir des sujets nouveaux, la même observation se cori-
firmoit. Chez ceux qui 11e manifestoient ni penchant ni horreur pour
le vol, cette région étoit tantôt plus, tantôt moins proéminente, mais
jamais autant que chez les voleurs déclarés.