
Une dame très-spirituelle étoit tourmentée, également, depuis son
enfance, par les désirs les plus désordonnés; l’éducation très-soignée
qu’elle avoit reçue, fut seule capable de la sauver des démarches les
plus inconsidérées auxquelles la portoit la violence de son tempérament.
Lorsque dans un âge plus mûr, elle se trouva abandonnée à elle-même,
elle essaya tout pour satisfaire ses désirs brûlans, mais la jouissance ne
paroissoit que les irriter. Souvent elle se vit sur le point de tomber dans
la manie. Réduite au désespoir, elle abandonna sa maison, quitta la
ville, et se réfugia chez sa mère, dans une campagne isolée, où le défaut
d’objets, la plus grande sévérité de moeurs, et les soins du jardinage,
prévinrent l’éclat du mal. Après avoir habité de nouveau, pendant quelque
temps, une grande ville, elle se trouva menacée d’une rechute, et
elle se réfugia une seconde fois auprès de sa mère. A son retour, elle
vint me trouvera Paris, et se plaignit à moi comme une femme au désespoir.
Partout, me dit-elle, je ne vois que les images les plus lubriques;
le démon de la luxure me poursuit sans relâche en tous lieux;
à table, dans mon sommeil même ; je suis un objet de dégoût pour
moi-même ; oui, je le sens, je ne puis plus échapper à la manie ou à la
mort.
Je lui fis, en abrégé, l’histoire naturelle de l’instinct de la propagation;
je la rendis attentive à la forme de sa nuque. Quoique sa tête soit
très-grande, le diamètre de sa nuque surpasse la distance d’une oreille
à l’autre. Elle conçut la cause de son état; je lui conseillai de continuer
son voyage pour aller rejoindre sa mère, de varier ses occupations
pour diminuer l’activité de son cervelet; de se faire souvent appliquer
des sangsues à la nuque, pour modérer l’état d’irritation de cet organe T
d’éviter tous les mets, et toutes les boissons irritantes, etc.
Un homme avoit vécu plusieurs années dans un mariage très-bien
assorti , dont il étoit né plusieurs enfans, et il avoit acquis, par son
activité , une fortune honnête. Lorsqu’il se fut retiré des affaires, et
qu’il mena une vie-oisive, son penchant inné dominant gagna peu-à
peu le dessus. Il s’abandonna tellement à ses désirs, que jouissant
encore de sa- raison , il regardoit toute femme comme une victime
destinée à satisfaire sa sensualité. Du moment où il appercevoit de
la fenêtre une personne quelconque du sexe, il annonçait en toute hâte,
et avec l’accent de la joie, à sa femme et à ses filles, le bonheur qui
l’altendoit. A la fin, cette manie partielle dégénéra en manie générale,
et peu après il mourut dans l’hospice pour les aliénés de Vienne. Son
crâne prouve que son cervelet avoit acquis un développement très-
considérable, PI. XL. 1. 1.1.1.
M. Pinel rapporte un exemple tout semblable : « Un homme, dit-il,
avoit rempli, avec éloge, jusqu’à sa cinquantième année, des fonctions
publiques. Il s’excite alors une ardeur immodérée pour les plaisirs vénériens;
son regard est vif et animé; il fréquente des lieux de débauche,
se livre à tous les excès, et revient tour-à-tour dans la société de ses
amis, leur peindre les charmes d’un amour pur et sans taches. Son égarement
augmente par degrés, et on est obligé de le tenir enfermé. La
solitude exalte son imagination fougueuse; il peint en traits de feu les
plaisirs qu’il a goûtés avec ce qu’il appelle des beautés célestes; il s’ex-
stasie en parlant de leurs grâces et de leurs vertus; il veut faire construire
un temple à l’amour, et se croit lui-même élevé au rang des dieux:
ee furent-là- lés préludes d’une fureur violente avec délire » v
On voit, par ces exemples, que les personnes dont le cervelet a acquis
un développement plus qu’ordinaire , ont une disposition naturelle
à la manie érotique ; mais, ces exemples montrent aussi que l’extrême
activité de cet organe ne la produit réellement que dans le cas où
les personnes chez qui cette disposition a lieu, se livrent exclusivement
aux jouissances de l’amour physique ; tant il est sûr que les fréquentes
jouissances ne sont point un remède contre cette espèce-de manie.
Dans les hospices, nous avons trouvé constamment le cervelet très—
développé chez tons les sujets attaqués de manie érotique ;.et danstous,.
ceux qui étoient atteints d’une manie totale, se livroient irrésistiblement
à l’onanisme.
M. Esquirol nous fit voir le plâtre d’une femme-qui avoit été attaquée-
“De l’aliénation mentale, deuxième édition,.gage iû eti6,§. 18I