
plet sur le suicide sous tous ses rapports , demanderait un travail particulier,
et amènerait nécessairement de nombreuses discussions de
physiologie, de pathologie et de morale. Je me borne à faire quelques
réflexions sur celui qui est la suite d’une maladie, d’une aliénation
mentale particulière, laquelle est elle-même produite par une organisation
, une disposition particulière.
J ai démontré que, souvent dans l’état de santé, une surirritation, ou
même une activité naturelle trop énergique de 1’organ.e de la circonspection
porte à la pusillanimité, à l ’indécision , à l'ennui, à l ’inquiétude,
au mécontentement, etc. Est-il étonnant alors que dans le cas
d un malaise général, d’une surirritation ou d’une excitabilité particulière
du système nerveux, l ’organe de la circonspection ne joue son
rôle dans toute sa plénitude, ne présente au malade que des idées sinistres,
et ne lui fasse regarder la terre que comme un séjour de désolation;
qu’enfin il fasse naître le penchant à se détruire lui-même?
L ’état de maladie, tel que je l’ai dépeint, vol. II, p. 20a et suiv.,
et qui précède ordinairement cette espèce de suicide, suffit seul pour
prouver que l’organe de la circonspection est au plus haut degré d’exaltation
, et que celle-ci finit par s’emparer d’autres parties cérébrales.
Je possède la liste de 1180 individus, qui ont mis fin à leur, existence
depuis 1784, jusqu’à 1798 dans les états Saxons, sans^compter, la haute
et la Basse-Lusace. De ce nombre, 5a6 sont portés comme mélancoliques,
qui offraient des signes manifestes d’une humeur triste et inquiète.
Que doit-on penser de l’état moral delà plupart des autres^? Combien
de fois cette perfide maladie n’agit-elle pas sourdement, et combien ses
symptômes sont-ils méconnus ! Les individus que j’ai eu occasion de soigner
, étoienttous, dans l’état de santé encore apparente, méticuleux,
soupçonneux, moroses, mélancoliques, quelquefois, mais rarement, en
proie à une gaîté excessive.Quelques-uns tourmentent, par des tracasseries
minutieuses, tous ceux qui les entourent; ils s’imaginent que tout
le monde les méprise; ils se plaignent sans cesse de ce qu’on les néglige,
de ce qu’onneleurrendpas justice; plusieurs regardent comme indifférent
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de communiquer à d’autres leur position désespérée. Cette humeur tra-
cassière, leurs lubies extravagantes, ce silence perfide caractérisent ordinairement
les cas les plus dangereux , et dérobent en même temps à
leurs amis la connoissance de-ce malheureux état. Même après le coup
fatal, quand on n’est pas familiarisé avec cette singulière aliénation
partielle, on se demande encore -si le suicide a été plutôt le résultat
d’une immoralité coupable, ou d’un dérangement des facultés de l’ame.
On cite, contre cette dernière opinion, les préparatifs médités depuis
long-temps; la manière dont ils ont éludé l’attention ou la surveillance
de leurs amis; les moyens pour atteindre leur but, parfaitement
bien imaginés et raisonnés; l’exécution soudainede leur projet, souvent
immédiatement après un divertissement auquel ils paroissoient prendre
la part la plus vive; les dispositions testamentaires faites avec pleine
connoissance de cause, etc., etc.
Les causes qu’on accuse ordinairement d’avoir déterminé le suicide,
ne sont que des causes occasionnelles; le mal étoit préparé de longue
main; la jalousie, l’amour malheureux, la perte d’un bien, les poursuites
des créanciers, des tourmens de conscience, et tous ces motifs
n’ont fait d’ordinaire que porter les derniers coups à un édifice qui
menaçoit ruine depuis long-temps.
Outre les mélancoliques cités ci-dessus, qui se sentoient violemment
entraînés à leur propre destruction, et chez qui l ’organe de la circonspection
se trouvoit très-fortement développé, je rappelle encore quelques
autres exemples. La femme qui essaya si souvent de s’ôter la vie, et
qui par principes de religion, trouva assez de forces pour jeter la clef
de la chambre à coucher de son mari et de ses enfans, afin de se soustraire
au malheur de les tuer; la demoiselle de dix-sept ans, belle,
riche, bien élevée, sur le point de faire un mariage brillant, mais
toujours mélancolique, se plaignant depuis long temps d’une douleur
opiniâtre au milieu du front, ayant toujours l’air d’être mécontente
de son sort, tout en protestant quelle étoit très-heureuse, et qui finit
par monter d’un second étage où elle logeoit, jusqu’à un cinquième,
d’où elle se précipita sur le pavé,.sans jamais avoir fait entrevoir son