
un sang plus abondant, soit le cerveau, soit les masses musculaires »
Tout dans ce passage est faux. Le courage ne naît nullement du sentiment
de la force. 11 n’y a personne qui ne connoisse des hommes très-
forts non-seulement pacifiques, mais même craintifs. Ce n est pas même
dans les cas où tout paroît dépendre de la force corporelle que les plus
forts sont les plus courageux, les plus intrépides, les plus téméraires.
Les plus gros chiens, par exemple le dogue de forte race, sont les plus
poltrons; on ne sauroit les dresser au combat, parce qu’ils prennent la
fuite à la première attaque. Même dans les chiens de boucher Çmâtin) ,
e lle dogue commun, les plus petits sont souvent les plus courageux
et les plus acharnés au combat. Le lapin, je le répète encore, est plus
petit et moins fort que le lièvre, et cependant enfermés ensemble dans
un parc, il débusque et fait fuir ce dernier. Le coq de combat, comme
je l ’ai aussi déjà dit, est plus petit que le coq de basse-cour, et pourtant il
l’attaque et en est vainqueur. Tous les jours je vois dans ma cour même
les petits coqs d’Angleterre se battre contre les grands coqs d’Allemagne,
et très-souveut ils en triomphent.
Si donc, pour avoir du courage, il faut autre chose que la force cor-*
porelle, l’objection de M.Richerand tombe au point de ne plus-conserver
même la moindre vraisemblance. J’ai déjà cité ailleurs quelques hommes
connus dans l ’histoire par leur courage, tels qu’Attila , Alexandre,
Pépin le Bref, qui étoient de petite taille. Le lecteur se rappellera un
grand nombre d’exemples pareils.
Lorsque M. Richerand dit que le coeur est plus gros, plus fort et plus
robuste chez les animaux courageux, que dans les espèces foibles et timides
il avance une assertion absolument gratuite, et qu’il ne se donne
pas la peine d’appuyer d’un seul exemple pris de l’anatomie comparée.
11 est bien vrai que les dimensions du coeur sont dans une certaine proportion
avec la stature ou avec le système veineux et artériel ; mais cette
proportion n’a rien de eommun avec aucune qualité ou faculté quel- 1
1 Nouveaux élémens de physiologie, 7'. édition, Tome I, page 322 — 323 ,
§. LI. *
D U C E R V E A U . 1 9 7
conque. Le coeur du lièvre est beaucoup plus volumineux que celui du
plus gros chat.
« Nous voyons, ditM. Nacquart, que dans les animaux, le penchant
qui les porte à tuer, se rapproche de celui de la rixe, et que même ces
penchans se confondent. Déjà le chien ne distingue plus le penchant
du meurtre de celui qui le sollicite à la rixe. Pour le loup, attaquer et
tuer sont la même chose ; ainsi le penchant à la -rixe n’existe donc indépendamment
de celui au meurtre, qu’en tant que l’individu jouit
d’une liberté morale étendue. C’est comme si l’on regardoit l’amour
physique comme un penchant distinct de l’amour moral , parce que
dans l ’homme il y a entre eux une ligne de démarcation bien tranchée,
laquelle semble même se laisser entrevoir chez les animaux susceptibles
de choix; d’où l’on doit conclure que le penchant à la rixe est une modification
de celui du meurtre
J’ai déjà dit ailleurs qu’un être vivant est susceptible d’être déterminé
par un nombre de motifs d’autant plus grand, qu’il est soumis
à l’influence d’organes plus nombreux, et que son cerveau est plus composé.
L’homme n’est pas sensible uniquement aux plaisirs de l’amour
physique, il est susceptible encore d’être-captivé par les charmes de la
beauté, par les attraits de la vertu, etc. Voilà chez lui la base delà différence
entre l’amour physique et l’amour moral; mais ces deux espèces
d’amour sont plus près l’un de l’autre que beaucoup de personnes ne
le croyent. Pourquoi les coryphées de l’amour platonique ne sont-ils
pas enflammés de cet amour moral par ces qualités qui les ravissent
lorsqu’elles sont le partage d’un homme ou d’une vieille femme? Ce que
nous appelons amour moral n’est-il pas en bonne partie une illusion
qui d’ordinaire finit comme l’amour physique commence chez les animaux?
Si M. Nacquart avoit connu l’histoire naturelle de l’instinct de la défense
de soi-même et de sa propriété, et tous les développemens avec
lesquels je l’ai donnée, il n’admettroit certainement pas que le penchant
au meurtre et l’instinct de la défense de soi-même ne sont que
des modifications de la même qualité fondamentale. Je ne m’ar