
ont fait mourir plus de citoyens par la main du bourreati et par des supplices
plus recherchés. Les chroniques du temps comptent quatre mille
sujets exécutés sous son règne en public et en secret.Les cachots,les cages
de fer, les chaînes dont on chargeoit les victimes de sa barbare défiance,
sont les monumens qu’il a laissés. En faisant donner la torture aux criminels
, il se tenoit derrière une jalousie......On ne voyoit que gibets
autour de son château ; il assistoit lui-même à l ’exécution de ses vengeances.
Lorsque Jacques d’Armagnac, accusé du crime de lèze-majesté,
fut exécuté, il fit placer sous l’échafaud les enfans de ce prince infortuné
pour recevoir sur eux le sang de leur père; ils en sortirent tout
couverts, et dans cet état on les conduisit à la Rochelle dans des cachots
faits en forme de hotte, où la gêne que leur corps éprouvoit étoit
un continuel supplice. Toujours couvert de reliques et d’images, portant
à son bonnet une Notre-Dame de plomb, il lui demandoit pardon
de ses assassinats, et en commettoit toujours de nouveaux.
Voyez les Sylla, les Tibère, les Domitien, les Marcus Caius, les
Aurélien, les Caracalla , les Septime-Sévère, les Henri VIII, les Catherine
de Médicis.....
Il me faudioit des années pour faire l’énumération des scènes d’horreur
qui ont dévasté la terre en masse. Et que ceux qui veulent con-
noître ce qui est caché dans le coeur des hommes ordinaires, se transportent
dans les temps où il n’existe plus aucun frein aux passions.
Qui peut ignorer les scènes d’horreur qui ont souillé la révolution
francoise? qui peut ignorer les noms des Rossignol, des Péthion , des
Marat, des Chalier, des Robespierre, des Danton, des Carrier, des
Henriot, des Collot-d’Herbois, des Fouquier-Tinville? etc. Que l’on
songe aux meurtres qui se commettent tous les jours avec des raffine-
mens de cruauté, malgré l’éducation, la morale, la religion et les
lois? L’infâme et le barbare duel quand cessera-t-il d’être autorisé?
Qui après cet exposé osera sou tenir encore qu’il n’y a pas dansl’homme
un penchant inné qui le porte à la destruction de sa propre espèce? Où
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est l’animal qui exerce plus de fureurs que l’homme contre tous les
animaux et contre ses semblables'?:
Penchant au meurtre, avec une débilité d’esprit.
Pour montrer encore que ce penchant peut être actif indépendamment
d’autres qualités ou d’autres facultés, je remets sous les yeux du
lecteur les exemples suivans, où ce penchant se manifeste malgré une
débilité extrême de toutes les facultés et de toutes les autres qualités*
Un idiot, après avoir tué les deux enfans de son frère, vint le lui annoncer
en riant. Un autre idiot qui avait tué son frère, voulut le brûler en
ceremonie. Un troisième, après avoir vu tuer un cochon , crut pouvoir
egorger un homme, et l’égorgea. Un quatrième imbécile tua, sans aucun
motif, un enfant ’ . Les exemples malheureux de cette espèce qui
arrivent assez fréquemment, prouvent combien il est nécessaire de
mettre sous la plus stricte surveillance les idiots qui ont des inclinations
malfaisantes.
Penchant au meurtre dans la manie.
« A Rerlin, M. Mayer, chirurgien d’un régiment, nous montra en
présence de MM. Heim, Formey, Goericke et autres, un soldat à qui
le chagrin d’avoir perdu sa femme qu’il aimoit tendrement, avoit beaucoup
affoibli le corps, et occasionné une irritabilité excessive. 11 finit
par avoir tous les mois un accès de convulsions violentes. Il s’apper-
cevoit de leur approche ; et comme il ressentoit par degrés un penchant
immodéré à tuer, à mesure que l ’accès étoit près d’éclater, il supplioit
alors avec instance qu’on le chargeât de chaînes. Au bout de quelques
1 J’ai prouvé dans le Tome I I , Section II, du matérialisme, du fatalisme et
de la liberté morale, que l’existence du penchant ne nécessite nullement
l'action, et n’exclut point la liberté morale.
* Tome I I , Section III.
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