
qui n ont jamais voulu, ou jamais pu devenir mères, adopter des enfans
étrangers, et leur prodiguer les plus tendres soins!
L amour de la progéniture agit chëz les animaux, même avant qu’ils
n aient mis leurs petits au monde. Les oiseaux, la souris, l’écureuil et
cent autres, préparent d’avance un nid ou un gîte.
Si 1 amour de la progéniture, disent mes adversaires, étoit l’efiet
d un oigane, il devroit se manifester dans tous les temps; mais on ne
remarque rien de semblable chez les animaux, lorsqu’ils n’ont pas de
petits.
Or, j ai montré en plusieurs endroits de cet ouvrage, en traitant
d autres instincts ou penchans, que la circonstance qu’ils ne se manifestent
pas toujours ne prouve absolument rien contre leur innéité. L’instinct
de la propagation, l’instinct de voyager, de faire des provisions,
de chanter, sont dans l’inaction à certaines époques de l’année; et c’est
précisément la circonstance que toutes ces qualités peuvent être individuellement
en activité ou en repos, qui prouve qu’elles sont des forces
propres, et qu’elles ont chacune un organe particulier.
Commentse fait-il cependant que quelques femmes n’aiment pas tous
leurs enfans avec une égale tendresse, qu’il y en a même quelquefois
qu’elles haïssent? Comment cela est-il possible, si l’amour de la progéniture
résulte de l’activité d’un organe? :
Quelque grave que cette difficulté puisse paraître à certains ésprits
superficiels, elle est très-peu importante en effet. D’abord, j’ai souvent
remarqué que les chiennes et les chattes aiment l’un de leurs petits plus
que les autres. Or, si de semblables préférences existent chez les femelles
des animaux, elles doivent avoir lieu, à plus forte raison, chez
les femmes, sur lesquelles peuvent agir tant de motifs secondaires, tel
que la haine ou l’amour qu’elles ont pour le père, la beauté ou la laideur
de l’enfant, etc. L’estomac aussi ne digère pas également bien tous les
alimens, et tousles mets ne sont pas également agréables au gourmand
même le plus vorace ; toute musique ne plaît pas également à toute
oreille musicale ; toute femme n’inspire pas de l’amour et des désirs a
tout homme.
« De tous les penchans, dit Cabanis, qu’on ne peut rapporter aux
leçons du jugement et de l’habitude , l’instinct maternel n’est-il pas le
plus fort et le plus dominant? A quelle puissance faut il attribuer ces
mouvemens d’une nature sublime dans son but et dans ses moyens,
mouvemens qui ne sont pas moins irrésistibles, et qui le sont peut-être
encore plus dans les animaux que dans l’homme? N’est-ce pas évidemment
à l’impression déjà reçue dans la matrice , à l ’état des mamelles,
à la disposition sympathique où se trouve tout le système nerveux par
rapport à ces organes éminemment sensibles? Ne voit-on pas constamment
l’amour maternel d’autant plus énergique et plus profond, que
cette sympathie est plus intime et plus vive : pourvu, toutefois, que
l’abus ou l’abstinence déplacés des plaisirs amoureux, n’ait pas dénaturé
son caractère? Il est sûr qu’en général, les femmes froides sont rarement
des mères passionnées.......La tendresse des pères, dans toutes
les espèces , paroit fondée d’abord presque uniquement sur l’amour
qu’ils ont pour leur compagne, dont ce sentiment, toujours impérieux,
souvent profond et délicat, leur fait partager les intérêts et les soins
D’après cela, l’on serait tenté de regarder l ’amour de la progéniture
comme un résultat, ou plutôt comme une extension de l’instinct de la propagation.
Mais j’ai déjà montré que l’amour de la progéniture est en
pleine activité, sans qu’il soit survenu le moindre changement dans les
parties sexuel les. L’instinct delà propagation est extrêmement ardent dans
certains mâles, par exemple dans le coq, le chien, le sanglier, le cerf,
sans que ces mâles prennent le moindre intérêt aux petits. Chez l’homme,
l’instinct de la propagation est d’ordinaire plus actif que chez la femme;
et d’ordinaire aussi cependant la femme ressent un amour plus vif pour
les enfans.Beaucoup d’animaux, par exemple certains insectes, certains
amphibies, le coucou parmi les oiseaux, ne prennent aucun soin de
leurs petits, quoiqu’ils s’accouplent avec une grande ardeur. D’autres,
telles que les abeilles et les fourmis ouvrières , n’exercent pas du tout
l’acte de la propagation, et malgré cela elles prennent soin très-assi-
‘ Rapport du physique et du moral dans l’homme, T. I , p. i 3o.