
Je suis appelé auprès d’une jeune personne ou d’une femme , qui a
des attaques de nerfs bien plus fortes que de coutume ; qui crache du
sang avec une grande agitation, sans qu’antérieurement il se soit manifesté
aucune trace de maladie des poumons. Je sais, d’après mon journal,
que c’est l’instant où l’une des grandes époques va commencer, et je
rassure ma malade; je lui présage la prochaine éruption de ses règles;
et demain, ou après-demain, ma prédiction se trouve accomplie.
Les règles ont été supprimées par une cause quelconque. Les maux
qui en résultent deviennent urgens; on pallie, tant que les circonstances
le permettent, par des ealmans, des saignées, des sangsues,
des bains, etc. ; mais on n’obtient pas le retour des règles. Le médecin
observateur qui s’est familiarisé avec la marche régulière de la
nature, sait que tous les moyens tentés à contretemps restent sans
effets; il sait qu’il ne pourra réussir que quand la nature elle-même
réunira ses efforts à ceux du médecin. Il attend l’approche de la grande
époque, à laquelle sa malade appartient; et il obtient, par des moyens
très-simples et très-doux, ce que plutôt il n’auroit pu obtenir en employant
les moyens les plus actifs.
C’est aussi à ces mêmes époques que l ’irritabilité, l’excitabilité, la
sensibilité des femmes et des hommes, sont infiniment plus actives et
plus exaltées que dans l’état de santé. Les uns et les autres, à l’approche
de cette évacuation critique, sont susceptibles à l ’excès. Delà, des
scènes et des querelles domestiques, les souvenirs les plus fâcheux, lés
caprices les plus inexplicable^, etc. Il faut être philosophe, ou connoîre
à fond la cause matérielle de cette conduite extraordinaire, en prévoir
la fin prochaine , pour la supporter avec une charitable patience.
Maintenant, je puis me faire entendre sur cette question importante
: Pourquoi certaines causes de maladie, mêmes des causes organiques,
persistent-elles souvent, sans produire aucun mal; et jiour-
quoi, dans d’autres momens, ces mêmes causes déterminent-elles les
symptômes les plus alarmans?
J’ai cité plusieurs exemples qui prouvent que cet accroissement des
accidens se fait presque toujours remarquer à l ’approche de l’époque
critique. J’ai parlé d’un homme qui, à l’âge de six ans, setoit brisé
l’os frontal, qui depuis ce temps étoit sujet, tous les mois pendant
quelques jours, à des accès de fureur. Un autre homme se sentoit
aussi tous les mois, pendant quelques jours, un penchant violent à
commettre un homicide; et pour s’empêcher de se livrer à cet acto
malheureux , il se sauvoit toujours auprès d’un de ses amis, afin de se
faire enfermer pendant toute la durée de ce penchant désordonné. On
se rappelle ce soldat qui, par suite de violens chagrins, éprouva également
tous les mois, pendant quelques jours, une impulsion irrésistible
à tuer quelqu’un, et qui, averti par les premiers mouvemens de
cette fureur, se fit enchaîner pour se soustraire à ce crime. J’ai déjà
aussi parlé d’un certain Hallerau, qui croyoit avoir un démon à son
service. Pendant sa jeunesse, le démon ne l’avoit jamais abandonné;
mais dans un âge plus avancé, le démon n’étoit plus à ses ordres que
pendant quelques jours chaque mois.
De pareilles visions périodiques s’expliquent par le surcroît d’excitabilité,
qui imprime à toutes les fonctions un caractère d’exaltation,
et qui, après l ’époque critique , laisse souvent un affaissement et un
abattement d autant plus sensibles, que 1 excitation à été plus énergique
et plus durable. C’est ainsi qu’on comprend tous les accidens des soi-
disant lunatiques, les vertiges et les etourdissemens, les gonflemens et
les injections périodiques des vaisseaux capillaires chez des hommes
et des femmes affectés d’hémorrhoïdes ou d’irrégularité de la menstruation,
les accès périodiques de certaines aliénations mentales, les attaques
périodiques d’épilepsie et d’apoplexie , etc.
En traitant de l’infanticide , j’ai déjà rappelé l’attention de mes
lecteurs sur ce meme objet. J ai fait sentir combien dans' certains cas,
ce déplorable état de lame peut influer sur les actions d’une femme
malheureuse, au moment d’un accouchement douloureux, qui est en
même temps celui de cette excessive irritabilité.
Cette même époque devient souvent aussi funeste aux aliénés con-
valescens, surtout à ceux qui sont obsédés par le penchant au suicide.
A peine ont-ils passé quelques sepujines on quelques mois dans un