
pas que chez ces animaux, même dans l’état de nature, un male et une
femelle s’attachent particulièrement l’un à l’autre.
M. le docteur Spurzheim répond à cela que ces modifications dans les
moeurs proviennent d une simple modification de l’organe de 1 attachement;
le sens de l’odorat et du goût sont aussi, dit-il, modifiés différemment
chez les frugivores et chez les carnassiers.
Il est certain qu’il existe dans les differentes especes d animaux
des modifications de l’organe de l’attachement. Certains animaux ont
de la préférence, de l’attachement pour des individus de leur espèce,
d’autres se prennent d’amitié plutôt pour des animaux d une autre
espèce, ou pour l’homme; le chien par exemple ne s’attache quà son
maître et aux personnes que celui-ci a 1 habitude de voir : mais je n ose-
rois affirmer que le mariage puisse être expliqué uniquement par des
modifications de cette espèce. Il est de fait que l’organe de l’attachement
est placé près de ceux de l’instinct de la propagation et de l’amour
de la progéniture, et s’il existe un organe du mariage, il doit être placé
près de ces trois. L’instinct de la propagation et l’amour de la progéniture,
nous sont communs avec les animaux, les organes de ces pen-
chans doivent donc être au nombre des parties cérébrales dont les
animaux sont doués aussi bien que nous.
Il est certain encore que là où le mariage existe, il y a aussi attachement
et amitié; mais il n’est nullement vrai de dire que le mariage ait lieu chez
tous les animaux susceptibles d’attachement et d amitié. Les faits prouvent
même le contraire.
Si je pouvois avoir pleine confiance dans mes connoissances en histoire
naturelle, j’ëmettrois de mon côté une opinion.
Il me paroît que dans toutes les espèces où le mâle et la femelle concourent,
l ’un et l’autre, à soigner les petits, il y a mariage pour la vie ;
que dans les espèces, au contraire, où le mâle se contente de procréer
les petits, sans concourir en rien à leur éducation , la première femelle
venue lui sert à satisfaire ses désirs, et que le but essentiel de la nature
se trouve rempli sans le lien du mariage.
Les mâles de certaines espèces qui vivent dans l’état de mariage, ne
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sont pas capables d’aider à nourrir les petits; le chevreuil et le lapin de
garenne en sont un exemple; mais ils défendent la femelle et les petits
contre leurs ennemis, lèchent et caressent les petits, comme la mère.
Les perdrix vivent en famille, jusqu’au moment où les petits sont
capables de se propager; le mâle en est le conducteur ; lorsqu’il est
tué, la famille privée de son chef devient en entier la proie du chasseur.
Lorsqu’il échappe au danger, le chasseur ne réussit pas à faire lever la
famille une seconde fois, parce que le conducteur lui fait passer sur-
le-champ la frontière. Le mâle prend soin des petits comme la femelle;
comme elle il les garantit de la pluie avec ses aîles.
Pendant que je passe en revue les moeurs des animaux, sous ce point
de vue, le coucou me fait naître quelques doutes.
La plupart des naturalistes paroissent admettre que le coucou vit
dans l’état de mariage; je n’ai pas pu m’en assurer jusqu’ici. Comme il
ne couve ni ne nourrit ses petits, et qu’il abandonne entièrement sa
postérité aux soins des autres oiseaux, il sembleroit que la nature eût
agi sans but, en instituant chez lui le mariage.On prétend avoir vu en
Angleterre le coucou femelle couver lui-même ses oeufs, et nourrir ses
petits ; mais jamais on n’a vu de mâle se joindre à la femelle pour partager
avec elle le soin des petits. J’ai très-souvent observé cet oiseau
dans le temps de ses amours : il est extrêmement ardent; il y en a le
plus souvent plusieurs qui se poursuivent réciproquement; cependant
jamais je n’ai pu m’assurer si le mâle satisfait ses désirs avec une seule
femelle, ou avec plusieurs.
Il existe des hommes et des femmes qui, sans cause extérieure accidentelle
, ont de l’aversion pour le mariage. Si l’on pouvoir lire au fond
de leur coeur, on y trouverait peut-être le mot de l’énigme. De telles
personnes sont-elles incapables d’attachement et d’amitié? Craignent-
elles les charges qu’impose une famille? Sont-ce des égoïstes auxquels
on peut appliquer le impius utcuculus pater générât atque relinquit'?
' Il est des personnes qui ne refusent de se marier que parce qu’elles n’ont pas
pu obtenir la main de l’objet de leur amour. Ce cas n’est peut-être pas très-fré