
et aux gladiateurs. Nature a, ce crains-je, elle - même attaché :à
1 homme quelqu’instinct à l’inhumanité '. »
Il est donc prouvé par l’histoire naturelle de l’homme et des animaux
, pour l’homme non-seulement dans l’état de santé , mais encore
dans l’état de maladie, que l’instinct meurtrier ou carnassier est une
force primitive innée, par conséquent une qualité fondamentale résultant
d’une partie cérébrale particulière, placée immédiatement au-
dessus des oreilles, chez la plupart des carnassiers et des omnivores.
Ruse, finesse, savoir faire.
Historique.
Dans ma première jeunesse, je fus frappé du caractère et de la forme
de tête de l’un de mes camarades q ui, avec les bonnes qualités de l’ame
et de l’esprit, se distinguoit par ses ruses et ses finesses. Sa tête étoit très-
large au-dessus des tempes, et il la tenoit toujours penchée en avant.
Quoique ami fidèle, il trouvoit un plaisir extraordinaire à employer
tous les moyens possibles pour se jouer de ses condisciples, et pour les
mystifier. Sa pantomime étoit absolument l’expression de la ruse, telle
que je l’avois souvent observée dans les chats et les chiens, lorsque jouant
ensemble ils veulent donner le change à leur adversaire. Plus tard, j’eus
un autre camarade qui, au premier aspect, paroissoit la candeur même;
personne ne se fût méfié de lui ; mais sa démarche, sa conduite étoient
celles d’un chat qui guette une souris; il étoit faux, perfide, parjure ;
il trompa d’une manière indigne de jeunes personnes, ses amis, ses instituteurs
et ses parens; il portoit la tête de la même manière que l’autre ;
sa figure étoit très-belle , et son crâne extrêmement large au-dessus des
tempes. L ’un de mes malades, qui mourut de. la phthisie pulmonaire,
passoit généralement pour un très-honnêle homme; après sa mort, je
lus frappé de la largeur de sa tête dans la région temporale; peu après
‘Montaigne. — Essais. — Livre aychap. 2.
j’appris qu’il avoit escroqué des sommes considérables à toutes ses con-
noissances, et même à sa mère. A Vienne, je me suis trouvé très-souvent
avec un médecin rempli de connoissances ; mais qui, à cause de son caractère
fourbe , étoit généralement méprisé. Sous prétexte de faire un
commerce d’objets d’art, et de prêter sur gages, il vola tous ceux qui
mirent en lui quelque confiance. Il poussa ses escroqueries et ses fourberies
au point que le gouvernement avertit le public par la voie des
journaux, de se tenir en garde contre lui ; il avoit toujours mis tant de
finesse à duper son monde, que jamais on ne put le comlamner. Souvent
il m’a assuré, du ton d’un homme pénétré, qu’il ne connoissoit pas de
plus grand plaisir, pas de jouissance plus piquante que celle de faire
des dupes , et surtout de tromper les personnes les plus méfiantes.
Comme ce médecin avoit aussi la tête fort large dans la région temporale,
je dus tomber naturellement sur l’idée que la qualité essentielle
qui constitue ce caractère, la ruse, est une qualité primitive, et
quelle est affectée à un organe cérébral particulier.
Histoire naturelle de la ruse chez les animaux et chez
l’homme.
Les animaux employent d’innombrables ruses pour se procurer
leur nourriture, et pour échapper à leurs ennemis. Si l’on fait réflexion
que ces moyens sont précisément toujours les meilleurs, les plus appropriés
au but qu’il est question d’atteindre, et que les animaux qui les
emploient n’ont, sous tout autre rapport, que des facultés très-bornées
l’on sera obligé d’admettre en eux une forcé particulière , ou si l’on
veut me passer cette expression, un génie particulier qui les inspire.
Tout le monde connoît les ruses du genre des chats., de la martre, de
la fouine, du renard et des plongeurs. Qui croiroit que le cerf et le
lièvre trompent souvent le chasseur le plus expérimenté et les chiens
les plus exercés? Ils les engagent dans mille détours, franchissent les
buissons, des murailles même, reviennent sur l’ancienne trace, se san