
jours, l’accès et le penchant fatal diminuoient , et lui-même fixoit
l’époque à laquelle on pourroit sans danger le remettre en liberté. A
Haina, nous vîmes un homme qui, dans certaines périodes, éprouvoit
un désir irrésistible de maltraiter les autres. Il connoissoit son malheureux
penchant, et se faisoit tenir enchaîné , jusqu’à ce qu’il s’apperçut
qu’on pouvoit le laisser libre. Un homme mélancolique assista au supplice
d’un criminel. Ce spectacle lui causa une émotion si violente,
qu’il fut saisi tout à coup du désir le plus véhément de tuer, et en même
temps il conservoit l’appréhension la plus vive de commettre un tel
crime. 11 dépeignoit son déplorable état en pleurant amèrement et avec
une confusion extrême. 11 se frappoit la tête, se tordoit les mains, se
faisoit à lui-même des remontrances, et crioità ses amis de se sauver.
Il les remercioit de la résistance qu’ils lui opposoient. M. Pinel a aussi
observé que, dans les aliénés furieux, il n’y a souvent aucun dérangement
des facultés intellectuelles. C’est pourquoi il se déclaré également
contre la définition que Locke adonnée de 1 aliénation mentale.
Il parle d’un individu dont la manie étoit périodique, et dont les
accès se renouveloient régulièrement après des intervalles de calme de
plusieurs mois. « Leur invasion s’aunonçoit, dit-il, par le sentiment
« d’une chaleur brûlante dans l'intérieur de l’abdomen , puis dans
« la poitrine, et enfin à la face ; alors rougeur des joues , regard étin-
<t celant , forte distension des veines et des artères de la tête ;
« enfin fureur forcenée qui le portoit avec un penchant irrésistible à
« saisir un instrument ou une arme offensive pour assommer le premier
« qui s’offroit à sa vue, sorte de combat intérieur qu’il disoit sans cesse
« éprouver entre l’impulsion feroce d un instinct destructeur, et 1 hor-
« reur profonde que lui inspiroit lidee d un forfait. Nulle marque
« d’égarement dans la mémoire, l’imagination ouïe jugement. 11 me
« faisoit l’aveu, durant son étroite réclusion, que son penchant pour
« commettre un meurtre étoit absolument forcé et involontaire ; que
« sa femme, malgré sa tendresse pour elle, avoit été sur le point d’en
<■ être la victime, et qu’il n’avoit eu que le temps de 1 avertir de prendre
« la fuite. Tous ses intervalles lucides ramenoient les mêmes réflexions
dit c e r v e a u . 219
'« mélancoliques, la même expression de ses remords, et il avoit conçu
« un tel dégoût de la vie, qu’il avoit plusieurs fois cherché, par un
« dernier attentat, à en terminer le cours. Quelle raison, disoit-il,
« aurois-je d’égorger le surveillant de l'hospice qui nous traite avec
a tant d’humanité? Cependant dans mes momens de fureur, je n’aspire
« qu’à me jeter sur lui comme sur les autres, et à lui plonger un stylet
« dans le sein. C’est ce malheureux et irrésistible penchant qui me
« rend au désespoir, et qui me fait attenter à ma propre vie ». ( Sur
l’aliénation mentale , deuxième édition, p. 102 et io3 , § 117 ). « Un
« autre aliéné éprouvoit des accès de fureur qui avoient coutume de
« se renouveler périodiquement pendant six mois de l’année. Le ma-
« lade sentoit lui-même le déclin des symptômes vers la fin de 1 accès,
« et l’époque précise où on pouvoit sans danger lui rendre la liberté
« dans l’intérieur de l’hospice. Il demandoit lui-même qu’on ajournât
« sa délivrance, s’il sentoit ne pouvoir dominer encore l’aveugle im-
« pulsion qui le portoit à des actes de la plus grande violence. Il avoua,
« dans ses intervalles de calme, que, durant ses accès, il lui etoit im-
11 possible de réprimer sa fureur ; qu’alors, si quelqu un se presentoit
h. devant lui, il éprouvoit, en croyant voir couler le sang dans les
11 veines de cet homme, le désir irrésistible de le sucer, et de déchirer
11 ses membres à belles dents, pour rendre la succion plus facile ».
( Ibidem, p. 283,284 , § 289 ) ‘.
Je dois la relation suivante à la complaisance de M. le docteur Zimmermann
de Krumbach : « Un paysan né à Krumbach, en Souabe, et
de parens qui ne jouissoient pas de la meilleure santé, âgé de vingt-
sept ans, et célibataire, étoit sujet depuis l’âge de huit ans à de fréquens
accès d’épilepsie. Depuis deux ans, sa maladie a changé de caractère,
sans qu’on puisse en alléguer de raison ; au lieu d’accès d’épilepsie , cet
homme se trouve depuis cette époque attaqué d’un penchant irrésistible
à commettre un meurtre. Il sent l’approche de l’accès, quelquefois
plusieurs heures, quelquefois un jour entier avant son invasion. Du
’ T. I l , section f l, p. 365, 36g , édition in-8",