
toutes ses entreprises un caractère très-timide , et qui a ressenti depuis
dix ans des accès d’une mélancolie profonde, éprouve aussi depuis
cette dernière époque une foiblesse de nerfs generale. Il s imagine que
l’achat qu’il a fait d’une maison, a causé son malheur et celui de sa
femme qu’il aime beaucoup. Il se plaint sans cesse, et se désole de sa
position qu’il soutient être la plus malheureuse. Il a quelquefois des
accès d’angoisses insupportables ; il souhaite continuellement la mort;
et depuis long-temps il se la seroit donnée si, selon ses expressions , ce
n’étoit pas un péché. Il parle souvent d’un forgeron françois qui se tua
après avoir tué sa femme. Tu es malheureuse, dit-il quelquefois à sa
femme, du ton le plus ému, il faudra bien que je fasse comme a fait
l’émigré françois. Nous avons donné le conseil de le séparer de sa
femme ; nous ignorons si l’on a pris cette précaution »
« Un cordonnier de Strasbourg tua sa femme et trois de ses enfans,
et auroit aussi tué le quatrième, si celui-ci ne se fut pas soustrait à sa
fureur. Après avoir commis cette action épouvantable, il se fendit l’estomac
, mais le coup n’étoit pas mortel ; il retira le couteau , et se perça
le coeur d’outre en outre. Cet homme jouissoit de la réputation dun
homme doux et loyal, d’un bon père et d un bon epoux. Personne n a
pu découvrir ce qui l avoit porté à cette action horrible. A Léopol,
en Galicie, un certain R** tua sa femme , objet de sa vive tendresse;
puis il se tira un coup de pistolet, mais il se manqua. Pendant qu on
enfoncoit sa porte, il se tira un second coup et se tua. Sa conduite avoit
toujours été irréprochable, et tout ce que Ion put savoir, c ëst qu il
n’étoit pas content de sa place , et qu’il croyoit en mériter une meilleure.
A Hambourg, R’ *, instituteur estimé, tua sa femme et ses cinq
enfans , en en épargnant deux autres qui lui étoient confiés. Un semblable
événement est arrivé à Amsterdam, et plusieurs faits de ce genre
sont venus à notre connoissance» a.
Depuis que ces morceaux sont écrits,
4 Yoy. Tome II, Se et. III, p. ao5.
I Ibidem, f j g t
j’ai lu dans les journaux plufi
sieurs attentats semblables, mais il n’y en a pas un qui ait été jugé avec
connoissance de cause et avec cet esprit philosophique, résultat dune
profonde connoissance de l’homme.
En dernier lieu encore, un homme tua, à Francfort, ses cinq enfans
et sa femme, et puis se suicida. On fut embarrassé sur le choix des outrages
à faire à son cadavre , pour venger, ainsi qu’on a coutume de s exprimer,
la société d’un crime si atroce. Un exemple plus recent vient
à l’appui de ce que j’ai déjà avancé.
« Un nommé Guillon, demeurant à Tours, se croyant empoisonné
par les drogues que lui avoit vendues un marchand d orviétan, avoit
pris la résolution de l’assassiner, et de se détruire ensuite; ne trouvant
pas chez lui l’homme dont il croyoit avoir à se plaindre , il
assouvit sa vengeance sur sa femme, et après l ’avoir horriblement
assassinée, il alloit se noyer au moment où il a été arrêté.
« Ayant été condamné à mort, le respectable pasteur chargé des
prisons de cette ville a, par le précieux secours de la religion, ramené
le calme et la consolation dans l’esprit égaré de Guillon ; mais
ce malheureux a continuellement persiste dans 1 intention de mourir,
et n’a pas appelé de son jugement ' ».
Lorsque de semblables infortunés ne réussissent pas à se détruire
eux-mêmes, il se livrent entre les mains de la justice, et ne désirent
rien plus ardemment que la mort. Peu importe, dit-on, quun tel individu
périsse; mais il importe à la famille de n’être point flétrie. Et
par quelle raison infliger des châtimens pour des actions qui ont été
commises dans la manie? Craignez-vous de donner au peuple un exemple
dont les conséquences pourroient être funestes? Eclairez le peuple
sur ce genre de maladie. Votre premier devoir est d’être juste, et de
ne pas commettre des cruautés sans but !
* Journal des Maires du 3o juin iS i8 , n°. 38o