
Je fais observer ici qu’il n’est nullement de rigueur que l’organe carnassier
soit placé immédiatement au-dessus du méat auditif extérieur.
Chez certains animaux, surtout chez certaines espèces d’oiseaux, par
exémple chez la cigogne, le cormoran, et PL LXXI, le héron fig. 3 ,
la mouette, fig. 4 ) l’hirondelle de mer, fig. 5, 1e martin-pêcheur, fig. 6,
le méat auditif est reculé en arrière, et l’organe de l ’instinct carnassier,
placé immédiatement derrière les orbites, forme une proéminence
très-bombée sur les côtés VI.
En comparant les crânes d’oiseaux carnassiers avec les crânes de ceux
qui se nourrissent aussi bien d’animaux que de végétaux, on verra
que cette proéminence est moins saillante chezles derniers, par exemple
chez le canard, les différentes espèces de grives, PI. LXX I, fig. 7 et 8,
et chez les fauvettes; elle devient de moins en moins saillante, à mesure
que les oiseaux ont une préférence plus marquée pour les végétaux,
comme le cygne , l’o ie, le gros-bec , fig. 9 , le serin jaune, etc. : elle
est surtout frappante chez les oiseaux qui se nourrissent exclusivement
de substances animales, comme la spatule, fig. 10, le roitelet, fig. 11 ,
(motacilla troglodytes) etc., et PI. LX IV , le faucon et la cigogne,
fig. 11 et 12.
Que l’on fasse des comparaisons semblables entre des crânes de
mammifères, par exemple entre ceux du taureau, du cheval, de l’âne,
dubélier, du bouc, et de l'éléphant, du chameau, dulièvre et dulapin
PI. LX IV , fig. 5 et 6 , du cochon-d’Inde, PI. LXXII, fig. 5 , du rat de
prairie, fig. i,e tP l.L X X , du kangouroo,fig. 1 , du castor,fig. 7, de la
marmotte, fig. 8, etc., avec ceux du lion, du tigre, de l’hyène, du linx,
du loup, de l’ours, du phoque, et PL LXX, du raton fig. 4, PL LXXII,
de la taupe, fig. 2, de 1 hermine, fig. 4, de la belette, fig. 12, du putois.fig.
10, du furet, fig. 1 1 , de la fouine, fig. i 3 , de la martre, fig. 14, de la
musareigne, fig. 15, de la chauve-souris, fig. 16, etc.; partout on trouvera
la différence que j’ai indiquée.
Cette différence est d’autant plus marquée d’une espèce à l’autre,
d’un individu à l ’autre, que l’instinct carnassier est plus exclusivement
dominant. La partie cérébrale indiquée ci-dessus est sensiblement plus
du c e r v e a u . 207
grande dans l’aigle et dans le faucon, que dans le corbeau et dans la
pie ; plus grande dans la mésange , surtout dans celle de la grosse es-
pècé', que dans la plupart des oiseaux qui vivent d’insectes; plus grande
dans le roitelet * que dans le moqueur, plus grande dans le loup, que
dans le chien, plus grande dans le tigre. Pl. XXX III, fig. v , que dans
lion (même planche)-,fig. iv.
A Vienne, nous avions toujours des ours de deux espèces : on faisoit
combattre l’ours brun carnassier contre toute sorte d’animaux, et l’on
se contentoit de lâcher les chiens contre l’ours noir, espèce qui ne se
nourrit guère que de racines et de fruits. On voit ces mêmes variétés
au jardin du Roi à Paris. L ’ours carnassier brun a la tête beaucoup plus
large et beaucoup plus bombée au-dessus desoreilles, que l'autre espèce
(ours noir), chez laquelle la tête est bien moins large et bien plus
allongée 3.
Je possède une collection considérable de têtes de chats et de chiens ;
en la formânt, j’ai fait constamment attention au degré dans lequel l ’instinct
du meurtre se manifestoit chez chaque individu. Tous les bons chats
à souris, surtout ceux qui faisoient avec opiniâtreté la chasse aux rats
et aux oiseaux, ont cette région du cerveau et du crâne bien plus développée
que ceux qui se laissent nourrir dans les cuisines et dans les
appartemens. Il faut avoir comparé un grand nombre de crânes d’animaux
de la même espèce,pour se convaincre que la diversifé deleur forme
explique les différences de leur caractère. Les connoissances intuitives
que l’on acquiert par ces comparaisons opèrent en même temps la conviction
la plus complète de la toute-puissance des dispositions innées.
’ Il est connu que les me’sanges se mangent les unes les autres, surtout celles de
la grosse espèce.
‘ Lorsqu’on met un roitelet dans une volière avec d’autres oiseaux, il arrache
les petits des autres du nid, et les tue.
3 En Pologne, on appelle l’ours brun pfcrdeboer, ( ours aux chevaux), parce
qu’il attaque, de préférence, les chevaux. L’ours noir est appelé en Norwegegras-
hær, ( ours herbivore ) , parce qu’en été il se nourrit d’herbes et de feuilles d’arbre
; à 1 approche de l’hiver, il s’engraisse en mangeant des glands.