
Historique de la decouverte.
Incertain si je trouverois dans la langue des expressions pour désigner
toutes les qualités et toutes les facultés fondamentales, je fus curieux de
voir à la manifestation de quelles qualités ou de quelles facultés le peuple
est attentif. Je rassemblai donc dans ma maison un certain nombre d’individus,
pris dans les plus basses classes, et se livrant à différentes occupations;
des cochers de fiacre, des commissionnaires, etc. J’acquis
leur confiance, et je les disposai à la sincérité en leur donnant quelque
argent, et en leur faisant distribuer du vin et de la bière. Lorsque je
les vis dans une disposition d'esprit favorable, je les engageai à me dire
tout ce qu’ils savoient réciproquement, tant de leurs bonnes que de
leurs mauvaises qualités, enfin de tout ce qu’il y avoit de saillant dans
le caractère de chacun d’eux.
Dans les diverses révélations qu’ils me firent, ils parurent donner
surtout leur attention à ceux qui provoquoient partout des disputes et
des rixes ; ils connoissoient très-bien les individus pacifiques dont ils
parloient avec mépris, et qu’ils appeloient des poltrons. Comme les plus
querelleurs trouvoient grand plaisir à me faire des récits très-circonstanciés
de leurs exploits, je fus curieux de voir si dans la tête de ces
braves il se trou voit quelque chose qui la distinguât de celle des poltrons.
Je rangeai d’un côté tous les querelleurs, et de l’autre tous les pacifiques,
et j’examinai soigneusement les têtes des uns et des autres. Je
trouvai que tous les querelleurs avoient la tête, immédiatement derrière
et au niveau des oreilles, beaucoup plus large que les poltrons. Je fis
venir à une autre séance, seulement ceux qui étoient les plus distingués
par leur bravoure, et ceux qui l’étoient le plus par leur poltronnerie;
je renouvelai mes recherches, et je trouvai mes premières
observations confirmées.
Je ne pus point être dérouté par les fausses idées que se font les
philosophes sur l’origine de nos qualités et de nos facultés. Chez les
individus auxquels j’avois affaire, il ne pouvoit pas être question d’éducation
et la manière dont leur caractère se prononçoit, ne pouvoit
nullement être confondue avec l’influence des circonstances extérieures.
Des hommes semblables sont les enfans de la nature ; dans cette classe,
chaque individu s’abandonne sans réserve à ses penchans, toutes ses actions
portent l ’empreinte de son organisation.
Je commençai donc à présumer que le penchant aux rixes pouvoit bien
être le résultat d’un organe particulier. Je tâchai de découvrir d’un côté
des hommes reconnus pour très-braves , et de l’autre, des hommes reconnus
pour très-poltrons. Dans le combat d’animaux, alors encore
existant à Vienne, se trouvoit un premier garçon extrêmement intrépide,
qui se présentoit souvent dans l’arène pour soutenir tout seul le
combat contre le sanglier ou le taureau le plus furieux, ou contre un
animal féroce quelconque. Je trouvai chez lui la région de la tête que
je viens d’indiquer, très-large et très bombée. Je moulai sa tête ainsi que
celles de quelques autres braves, pour ne pas être en danger d’oublier
ce que leur conformation a de particulier. J’examinai aussi les têtes de
quelques-uns de mes camarades qui s’étoient fait reléguer de plusieurs
universités, par la raison qu’ils avoient continuellement des duels; l’un
d’entre eux ne connoissoit pas de plus grand plaisir que de s’établir dans
un cabaret, de se moquer des ouvriers qui y venoient boire ; puis lorsqu’il
les voyoit disposés à en venir aux coups, d’éteindre les chandelles
et de leur livrer ainsi bataille, dans l ’obscurité, à coups de chaises.
C’étoit un homme petit et foible en apparence. Il me rappeloit un autre
de mes camarades, Suisse de naissance, qui samusoit à Strasbourg à
provoquer à des rixes les hommes les plus forts et bien plus grands que
lui. Je parcourus plusieurs écoles, et je me fis montrer les écoliers les
plus querelleurs, ainsi que les plus poltrons; je poursuivis les mêmes
observations dans les familles de ma connoissance. Dans le courant de
mes recherches, je fus frappé d’une très-belle demoiselle, qui dès son
enfance avoit eu la passion de s’habiller en garçon ; ainsi travestie, elle
s’esquivoit de la maison, et se mêloit aux polissons de la rue pour
se battre avec eux. Etant mariée, elle cherchoit constamment l’occasion
de se battre avec des hommes. Lorsqu’elle avoit du monde à